Citations de Joshua Hammer (13)
L’opération Serval a été saluée presque unanimement comme un modèle de guerre expéditionnaire – une opération exemplaire, menée par un pays européen dans une ancienne colonie pour les débarrasser de la mainmise des groupes islamistes en essuyant un minium de pertes. Dans le même temps, la victoire éclatante des forces française a mis en évidence l’état de délitement avancé des forces armées maliennes, qui risque de compromettre les effets pérennes de l’intervention.
Les manuscrits de Tombouctou étaient appréciés autant pour les thèmes qu'ils abordaient que pour leur splendeur esthétique. Les scribes de la ville s'inspiraient de styles calligraphiques complexes : la tradition d'Afrique occidentale, dite haoussa, caractérisée par des coups de pinceaux épais, la forme coufique venue d'Irak, avec ses lettres exagérément couchées et tout en angles, courbées comme si elles se prosternaient devant Dieu, et le plus populaire, le style maghrébin, qui se distingue par ses lettres rondes en forme de bol, ses courbes et ses boucles amples.
En l'espace de quelques minutes , le travail de certains des plus grands savants de Tombouctou - préservé pendant des siècles, soustrait aux convoitises des premiers djihadistes, puis des colons français, miraculeusement réchappé des effets pernicieux de la poussière, des bactéries, de l'eau et des insectes- disparaît dans le brasier.
Tombouctou abrita bientôt aussi de remarquables originaux, grâce à la présence croissante de scientifiques, d'historiens, de philosophes et de versificateurs locaux .Des anthologies de poèmes célébraient tout, du Prophète à l'amour romantique en passant par des sujets plus prosaïques comme le thé vert.
Parfois les scribes agrémentaient leurs textes d'images réalistes : de délicates représentations de mosquées, à l'encre , mais aussi d'instruments à cordes, de chaines de montagnes, d'oasis sahariennes, avec leurs plans d'eau scintillants et leurs palmiers-dattiers. Les couvertures en cuir de chèvre, de mouton ou de chameau étaient incrustées d'ambre, de turquoise et d'argent.
Les manuscrits de Tombouctou étaient indissociables de la vie intellectuelle et économique de la ville .
Au fil du temps , les scribes élargirent leurs horizons. Ils recopièrent des manuels d'algèbre, de trigonométrie, de physique, de chimie et d'astronomie. Ils traduisirent en arabe les oeuvres des plus grands philosophes grecs, Ptolémée, Aristote et Platon, d'Hyppocrate, "père de la médecine", et du philosophe et universitaire persan du XIè siècle Avicenne,auteur de dizaines de manuscrits d'éthique, de logique, de médecine et de pharmacologie.
En dépit de la ferveur et de l'érudition religieuse de Tombouctou, l'islam qui y prit racine ne fut jamais très strict. Léon l'Africain le rapporte en ces termes; " Les habitants de cette cité sont tous de plaisante nature, et le plus souvent s'en vont le soir jusqu'à une heure de nuit dansant parmi la cité"
Il n’a fallu que cinquante-trois jours à l’armée française pour écraser une force rebelle qui a terrorisé le monde et a bien failli prendre le contrôle de tout un pays.
Les manuscrits de Tombouctou étaient indissociables de la vie intellectuelle et économique de la ville.
Dans les siècles qui suivirent, Tombouctou, au départ un assemblage de tentes et de masures d'adobe sur le rive du fleuve, se mua en un carrefour de voyageurs, point de rencontre entre deux cultures - rapprochant caravanes du désert et trafic fluvial dans le cadre d'échanges constants et mutuellement enrichissants.
Historiens et philosphes avaient longtemps prétendu que les Noirs africains étaient des illettrés sans histoire.
Parfois, mon père fourrageait dans la remise et en ressortait avec un volume de la collection familiale - traité sur la jurisprudence islamique du début du XVII siècle; un Coran du XIII siècle rédigé sur du vélin d'antilope; ou un autre livre saint, du XII lui aussi, à peine plus grand que la paume d'une main, écrit sur la peau de poisson, sa délicate calligraphie maghrébine décorée de gouttelette de feuille d'or.
Il jette un coup d'oeil vers l'arrière. Là, camouflées sous des couvertures, cinq malles cadenassées sont remplies de trésors: des centaines de manuscrits enluminés, dont quelques-uns datent des XV et XVI siècles, l'âge d'or de Tombouctou. Des oeuvres magnifiques, reliées en peau de chèvres incrustée de pierres semi-précieuses, composées par les scribes les plus habiles de leur temps, et dont les pages fragiles foisonnent de textes à la calligraphie serrée et de dessins géométriques complexes et multicolores.