Citations de Julia Salvador (37)
Elle avait vu de quoi était capable l’homme dont le corps réchauffait le sien tout en lui glaçant les veines.
- Les hommes comme lui. C'est ce que vous venez de dire. Est-ce que vous envisagez la possibilité que je sois innocent ?
C'était une chose d'apprendre que j'allais mourir, c'en était une autre de me dire que j'aurais pu être sauvé. Cela faisait plusieurs mois, en réalité, que ces maux de tête avaient commencé à me poser problème, mais avec ma hantise des médecins, j'avais préféré ignorer les symptômes. Il était trop tard à présent, alors à quoi bon remuer le passé ?
- Ecoutez, nous nous trouvons tous les deux dans une situation qui nous dépasse. Je vous assure que je ne suis pas l'homme qui vous a kidnappée. Vous devez me faire confiance.
Zoé scrutait son visage à l'affût du moindre signe qui montrerait qu'il n'était pas sincère. Il était en train de se jouer d'elle, elle en était persuadée. Tout ça n'était qu'une mise en scène de plus dans un jeu de rôle dont il était le meneur.
- La mémoire t'est revenue ? Demanda-a-t-elle.
- Non.
Je ne regarde jamais en arrière. C’est une perte de temps. Le passé ne peut pas être changé.
Je me souvenais de la silhouette inquiétante que j'avais prise pour un fantôme avant de réaliser qu'il s'agissait de la voisine, habillée d'une robe blanche que la brise légère du matin soulevait comme le linceul d'une morte. Une image encore vive dans ma mémoire. En revanche, je n'arrivais pas à me rappeler si cela coïncidait avec le jour de sa disparition. Ce qui était certain, c'est que je ne l'avais plus jamais revue après ça.
Si je continuais à entendre des voix, cela voulait probablement dire que j'étais en train de faire une crise d'épilepsie. Le problème, c'est que je ne me souvenais plus de l'endroit où j'avais mis les médicaments que m'avait prescrits mon neurologue parisien.
J'avais adoré la regarder dormir, détaillant son visage détendu, calant ma respiration sur la sienne. Alors que la pensée qu'un autre que moi se réveillait désormais à ses côtés, je décidai de me lever. J'avais du pain sur la planche et bricoler m'éviterait de me perdre dans mes idées noires.
Tant pis s'il s'agissait d'une hallucination. Tant pis si chaque crise d'épilepsie raccourcissait ma vie un peu plus. J'étais heureux d'entendre sa voix. Je n'imaginais pas à quel point elle m'avait manqué.
Bien sûr, j'avais conscience que cette voix était générée par mon cerveau malade qui piochait dans la bande-son de mes souvenirs enfouis, mais aussi dans celle de mes fantasmes. Je voulais qu'elle pense à moi. Je voulais qu'elle souffre de notre séparation autant que moi j'avais souffert même si j'en étais l'artisan.
Chaque nouvelle porte que j'ouvrais faisait resurgir des souvenirs enfouis dans ma mémoire. Heureux pour la plupart. Mon père avait acheté cette maison quelques années après avoir ouvert son cabinet d'avocats.
Il était trop tard pour revenir sur le passé, de toute façon. Ce qui est fait est fait.
Cela faisait des années que je ne l'avais pas vue. J'avais peur de la trouver changée ou que ce fut elle qui ne me reconnaisse pas. À présent nos différends m'apparaissaient futiles. Quelle perte de temps ! Du temps que je ne pourrais plus jamais rattraper. Des erreurs que je ne pourrais plus réparer. Autant de regrets que j'allais emporter avec moi dans la tombe.
Ce n'est pas bon pour la santé de sauter un repas.
À dire vrai, je ne m'attendais pas à avoir autant de choses. Mais la nature ayant horreur du vide, j'avais fini par m'encombrer de bibelots et autres gadgets sans valeur. Et pourtant, je sentais que j'en aurais besoin ces prochaines semaines. À défaut de personnes sur qui compter, je pourrais au moins trouver du réconfort dans ces objets familiers.
"Un suicide ne devrait jamais se faire sur un coup de tête ou sous l'impulsion du moment."
Je le sentais tiraillé entre le sentiment de fierté que lui procurait l’arrestation du tueur en série et l'inquiétude de voir les preuves étalées sur son bureau invalidées par un tribunal.
Des hallucinations auditives ? Une façon pour mon inconscient d'entrer en contact avec la partie de mon cerveau qui était consciente ? Peut-être était-ce cela, l’intuition. Je me mis à genoux sur le tapis et inspectai la baignoire ou plutôt, le socle dans lequel elle avait été placée. Je localisai la trappe de visite qui permettait d’accéder à la plomberie.
Des images de femmes nues, violentées, sur un écran d’ordinateur traversèrent mon champ de vision. De la pornographie à la limite de la légalité, trouvée probablement sur le Darknet. Cela pourrait être utile. Plus tard. Mais cela ne prouvait pas qu’il avait tué ces femmes et il le savait. Je le lisais dans son regard faussement outré. L’expression de son visage contrastait avec son calme intérieur. Je faisais fausse route et ça le faisait jubiler.
Le bruit des voitures autour de moi s'estompa pour céder la place à des murmures indistincts. Des voix qui semblaient provenir de l'immeuble lui-même, comme si celui-ci était doué de vie et me parlait pour révéler les secrets emprisonnés dans ses murs. Hélas, je n'arrivai pas à comprendre ce qu'elles disaient. C'était comme essayer d'entendre une conversation précise au milieu d'une foule. Impossible, alors je n'essayai même pas. La seule solution était de me trouver face à l'homme dont je voulais percer le secret le mieux gardé.