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Critiques de Julien Offray de La Mettrie (8)
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L'Homme machine

Si on prend une vache dans un pré, qu’on lui retire ses cornes, qu’on l’affine quelque peu, qu’on lui allonge la tête, … jusqu’à ressembler à un cheval, a-t-on toujours affaire à une vache, ou à un cheval ? La plupart des personnes interrogées tiendront pour la vache : quelle que soit sa forme actuelle, elle a été vache, elle est vache, et elle restera vache. Instinctivement, il existe une « âme vache » quelque part dans la carcasse, qui reste immuable.



Le problème avec le concept d’âme immuable, c’est (entre autre) qu’il est difficile d’expliquer comment le corps l’altère si vite : si la bonté, la générosité font partie d’une âme, voir la personne agir en égoïste dès qu’elle a un peu faim ou froid pose quelques soucis explicatifs.



La Mettrie fait table rase de toute cette idée : il n’y a que la matière, et elle explique tout. Reprenant l’idée de Descartes selon laquelle les animaux ne sont que des machines compliquées, il achève la démonstration en établissant que l’homme n’est finalement qu’un animal comme un autre. À côté des paradoxes sur le couple âme/matière du précédent paragraphe, le philosophe ajoute quantité de faits scientifiques : des vers coupés en deux donnent deux parties viables , le fait que les membres, même coupés du reste du corps, continuent à fonctionner quelque temps (une poule à qui on coupe le cou court encore), … Les récents progrès des automates, notamment les machines spectaculaires de Jacques Vaucanson, l’encourage à voir nos membres comme des machines certes complexes, mais composées in fine de rouages minuscules reproductibles.



Ceci dit, les faits scientifiques sont parfois fantaisistes : ainsi, la consommation de viande rouge amènerait à un comportement bestial (raison pour laquelle les Français, qui mangent leur viande très cuite, sont bien plus raffinés que les Anglais, qui la mangent presque crue). Bonne leçon pour l’avenir : être les premiers critiques des théories qui soutiennent nos propres thèses.



L’essai est assez court et se lit facilement, d’autant que l’auteur s’épanouit dans la polémique. Le débat âme/matière n’est plus vraiment à l’ordre du jour (enfin, pas sous cette forme exacte en tout cas), mais les personnes intéressées par l’histoire de la philosophie prendront certainement plaisir à le découvrir.
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Système d'Épicure

Fier d'être un philosophe épicurien, Julien Offray de la Mettrie a exprimé en bref la théorie de l'évolution un siècle avant Darwin ;

Juste équipé de son système d'Epicure ou tout simplement doué de bon sens.



Arrêtons-nous par exemple sur une « erreur » de la nature : une femme née sans sexe…

Mais avant d'en connaître les truculents « détails », voici l'enseignement capital :



“si la nature est capable d'une si étonnante erreur, combien de semblables jeux ont-ils été autrefois plus fréquens ! Une distraction aussi considérable, pour le dire ainsi, un oubli aussi singulier, aussi extraordinaire, rend, ce me semble, raison de tous ceux où la nature a dû nécessairement tomber dans ces temps reculés…”



Voici donc maintenant les « détails » médicaux livrés par notre épicurien autant médecin que philosophe.



“J'ai vu cette femme sans sexe, animal indéfinissable, tout-à-fait châtré dans le sein maternel. Elle n'avoit ni motte, ni clitoris, ni tetons, ni vulve, ni grandes levres, ni vagin, ni matrice, ni regles ; et en voici la preuve. On touchoit par l'anus la sonde introduite par l'uretre, le bistouri profondément introduit l'endroit où est toujours la grande fente dans les femmes, ne perçoit que des graisses & des chairs peu vasculeuses, qui donnoient peu de sang.”



La suite dépasse quelque peu le strict cadre de la médecine…



“Il fallut renoncer au projet de lui faire une vulve, et la démarier après dix ans de mariage avec un paysan aussi imbécile qu'elle, qui n'étant point au fait, n'avoit eu garde d'instruire sa femme de ce qui lui manquoit. Il croyoit bonnement que la voie des selles étoit celle de la génération, et il agissoit en conséquence, aimant fort sa femme qui l'aimoit aussi beaucoup, & étoit très-fâchée que son secret eût été découvert.”



La chute, très sérieuse, précise les sources :



“M. le comte d'Erouville, lieutenant-général, tous les médecins & chirurgiens de Gand, ont vu cette femme manquée, & en ont dressé un procès-verbal.

Elle étoit absolument dépourvue de tout sentiment du plaisir vénérien ; on avoit beau chatouiller le siege du clitoris absent, il n'en résultoit aucune sensation agréable. Sa gorge ne s'enfloit en aucun temps.”



Évidemment, il est impossible d'en rester là. Et fort heureusement, de la Mettrie nous laisse une oeuvre entière à découvrir !
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L'Homme machine

La Mettrie choqua son époque par sa philosophie matérialiste radicale. Il fut banni de France et de Hollande. D’abord, c’est en tant que médecin qu’il élabora sa pensée mécanique des choses. Il théorisa le matérialisme, ce qui donna une solution de rechange au spiritualisme qui dominait les esprits de son temps. Les philosophes majeurs des Lumières le rejetaient, le prenant pour fou. Figure à part. Homme intrigant.



Le matérialisme repose sur l’idée que la matière constitue tout l’être de la réalité. Il n’existe « dans tout l’Univers qu’une seule substance diversement modifiée » . Dans L’Homme-machine, il justifie l’existence des lois (morales) de la nature en l’homme, par le fait que celui-ci peut aussi éprouver des remords. La vertu serait en lui. Toutefois, dans le Discours sur le bonheur, il affirme le contraire : les remords sont les fruits de l’éducation. Pour lui, la morale n’a rien à voir avec le bonheur. Est-ce pour autant que sa philosophie doit conduire à l’immoralisme?



L’existence du vice et de la vertu sous-entend la liberté de choisir entre faire le bien ou le mal, car l’on parle de morale lorsque l'on parle d’action. Dans l’homme-machine l’on apprend que l’homme est entièrement matière, assemblé et déterminé par son organisation. Comment existerait-il une morale sans liberté?



Pour La Mettrie, le bien et le mal au sens de la morale n'est qu'une question d'éducation, et le droit de faire telle ou telle chose est du domaine de la justice. Il croit que le philosophe devrait porter son attention que sur le monde, la matière.



Aucune action n’est en soi vicieuse, elle n’est jugée telle que dans l’esprit des hommes. Sans liberté tout est déterminé, la question de la morale ne se pose donc pas. Le matérialisme conduit immanquablement à l’amoralisme.



Philosophe accessible avec un ton parfois railleur, à l'image de l'homme souriant que l'on voit sur son portrait.
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L'art de jouir

« Tout est plaisir pour un coeur voluptueux »

Aux bergères et aux bergers, voici un texte à lire comme une danse de mots écrite au pinceau ;

Pour cet art de jouir, j'éviterai tout commentaire « puérillement entortillé » en me contentant de citer son auteur.



D’abord, un avertissement aux courtisanes impudiques : « Il sortit moins de maux de la boîte de Pandore, que du sein de vos plaisirs »…

Mais il y a peut-être pire : « Loin d'ici surtout race dévote, qui n'avez pas une vertu pour couvrir vos vices ! »



Le Plaisir est le « Maître souverain des hommes et des dieux »…

Aux Belles qui consultent la raison pour aimer : « La raison emprunte ici, non le langage, mais le sentiment des Dieux ».



« Jouissez, Phylis, jouissez de vos charmes : n'être belle que pour soi, c'est l'être pour le tourment des hommes. »



Phylis et Hylas, Ismene et Ismenias, Flore et Turcis, Sylvandre, Climene…Notons ici une profusion de prénoms pour des enfants à naître…



Themire : « son transport s'éleva jusqu'à la fureur. Quoi ! disait- elle, le sort de Tantale m'est réservé dans le sein des plaisirs ! »



Amour : “Je reconnais ton ombre immortelle, aux fleurs que la volupté sème sur tes pas”…



La voix, l'odeur, le toucher : « Toutes ces voluptés badines qui changent les heures en moments…”



Sapho enseigne au berger désappointé: “Quand on prend de l'amour, on peut prendre une amante; le plaisir se lasse de mentir.”



Ninon, Cloe, Agnès, Suzon… vous les connaissez ?

Et bien Suzon regarde discrètement les mystères d'amour : “Trop attentive, pour n'être pas distraite, elle semble machinalement céder à la voluptueuse approche des doigts libertins...”



Et enfin aux déserteurs du culte de Cypris ! : “tout est femme dans ce qu'on aime”.



Notre berger, philosophe épicurien de son état, j'ai nommé Julien Offray de la Mettrie, ne pouvait couronner son oeuvre que par “L'art de jouir”.
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L'Homme machine

Julien est énervé ; sa machine s'emballe, il ne supporte pas qu'on pense que l'âme existe et encore moins que l'on affabule si complaisamment depuis la nuit des temps sur un prétendu savoir qu'on ne fait qu'inventer par le refus de se contenter de le déduire de l'observation et l'expérience. Julien a-t-il mangé trop de viande crue, qui rend féroce ? Il faut bien expliquer par des raisons mécaniques son énervement et sa pensée agressive, n'est-il pas ? En tous les cas, les Locke, les Descartes, les Leibniz et tous ces singes à face humaines auraient mieux fait de se taire plutôt que d'embrouiller tout le monde.



Car une fois qu'on a dit que tout n'était que matière et que la vérité n'est que science, on a tout dit n'est-ce pas ? Mais quand la science décrète que la matière, ce sont des molécules, et puis des atomes, et puis des neutrons et puis des bosons et puis, finalement, de petits tourbillons, ne faut-il pas en venir à se demander si la matière n'est pas que pensée ? D'ailleurs, la fin de l'ouvrage est étrange : il n'y aurait qu'une seule substance dans tout l'Univers... c'est la conclusion inévitable de son expérience. Et voilà que notre Julien devient métaphysicien... Comme c'est mignon...
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L'art de jouir

Éloges aux plaisirs! Trop de plaisir tue la jouissance!
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L'homme machine - L'art de jouir

Avec un tel titre, "L'homme machine", on s'attend à une reprise des idées de Descartes qui avait été l'un des premiers à exposer explicitement l'idée que l'animal pouvait se concevoir en un assemblage d'organes comme une machine est un assemblage de pièces et de rouages.

Sauf que La Mettrie va beaucoup plus loin que Descartes en abandonnant l'idée qu'une âme anime tout cela. Exit le dualisme corps/âme ratifié par un Descartes encore impressionné par la vieille théologie: le génie philosophique de Descartes, bien inférieur à son génie mathématique, n'avait pas eu l'audace de concevoir l'obsolescence de Dieu et du concept d'âme. Quant à La Mettrie, s'il prétend que Dieu est "probable", l'observateur de la nature n'en peut rien dire et il est convaincu que le médecin, n'a guère besoin d'envisager l'âme pour animer un corps, quand il peut observer un cœur frais battre seul sur la table de dissection. Il fournit nombre d'exemples similaires à son lecteur et fait observer, à travers autant d'illustrations, que les affections de l'âme sont étroitement liées à celles du corps. Que notre façon de sentir le monde diffère selon les différents états du corps. Il ne conçoit pas l'âme comme une sorte pilote du corps matériel mais comme une manifestation directe de celui-ci.

Nombre de médecins débarrassés de l'influence de la théologie (parmi lesquels Albrecht von Haller, médecin suisse, 1708-1777, à qui est dédié le livre) ont défendu de telles vues contre d'autres médecins et philosophes attaqués par La Mettrie (Leibniz, Malebranche etc.).



Et pourtant, le modèle du vivant que défend le médecin La Mettrie n'a rien de la mécanique froide de l'animal cartésien. Ce livre prépare cette célébration du sentiment amoureux qu'est le second texte que l'éditeur à la bonne idée de présenter dans le même volume: L'art de jouir.

A bien des égards, L'homme machine préfigure les idées auxquels de nos jours António Damásio donnera une portée scientifique dans son ouvrage, L'erreur de Descartes.
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L'Homme machine

Un court essai de Julien Offroy de La Mettrie où sont exposées ses conceptions matérialistes. L'homme est un produit de la Nature, tout comme les animaux, les plantes, ....

Son corps obéit aux lois de la Nature, tout comme son Âme et la morale qui connait "la Loi Naturelle". Ces lois de la Nature, dans toute leur variété, suffisent à produire matière organisée et pensée. Il n'y a qu'une seule entité : la matière. Descartes est un grand philosophe mais il se trompe avec la Pensée et l'Étendue.

Il est vain de disserter sur l'existence ou l'inexistence de Dieu, dans les deux cas, on doit et peut vivre sans.

Pas de jargon, c'est toujours un plaisir de lire la langue du XVIII° siècle.



Il est vain de disserter sur l'existence de Dieu,
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