Juliette Brunel

Chaque dispute avec lui se termine toujours de la même façon. Il se confond en excuses, jure ses grands dieux qu’il m’aime passionnément, qu’il veut mon bonheur et, sentant que je lui reviens, à ce moment-là seulement, il retourne la situation à son avantage, me faisant porter la culpabilité de nos désaccords. Mais pas cette fois. Il est en colère, il va certainement se montrer encore plus blessant si je ne mets pas fin immédiatement à cet échange stérile.

- Laisse-toi aller, Drea… laisse-moi te faire du bien… juste une nuit, m’implore-t-il, déposant des baisers dans mon cou.
Je ne vais pas pouvoir le repousser plus longtemps. Je le désire au-delà de ce que m’intime ma raison et je ne peux plus lutter contre ce sentiment qui embrase mes sens.
- J’ai envie de toi Colin, dis-je dans un soupir, réduisant à néant mes dernières résistances.
Sa bouche reprend alors possession de la mienne, sauvagement. Je fais glisser son perfecto en cuir de ses épaules, et il passe ses mains sous mes fesses pour me soulever, avec la légèreté d’une plume. Je ceinture mes jambes autour de sa taille.
- Bien, murmure-t-il d’une voix rauque. Ce soir, je n’ai pas l’intention d’ignorer ce que mon corps me réclame depuis des mois.

Je suis une incorrigible curieuse et la vue de ce gros paquet m’excite comme une gosse. Une fois le dernier lambeau de papier arraché, je retourne la boîte dans tous les sens et lance un regard stupéfait à ma colocataire.

Au cours de nos douze ans d’amitié, j’ai consolé un nombre infini de cœurs brisés, de petits amis éconduits, de Don Juan blessés dans leurs ego. Stéphanie est pourtant un cœur tendre, une amie fidèle et loyale. Mais elle avait assisté, impuissante, à la trahison de son père infligée à sa mère. Son père est un chirurgien de renom et travaille comme un acharné. Mais la somme de ses heures supplémentaires ne se déroule pas qu’au bloc opératoire visiblement.

Je suis d’un naturel méfiant, mais je ne veux pas me montrer désagréable avec Colin, que j’ai déjà imaginé dans dix positions du Kama-sutra en l’espace de cinq minutes. De plus, celui-ci tient visiblement à faire amende honorable après m’avoir pratiquement amputée de mon bras droit.

Quand une femme cuisine, ce n’est pas pour se nourrir,
c’est pour créer un scénario d’amour.
Quand un homme cuisine, c’est pour jouer,
pour tenter une acrobatie culinaire
qui provoquera des rires ou des exclamations.

Boris Cyrulnik, Les Nourritures affectives.