Citations de Karin Kalisa (21)
Il était reconnaissant à la langue vietnamienne. Elle lui laissait le temps de trancher, car le lien fraternel n'y était pas seulement une question de sang, mais de communauté. Chi : appellation collective pour des individus de sexe féminin plus âgés que le locuteur. Leçon 2 du cours de Hiên. En vietnamien, on pouvait donc dire la vérité sans trahir de secret.Chi, "grande sœur" : on ne faisait pas plus innocent ni plus sincère.
Avec ce grand-père, on n'allait pas au zoo ni chez le marchand de glaces, comme le faisaient les enfants en Allemagne. Avec ce grand-père, on allait travailler. Dinh le suivait pieds nus sur le sol humide jusque dans ses maigres champs. Quand l'eau était trop haute, ou qu'il n'y avait pas de chemin, ou alors que celui-ci avait été inondé pendant la nuit, on construisait en deux temps trois mouvements un pont fait de tiges de bambou et de cordes de chanvre. Le grand-père riait quand Dinh hésitait à poser le pied sur la frêle et chancelante corde, puis il faisait avancer Dinh juste devant lui, entre ses bras. Au bout de quelques jours, Dinh se réjouissait de construire chaque pont. Il aidait à les tendre et à les perfectionner et leur donnait des noms : le grand pont, le pont céleste, le pont aux fleurs, le pont aux roseaux, le pont au tigre, le pont aux serpents. Avant de retourner en Allemagne, il avait pris congé de chacun d'eux par un rapide aller-retour.
Il fallut un moment à l’officier d’état civil pour prendre conscience que l’écriture vietnamienne était intrinsèquement liée à la langue vietnamienne et que celle-ci était le moyen de communication d’individus en chair et en os de son entourage immédiat, notamment les marchands de fruits et de légumes chez lesquels il faisait ses courses.
- Un an, maman, dit Sung.
- Ou peut-être deux, répondit Hiên. Le temps dépend de ce qui demande à être trouvé.
Tout comme celle de Sung, ces boutiques jouaient à la fois le rôle d'entreprise familiale, d'inventaire, de café du commerce, de dépôt de colis et de dernière chance pour les pannes de levure, de valves, d'ampoules ou de cartes de voeux en fin de journée. (p.73)
Dans la boutique des Tran, l'ancien et le nouveau coexistaient en paix. Ça n'était pas un mauvais calcul économique, car il n'était pas rare que quelqu'un entre en disant: "avant, on trouvait ça... Et ça..." alors on poussait quelques cartons de côté pour présenter au client ravi le dernier exemplaire de l'article convoité. C'est ainsi que bien des années après la réunification, des produits de l'Est pouvaient encore être dénichés dans certains recoins de la boutique-ce qui avait plus d'une fois dessiné un doux sourire sur les lèvres des anciens habitants.
Mais un jour, Minh rentra de l'école en demandant un bien culturel du Vietnam. Sa grand-mère trimballa jusqu'au préau la veille marionnette en bois qui avait pris ses quartiers derrière le rideau depuis des lustres et raconta on ne sait quelle histoire.
Chacun porte en soi,
son karma.
Que personne ne se plaigne que le ciel soit,
loin de celui-ci,
et proche de celui-là.
Le bien
a ses racines
tout au fond de nous.
Chacun porte en soi son karma...
Un an, maman, dit Sung.
Ou peut-être deux, répondit Hiên. Le temps dépend de ce qui demande à être trouvé.
Mais un jour, Minh rentra de l'école en demandant un bien culturel du Vietnam. Sa grand-mère trimballa jusqu'au préau la veille marionnette en bois qui avait pris ses quartiers derrière le rideau depuis des lustres et raconta on ne sait quelle histoire.
Le vietnamien était la première langue étrangère de Minh. La langue de l'atelier de couture. La langue du mercredi. La langue des tantes. Sung ne parlait jamais d'autre langue que l'allemand avec May.
Il fut scolarisé avec l'allemand pour seule langue ou presque et n'eut pas la moindre difficulté à apprendre à lire et à écrire dans cet idiome ; il possédait même- grâce à Hiên- un vocabulaire plus riche et plus choisi que nombre de ses camarades. Il lui fallut toutefois affronter un autre obstacle : quand il se voyait dans le miroir, il avait du mal à allier sa langue et son visage, reflet de l'embarras de ses semblables face à cette combinaison peu commune.
Dans la boutique des Tran, l'ancien et le nouveau coexistaient en paix. Ça n'était pas un mauvais calcul économique, car il n'était pas rare que quelqu'un entre en disant :"avant, on trouvait ça.... Et ça...." alors on poussait quelques cartons de côté pour présenter au client ravi le dernier exemplaire de l'article convoité. C'est ainsi que bien des années après la réunification, des produits de l'Est pouvaient encore être dénichés dans certains recoins de la boutique-ce qui avait plus d'une fois dessiné un doux sourire sur les lèvres des anciens habitants.
Le souvenir de la guerre leur revenait, avec la crainte d'un nouveau conflit. Nord contre Sud ou Est contre Ouest-ils savaient que les points cardinaux ne comptent plus quand s'élève la fumée des bombes.
Le soir venu, ils s'attablaient emmitouflés dans leur manteaux pour ingurgiter un peu de chaleur sous la forme d'une soupe brûlante. À travers les poutres qui bloquaient la porte vitrée menant au balcon croulant, ils observaient avec inquiétude chaque jour plus denses, le défilé des forces de l'ordre et les bougies aux fenêtres.
Tout va bien tant que tu restes féroce.
Chacun porte en soi
Son karma
Que personne ne se plaigne que le ciel soit
Loin de celui-ci
Et proche de celui-là. Le bien
A ses racines
Tout au fond de nous.
Chacun porte en soir son karma.
Chacun porte en soi / son karma. / Que personne ne se plaigne que le ciel soit / loin de celui-ci / et proche de celui-là. Le bien / a ses racines / tout au fond de nous. / Chacun porte en soi son karma...
Une fois le gingembre et le citron vert incorporés aux fruits, elle passa la cuillère en bois à Sung, monta sur une chaise et attrapa une bouteille d'alcool de framboises sur la plus haute étagère de la cuisine. Elle en remplit la moitié d'un verre, prit une gorgée, laissa Sung en boire une à son tour et versa le reste dans la confiture en ébullition. Quand les pots furent bien vissés et posés à l'envers sur la table, Mia et Sung s'embrassèrent aussi naturellement que si ce baiser était la conséquence logique de la préparation de la confiture de framboises, inéluctable et indépendant de leur volonté ou de leur libre arbitre.
Chacun porte en soi / son karma. / Que personne ne se plaigne que le ciel soit / loin de celui-ci / et proche de celui-là. Le bien / a ses racines / tout au fond de nous.