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Critiques de Kettly Mars (42)
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Je suis vivant

Le mardi 12 janvier 2010, Haïti est dévastée par un terrible séisme. Alexandre schizophrène vit dans une institution depuis quarante ans. Une épidémie de choléra suivant le tremblement de terre, la structure doit fermée, Alexandre doit être repris par ses proches. Un nouveau séisme intérieur s'abat sur la famille.

Kettly Mars nous offre à travers les monologues intérieurs des personnages, le portrait d'une famille bourgeoise qui doit faire face à l'imprévu. Les souvenirs rejaillissent. Alexandre, sa mère, son frère et ses sœurs, les domestiques chacun livre son ressenti. Le regard de Kettly Mars sur la société haïtienne est juste, ses personnages sont touchants malgré leurs défauts, leurs petites lâchetés, leurs arrangements avec l'histoire familiale.

Un beau roman qui se lit d'une traite.
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Saisons sauvages

Nous sommes en Haïti. Aux premières années du duvaliérisme. Daniel Leroy est un opposant communiste au régime dictatorial qui se met branle progressivement. Il est arrêté sous le prétexte de pamphlets violents qu'il adresse au pouvoir haïtien, mais en fait c’est pour la tentative de fomentation d’une insurrection armée contre le régime de Duvalier qu’il est incarcéré.



Le roman débute avec Nirvah, la belle mulâtresse qui frappe à toutes les portes pour extraire son mari des geôles de Papa Doc. Le désespoir l’a conduit dans les bureaux de Raoul Vincent, secrétaire d’état, chargé de la police politique. Un homme puissant, violent, noir, laid, complexé. L’impact de cette rencontre sur Nirvah, ses enfants, son entourage, le secrétaire d’état, est l’objet du traitement de Kettly Mars.



Saisons sauvages porte très bien son titre. Sauvage, brutal, implacable est le système macoute que Duvalier et ses sbires posent les épaules des haïtiens. Par des artifices variés, Kettly Mars nous plonge dans cette ambiance délétère par entre autres les notes du journal intime de Daniel Leroy que sa femme découvre peu de temps après sa disparition. Elles constituent une première voix de ce roman polyphonique. Mais le chaos de ce système répressif s’exprime aussi au travers de celui qui le caractérise le mieux, Raoul Vincent, tout puissant qui déploie son énergie à posséder intégralement Nirvah.



Des choix s’imposent à Nirvah. Aucun ne semble s’ouvrir vers une issue heureuse. Mais, il faut survivre. Ses enfants et elle. Kettly Mars nous fait vivre au travers la tragédie de la famille Leroy, toute la violence du système duvaliériste qui fait écho à bien des systèmes totalitaires. Elle offre un portrait d’un homme de pouvoir à la fois passionnant et terrifiant qui laisse sa prédation s’exprimer sur cette famille. Mais, c'est avant la figure de la femme, de Nirvah, incarnation du peuple violentée qui fait l'objet du traitement de l'auteure.



Pouvoir et sexe, mulâtres et noirs, c’est avec une très belle plume, maîtrisée, agréable, sensuelle toujours marquée par un équilibre certain, qui nous épargne le graveleux.



C’est donc une nouvelle découverte de cette littérature haïtienne qui me donne l’occasion de mieux appréhender l’histoire contemporaine de ce pays, de mieux saisir les textes de René Depestre « Le mât de cocagne » et « Hadriana, de tous mes rêves » qui évoquent la même époque et la question du noirisme. Kettly Mars y fait camper des personnages troublants, violents, passionnés ou résignés, qui sous la férule d’une dictature féroce, tentent de survivre pour le meilleur et pour le pire.

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Aux frontières de la soif

En janvier 2010, la terre a tremblé à Haïti, renversant des maisons, broyant des familles, ruinant des avenirs. Sur le sol meurtri de l’île, une fleur tentaculaire a poussé : Canaan est un bidonville qui abrite des centaines de milliers de réfugiés et rassemble tous les visages de la misère. Ici, tout manque, les soins, la nourriture et surtout l’eau. « Tout le monde doit vivre, les choix étaient serrés, il fallait chacun inventer son pire. C’est la vie même qui est dure. » (p. 95) C’est là que Fito, urbaniste et écrivain en panne d’inspiration, vient perdre ses vendredis, sous une tente où se présentent timidement des fillettes effrayées. Fito est effaré et écœuré par les urgences sensorielles qui fouaillent son bas-ventre, mais il est incapable d’y résister et c’est à Canaan qu’il tente d’étancher ses sombres désirs. « Ici la compassion a un prix, c’est du business. » (p. 38) Arrive Tatsumi, journaliste japonaise avec laquelle Fito a communiqué par messagerie virtuelle. Troublé par la sylphide nippone, Fito voudrait échapper à ses démons. Tatsumi, native d’une île que les séismes n’épargnent pas, saura-t-elle le sauver de son tremblement intérieur ?



Entre les chapitres qui présentent Fito et ses errements intimes, il y a des voix d’enfants qui parlent de malheur, de solitude et de vie sordide. Elles sont autant de parenthèses graciles qui résonnent au milieu du fracas de l’après-séisme. Seules ces pages ont éveillé mon intérêt qui a rapidement été mis à mal devant les atermoiements de Fito. L’homme n’a pas su m’émouvoir et sa détresse me semble surtout être un prétexte pour se livrer au pire. Quant à Tatsumi, il me semble qu’elle a été insérée de force dans cette histoire tant j’ai eu des difficultés à comprendre son personnage et ses interactions avec les autres protagonistes. Aux frontières de la soif me laisse la bouche sèche, avide d’un texte plus frais et d’un style moins terne.

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Aux frontières de la soif

"Il ne savait pas de quel nom appeler ce qu’il cherchait à Canaan. [...] Je ne sais pas, et j’en meurs".



Fito Belmar est architecte et écrivain, vivant en Haïti. Nous sommes en 2011, après le séisme dévastateur. La majorité de la population vit dans des camps, comme celui de Canaan (100 000 âmes en 2011). La majorité de la population vit dans la misère et qui dit misère dit violences, corruption, prostitution … Un chaos dont certains profitent. Et Fito en fait partie : régulièrement, il se rend à Canaan pour s’adonner à un penchant pédophile dont il ne parvient pas à comprendre la raison, et qu’il ne se pardonne pas, mais sans pouvoir s’arrêter.



"Un homme qui a quelques moyens est recherché en Haïti, c’est un oiseau rare, un gros lot en pantalon. Le plaisir est sans limites, bon marché et à portée de main. Et comme l’argent avec lequel il achète ce plaisir facile fait vivre des familles, cet homme devient philanthrope et pilier de l’économie nationale, et tant mieux pour sa conscience."



C’est alors que survient Tatsumi, jeune journaliste japonaise qu’il va devoir guider le temps de quelques jours. Et l’arrivée de la jeune femme va tout changer …



Aux frontières de la soif fait partie de ces romans difficiles à chroniquer … D’abord parce qu’il aborde un sujet épineux, moralement condamnable, et dont les descriptions sont insoutenables. Ensuite parce que le personnage principal est méprisable, minable et qu’on ne peut lui donner aucune excuse. Enfin parce qu’il dresse un portrait malheureusement réaliste du désastre que fut le séisme pour un pays comme Haïti, qui avait déjà du mal à maintenir la tête hors de l’eau.



Sans pitié, Kettly Mars, une des voix majeures de la littérature haïtienne, nous place face à des réalités que l’on préfère occulter dans notre vie quotidienne, pour que cette vie reste vivable. Pour le supporter, Fito décide d’écrire sur Canaan, sur cet Enfer dantesque, comme si le formuler permettrait de mieux le comprendre.



"Et s’il écrivait Canaan ? Et s’il vomissait sur des pages blanches toutes ces douleurs, toutes ces émotions qui lui lacéraient la peau, cette immense misère humaine ? Ne serait-ce pas mieux que d’aller chez le psychologue ? "



Car malgré sa dépravation, il croit en la possibilité de sauver ces enfants, de les épargner de l’appétit de vieux comme lui, pour leur redonner une humanité. Mais ce qu’il ne sait pas, c’est que ces filles ont décidé de se sauver elles-même, et de fuir, au péril de leur vie. Car elles n’ont plus rien à attendre des adultes …



Roman insoutenable, Aux frontières de la soif est pourtant un livre indispensable car il faut bien que quelqu’un, comme Fito le pense lui-même, le dise, le crie à la face du monde. Comme Kettly Mars le dit elle-même, « On ne peut pas écrire pour écrire surtout lorsqu’on vit dans un pays qui s’appelle Haïti ». Résolument réaliste, elle utilise donc l’écriture comme catharsis, comme antidote à la déchéance et à la dérive.



Et fait naître une littérature indispensable, même si on n’y adhère pas forcément …
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Je suis vivant

Ils ont 48 heures pour reprendre Alexandre...Alexandre ce fils/frère qui est interné depuis de nombreuses années. Dans cette famille haïtienne bourgeoise le tremblement de terre aura provoqué son retour dans la maison de son enfance, ses tempes ont blanchis... Cela fait si longtemps...

Chacun s'interroge, chacun explique, chacun tente de comprendre. le présent se mêle au passé.

Les familles ont souvent des histoires très compliquées, surtout quand il y a des nombreux non-dits.

Il est agréable de se plonger dans cette cour haïtienne, où ils vivent tous ensemble sous le regard des domestiques. le drame du tremblement de terre sera à peine évoqué avec un petit coup de griffes vers ces ONG qui prolifèrent dans ce cas.

Belle figure de la mère, Éliane qui a quatre-vingt-six ans commence à fatiguer d'avoir "porter" ces enfants si longtemps et qui les a regardé grandir avec une énorme tendresse.

" Souvent les mères portent seules des silences trop lourds parce qu'elle pense avoir failli à un devoir qui n'incombait qu'à elles"

Des secrets, des silences, des peurs et la schizophrénie qui a hanté et brisé cette famille.

Beau roman à la langue fluide, une plongée dans cet univers différent où l'on se sent bien, même si la famille a eu une histoire douloureuse. Betty Mars a su nous entraîner à sa suite dans ce roman optimiste malgré tout.









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Saisons sauvages

Nous remercions les éditions Mercure de France qui, dans le cadre de l'opération "Masse Critique" de Babélio, nous ont permis de découvrir à titre gracieux le dernier roman de Kettly Mars : "Saisons Sauvages." ;o)



Le 22 septembre 1957, le Dr François Duvalier, qui s'était lancé dans la politique dès la fin des années trente, est très légalement élu à Haïti lors d'un scrutin qui lui rapporte plus de soixante-pour-cent des voix exprimées. Son programme, qui se veut "pro-négritude", exprime l'idée que les Noirs doivent occuper les postes-clefs au détriment des mulâtres, contaminés à jamais par le sang blanc qui, dans différentes proportions, coule dans leurs veines. C'est évidemment une politique raciste, sous-tendue par l'idée que la lutte des classes ne peut s'affirmer que par celle établie entre les Noirs et les mulâtres.



Il ne lui faudra que trois ans pour réécrire la Constitution haïtienne et s'auto-proclamer président à vie du pays. Il a chassé ou fait assassiner les militaires qui auraient pu s'opposer à lui et formé, dès juillet 1959, à la suite d'un attentat, la "Milice des Volontaires de la Sécurité nationale", dont les membres, qui lui sont tout acquis, sont mieux connus sous le surnom de "Tontons macoutes", terme équivalent en Haïti à notre croquemitaine. Les Macoutes ne perçoivent aucun salaire et se paient sur le peuple qu'ils sont censés protéger : viols, crimes, exactions de toutes sortes, tel est leur credo quotidien.



Lorsque débute le roman de Kittly Mars, cela fait déjà un an que l'île est aux mains des macoutes. Daniel Leroy, officiellement journaliste de l'opposition modérée mais en réalité militant communiste influent, vient d'être enlevé par la police politique. Il faut préciser que, bien que Duvalier ait, à l'origine, flirté avec le communisme, cette idéologie n'est désormais plus à la mode et que cette décision a permis au dictateur d'obtenir le soutien des Etats-Unis, alors en pleine Guerre froide.



Leroy est un personnage qu'on ne verra jamais. Le lecteur apprendra à le connaître par les extraits de son journal, extraits qui constituent l'une des voix du roman, les deux autres étant celles de Nirvah et de son amant. C'est le militant classique, sincère mais borné et d'une incroyable naïveté, incapable de comprendre que, dans son propre parti, certains sont prêts à le vendre. Pour moi, je l'avoue, il m'a fait l'effet d'un intellectuel sympa mais bien falot.



Il a épousé Nirvah, une belle mulâtresse issue d'un milieu social plus aisé, dont il a eu deux enfants, Nicolas et Marie. Elle ne travaille pas et, lorsque son mari s'évanouit dans la nature, ne laissant derrière lui que sa voiture, sur une route désolée, la jeune femme se résout à demander une entrevue auprès du Secrétaire d'Etat à la Sécurité publique, Raoul Vincent. C'est évidemment se jeter dans la gueule du loup, elle le sait mais n'a pas d'alternative.



A partir de là, nous avons le schéma classique : le Macoute qui se prend d'un désir fou pour la Mulâtresse et qui lui révèle même des plaisirs insoupçonnés, les voisins qui jasent et méprisent, et toujours le flou complet quant à l'avenir de Daniel Leroy.



Puis nous tombons dans l'outrance, non que les faits ne soient pas envisageables mais parce que le lecteur ne parvient pas un seul instant à y croire tels qu'ils nous sont présentés : Raoul Vincent séduit également Nicolas (quinze ans) et Marie (à peu près le même âge). Petit couplet sur les amours grecques dans le premier cas (Vincent n'est pas un ignare) et la traditionnelle relation compliquée entre une mère trop belle et sa fille adolescente dans le second. Finalement, Vincent, dont la situation est de plus en plus menacée au gouvernement, donne de l'argent à Marie pour qu'elle avorte (car elle est tombée enceinte de ses oeuvres, bien entendu), et de l'argent à Nirvah pour qu'elle quitte le pays que lui -même s'apprête à fuir avec sa famille légitime. Vous l'aurez deviné : personne n'y réussira ...



Ce qu'il manque à ce roman, c'est la mise en place du contexte historique - lequel, quoi qu'on en dise, n'est pas évident pour un lecteur extérieur à Haïti - mais surtout, la puissance d'évocation. Le style, correct, est celui de n'importe quel écrivain de base, sans plus. Les personnages, outre leur comportement outrancier, que la situation complexe dans laquelle ils se trouvent ne parvient jamais à justifier ou, à tout le moins, à expliquer, sont à la fois stéréotypés et superficiels. L'intrigue relève non du drame mais du (mauvais) mélo. Quant à la passion, il ne suffit pas de s'échauffer en décrivant les scènes de sexe pour réussir à l'atteindre.



Bref, une déception.* Mais ce n'est, bien sûr, que mon avis personnel. ;o)
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Aux frontières de la soif

Haïti, un an après le séisme. Un camp de réfugié, Canaan, dont le nom a des consonances bibliques. Rien n’est réglé, le provisoire dure, le choléra n’est pas seulement un mot, il est une réalité. Entre les ONG et une star de cinéma – à croire que les catastrophes les attirent – il est difficile de dire qui s’investit le plus sans rien arranger du tout.

Pourtant, ce n'est pas tant le traumatisme des survivants, les difficultés de la vie quotidienne dont parle ce roman. Il est plus pragmatique, plus sordide : comment assurer la nourriture pour toute la famille en prostituant une ou deux filles. Elles ont dix, onze, douze ans maximum, après, elles sont trop vieilles. Elles s'appellent Fabiola, Nadège, Louloune. Parfois, elles ont la parole, en de courts chapitres. Plus que la peur, la douleur de leurs corps malmenés, ce sont leurs espérances détruites, leurs émotions saccagés qui sont poignantes.

Et si elles étaient au centre du livre, il serait passionnant. Seulement, elles n'en sont que les personnages secondaires, pour ne pas dire les figurantes. Le vrai héros est Fito, écrivain à succès d'un unique roman. Depuis cinq ans, il est impuissant à produire le moindre texte. Il est impuissant à mener une vie amoureuse et sexuelle normale. En revanche, il assouvit ses pulsions dans le camp de Canaan, sans remords ni regrets.

Il m'est impossible de ressentir la moindre empathie pour lui - et c'est sans doute mieux ainsi. Il abuse d'enfants malmenées par la vie, et s'absout avec une facilité déconcertante. Décrire une réalité sordide est une chose, montrer le plaisir pas du tout coupable du "papy" avec un soupçon de complaisance en être une autre. Les lieux communs du maquereau local ("ils s'en sortiraient comme lui s'en était sorti, p. 95).

J'en aurai presque oublié la gentille Tatsumi, dont le prénom est à peu de chose près l'anagramme de Tsunami. Pourtant, sa venue n'est pas une catastrophe, non. La journaliste japonaise est venue pour enquêter, elle ne connait la réalité d'Haïti et de Canaan que par des rumeurs. Elle va, elle vient, sans rien approfondir, pas même les curieuses relations qu'elle noue avec Fito. J'hésite, pour la définir, entre androgyne et asexuée - exactement comme ses gamines avec lesquelles Fito assouvit ses pulsions. Ne dit-il pas qu'elle a "corps de petite fille", p. 161 ? Je n'ai pu m'empêcher d'y voir encore la preuve des obsessions malsaines de l'écrivain.

Bref, rien de réjouissant dans ce roman, et le malaise qu’il laisse ne se dissipe pas une fois le livre refermé. Si tel était le but de Kittly Mars, elle est parvenue à ses fins.

J’ai lu ce livre dans le cadre du prix Océans France O .
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Saisons sauvages

1962. Le duvaliérisme s'installe à Haïti. Ce terrible huis clos le dévoile avec une rare sauvagerie.



Publié en 2010, le quatrième roman de l'Haïtienne Kettly Mars (que l'on retrouvait récemment dans "Haïti noir", la belle anthologie parue chez Asphalte) est une incursion décidée et extrêmement incisive dans les noires années du duvaliérisme en cours d'installation (1962-1963).



Nirvah, la magnifique femme de l'opposant politique Daniel Leroy, en apparence relativement modéré, découvre après sa disparition / arrestation, en lisant le journal intime qu'elle découvre par hasard, que son mari était beaucoup plus radical qu'elle ne le pensait, et fomentait bien un soulèvement contre l'horreur du régime en cours d'installation, comme le savait la police politique, opportunément renseignée par un traître chez les clandestins, et par un réseau d'indicateurs au quotidien déjà beaucoup plus développé et solide que ce qu'imaginaient les opposants...



Pour obtenir un assouplissement du régime réservé à son mari, Nirvah Leroy obtient un rendez-vous avec le tout-puissant secrétaire d'Etat en charge de la sécurité, qui, assez rapidement, fait d'elle sa maîtresse attitrée, en lui obtenant maints avantages et améliorations plutôt spectaculaires de sa vie, pour elle comme pour sa fille de 15 ans et son fils de 13 ans...



Mais la stabilité des cadres du régime est alors bien incertaine, et les sombres menées des dignitaires macoutes les uns contre les autres peuvent rapidement changer les situations de chacun, pour le meilleur ou pour le pire...



Roman de l'espoir illusoire, de l'abus permament du pouvoir, de l'horreur, de la lâcheté et de la compromission, il est servi par un très fort sens du récit et de la dissimulation (crédible) au lecteur : les dévoilements surgissant au fil des monologues intérieurs de ce noyau resserré de protagonistes (Nirvah, sa fille, le secrétaire d'Etat) sont en effet, comme le titre du roman, le laissait supposer, "sauvages" : la violence et la corruption morale tous azimuts ainsi mises en scène révèlent avec une force odieuse l'essence du duvaliérisme. Et comment chacun pouvait (et peut) y contribuer.

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Saisons sauvages

On se retrouve en Haïti en pleine période de dictature de Jean-Claude Duvalier qui a instauré un régime totalitaire dans cette ile pendant les années 60.



Toute personne se dressant contre lui est soit tué, soit emprisonné. Tel fut le cas de Daniel Leroy.



Du jour au lendemain, sa femme et ses deux enfants se retrouvent livrés à eux-mêmes. Nirvah frappe à toutes les portes pour essayer de tirer son mari de cet enfer.



Elle finit par demander de l’aide au Secrétaire d’Etat, Raoul Vincent, qui va profiter de la situation pour s’approprier cette famille.



Jusqu’où peut-on aller pour protéger les siens ? Doit-on se renier en tant qu’être humain ?



Nirvah se posera la question longtemps avant de céder aux avances de Raoul mais après elle ne pourra plus revenir en arrière.



L’auteur nous raconte ainsi comment Nirvah se débat entre la jouissance et le dégout que lui inspire cette relation. Mettre sa famille à l’abri semble pour elle la meilleure chose à faire malgré le qu’en dira-t-on.



Toute à la certitude de ne jamais revoir son mari vivant, elle choisit la solution qui la mettra à l’abri du besoin et qui assurera la sécurité de ses enfants.



En mêlant la petite histoire à la grande, Kettly Mars nous dévoile un pan méconnu de l’histoire d’Haïti. J’avoue avoir appris beaucoup de choses.



Je me suis attachée au personnage de Nirvah et je me suis posée la question : qu’aurais-je fait à sa place ? Entre la théorie et être mise devant le fait accompli, il n’y a qu’un pas.



Encore une belle découverte en ce début d’année.

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Aux frontières de la soif

Aux frontières de la soif aurait pu être une réelle immersion dans la misère haïtienne. Mais tel quel, il m'apparaît comme un roman nombriliste qui semble chercher à excuser Fito. Même l'écriture n'a pas réussit à relever mon sentiment général. Ponctuellement, Kettly Mars laisse la parole à ces enfants des bidonvilles vendus pour quelques sacs de riz, mais trop rarement pour que ces prises de parole aient un réel sens narratif. Bref, on peut parler de déception pour ce roman qui me semble inabouti...
Lien : http://croqlivres.canalblog...
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Saisons sauvages

L'histoire se déroule à Haïti dans les années soixante, en pleine période François Duvallier (papa doc) qui fait peser sur le pays une terreur sans précédent et une dictature impitoyable qui conduit les opposants à une disparition pure et simple. Daniel Leroy, journaliste, est considéré comme un dangereux communiste, il écrit des articles dénonçant les violations des droits de la personne, les viols de constitution … Ses accusations le conduisent à Fort Dimanche, haut lieu de la détention, où chaque jour des hommes meurent de privations, de torture, de maladie et de désespoir. Nirvah, son épouse, qui a trouvé son journal intime sur lequel il notait ses idées gauchistes, n'arrive pas à avoir de ses nouvelles. Pour essayer de le sortir de ce mouroir elle va plaider sa cause auprès du secrétaire d'état, Raoul Vincent, un homme obscène qui joue avec la vie de personnes pour arriver à ses fins. Il la fait attendre des heures avant de la recevoir dans le but de la mettre mal à l'aise, mais quand il la voit c'est le coup de foudre, et dès cet instant, profitant des circonstances, il va tout faire pour la posséder, lui qui n'aurait pas pu approcher cette mulâtresse si belle. Par amour pour son mari, qu'elle veut sauver de la mort, elle va jouer avec le feu. Mais jusqu'à quel point joue-t-elle ? Même si elle se sent coupable, être la maîtresse d'un homme fort du gouvernement n'a pas que des désagréments encore faut-il supporter les regards inquisiteurs des voisins et les questions muettes de ses enfants. Elle semble oublier les rumeurs qui circulent sur Raoul Vincent qui s'installe dans son foyer et qui va chercher à s'approprier ses enfants, elle oublie de penser à Daniel, mais les disgrâces dans ce pays ne sont jamais loin et un revirement de situation est juste derrière la porte.



Mon avis : Ce livre nous parle de la dictature et du pouvoir de certains hommes, terreur, traumatisme et destruction sont décrits dans ces pages. Il nous parle aussi de l'oubli, de l'oubli qui s'installe au fil du temps et au gré des circonstances. C'est l'histoire d'une femme qui trahit son mari, ses enfants, ses amis, mais qui malgré tout, arrive à être touchante. Au début certains personnages ou situations sont dérangeantes mais cette femme avait-elle vraiment le choix si elle voulait réellement sauver son mari et sa famille. Au premier abord j'ai été un peu déroutée en lisant le début de ce livre, certains personnages ou situations sont dérangeantes mais j'ai eu envie de continuer pour en connaître la suite. De page en page on suit les personnages dans leur descente aux enfers, on suit l'engrenage dans lequel est entraînée cette femme plus maîtresse de son destin, dans une atmosphère de mépris et d'impuissance face au bien-être et aux privilèges d'un petit nombre d'hommes. C'est une première rencontre avec cette écrivaine haïtienne qui s'insurge sur la dictature qui a duré trente ans dans son pays, une époque qui a été son quotidien même si elle n'en a été victime. C'est un ouvrage qui ne laisse pas indifférent.



Merci à Masse Critique de Babelio et aux éditions Mercure de France pour l'envoi de ce livre, qui signe également mon premier partenariat !


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Saisons sauvages

Un livre fort et percutant pour décrire un régime dictatorial et nous faire cheminer dans la vie d'une femme qui est contrainte d'abandonner tout amour propre pour assurer la survie de l'homme qu'elle aime.
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Aux frontières de la soif

Je n'aurais jamais dû me lancer dans la lecture de ce roman et donc ne pas le demander à Babelio dans le cadre de masse critique..J ai rarement été aussi triste de lire un livre.





J'aurais dû savoir, grâce au résumé, que le personnage «se faufile certaines nuits dans le camp de Canaan et approche de toutes jeunes que la misère vend au plus offrant.»



En fait de «toutes jeunes filles» il s'agit d'enfants de 11 et 12 ans.



l'auteure a donc choisi de prendre le point de vue d'un violeur de petites filles pré-pubères .



Je dois dire pour l'honnêté de la critique , qu'elle donne aussi le point de vue de ces pauvres petites , dégoûtées et terrorisées.



Comme son personnage est aussi un écrivain , il se sortira du dégoût de lui-même en faisant de son histoire un roman .





Pourquoi ai-je choisi ce roman parmi ceux proposés par Babélio, parce que j'ai lu trop rapidement le résumé et que j'ai surtout vu que cela se passait à Haiti après le tremblement de terre et que j'ai une passion pour ce pays depuis que j'ai écouté Danny Laferrière aux «Étonnants Voyageurs»à Saint-Malo.





Il est vrai qu'en toile de fond de ce violeur de petites filles, il y a les drames de Haïti: la misère et la corruption.

Ce qui m'a déplu au plus profond de moi , c'est que cet homme retrouvera sa force de vie en faisant son penchant sexuel un roman . La création artistique comme rédemption.

Je l'ai dit en commençant , je n'aurais jamais dû demander à écrire sur ce livre j'en suis bien incapable , je suis restée au niveau du dégoût .
Lien : http://luocine.over-blog.com..
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Saisons sauvages

Saisons sauvages est l'histoire d'un double drame. Le drame de la nation haïtienne d'abord, aux mains de Duvalier et de ses partisans depuis à peu près un an au début de ce roman. Arrestations arbitraires, exécutions, tortures, corruption à grande échelle...tel est le quotidien de la pauvre nation et ceux qui se révoltent disparaissent dans les geôles et finissent dans une fosse commune. Mais ceux-là, au moins, leurs proches sont sûrs. Daniel Leroy, journaliste et militant communiste, est officiellement en prison, mais sa femme ne peut même pas être sûre qu'il est toujours en vie. Et là se noue le second drame, plus intime: le secrétaire d'Etat appelé à l'aide et à la pitié la trouve fort à son goût.

Sur ce postulat assez simple et aussi vieux que les sociétés autocratiques, Kettly Mars écrit un drame horrible qui va crescendo dans l'abomination, le désespoir et le sordide. En même temps, vu le thème.... C'est presque trop, par moment, le lecteur en arrive à ne plus y croire, mais c'est surtout que nous avons la chance de vivre dans une société où tout cela n'a que fort peu de chance de nous arriver!

J'ai quand même été pas mal perdue dans le contexte et la société, voire le vocabulaire par moments, mais c'est pour cela qu'internet a été inventé après tout, et lire de la littérature étrangère, c'est cela aussi, après tout, découvrir ce qu'on connaît si mal, à force de ne lire que des auteurs français et anglo-saxons.

J'avoue que le style m'a laissée froide, mais c'est une question de goût. Honnêtement, j'aurais aimé plus l'aimer, ce qui n'est pas trop joliment dit, mais exprime bien l'idée.



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Aux frontières de la soif

Bienvenue en Haïti un an après le séisme de 2010 qui a laissé des milliers d'orphelins et de personnes sans abri, le dépaysement s'arrête là car pour la suite, c'est en quelque sorte "circulez, il n'y a rien à voir".

Je me suis demandée dès le début où l'auteur voulait en venir, car il faut bien dire ce qu'il est : le personnage de Fito Belmar est non seulement pas charismatique mais il n'est pas attachant, et l'auteur a tôt fait de le prouver puisque cet homme n'a rien trouvé de mieux pour regagner sa virilité que de te toucher, coucher et profiter de petites filles dans le camp de Canaan, peuplé de réfugié(e)s de tous âges du séisme.

"Finalement, ils n'étaient qu'une bande dépravés, alcooliques fonctionnels comme lui, aimant la chair fraîche et sauvant leurs dernières illusions entre les cuisses de fausses écolières ou de demi-vierges qu'on trouvait treize à la douzaine dans les rues de la ville.", voilà une phrase qui résume à elle seule le personnage de Fito Belmar.

Certes, l'histoire est centrée partiellement sur sa rencontre avec Tatsumi, une journaliste japonaise, qui va provoquer le réveil de ses sens, il n'empêche que j'ai eu une réaction épidermique à la lecture des premières pages et que j'ai achevé ce livre uniquement parce que j'ai une conscience de lectrice membre d'un jury.

Qu'un tel personnage fasse l'objet d'un roman, je peux tout à fait le comprendre, mais ce qui m'a sans doute le plus chiffonnée ici c'est que l'auteur non seulement le présente tel qu'il est mais excuse son comportement, le tout écrit dans un ton sans relief.

Ainsi après les fillettes il veut une vierge pour retrouver sa pureté : "Celle qui coûtait plus cher mais qui devait le laver de toutes ses souillures.", mais Fito refuse de consulter un psychologue par peur d'être jugé, pas étonnant, car il a un sacré problème le garçon !

J'ai franchement été marquée par ce détachement malvenu et j'ai trouvé les personnages creux, à l'image de l'histoire de ce roman d'ailleurs, car au final, je n'ai pas bien compris quel était le but de ce roman ni l'idée qu'avait cherché à développer l'auteur.

Proposer une vision post-apocalyptique d'Haïti ? D'une confrontation de deux mondes : "Comment une même terre pouvait-elle engendrer tant de frontières ?" ? Le tout sous le regard d'une étrangère ?

Je n'ai pas été convaincue du tout et je n'ai absolument pas été emportée par l'histoire, ce roman ne vend pas du rêve bien au contraire, il dégoûterait presque de se rendre en Haïti tant la vision qu'il en donne est pessimiste et noire.



Il y avait sans doute une autre façon de faire pour écrire un roman à Haïti, en une forme d'hommage aux rescapé(e)s du tremblement de terre de 2010, que celle développée par Kettly Mars dans "Aux frontières de la soif", un livre qui m'a laissée sur le bord de la route et m'a profondément horripilée plutôt qu'enchantée.
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Aux frontières de la soif

A Haïti, un an après la catastrophe du grand tremblement de terre de 2010, Fito, auteur d'un unique mais très rémunérateur best-seller, se laisse conduire par un maquereau auprès de Mirline, une petite fille que sa mère prostitue sous une tente du camp de réfugiés de Canaan. Dans cet endroit désolé, les gens sont si pauvres et si démunis que tous les moyens sont bons pour parvenir à survivre. Le lendemain, Fito va accueillir à l'aéroport Tatsumi, une journaliste japonaise avec qui il a longuement correspondu via Internet.

« Aux frontières de la soif » est un court roman (160 pages) qui se situe entre le sentimental et le social. Les conséquences du malheur qui a frappé Haïti ne sont envisagées que sous un angle particulier, celui du sexe autant dire par le petit bout de la lorgnette. Les mères poussent leurs petites filles à coucher avec des hommes riches qui viennent ainsi raviver une sexualité souvent défaillante et assouvir leurs pires fantasmes. Plus les gamines sont jeunes, mieux c'est. Et si elles sont vierges, elles n'en ont que plus de valeur. Kettly Mars a choisi un ton distancié et parfaitement neutre pour raconter les « exploits » de Fito qui n'en demeure pas moins un vieux pédophile pervers pour lequel il est difficile voire impossible d'éprouver la moindre empathie. Pire, Tatsumi, personnage sans épaisseur et réduite à sa seule dimension d'androgyne érotique, laisse également indifférent. Et pour ne rien arranger, une intrigue qui tiendrait sur la surface d'un timbre poste. Un style assez agréable, bien entrelardé de phrases et d'expressions créoles (heureusement traduites), mais sans originalité particulière. Heureusement, qu'on ne perd pas trop de temps avec ce livre qui sera donc vite lu et vite... oublié.
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Aux frontières de la soif

Ketly Mars nous donne à lire un roman sur l'ambivalence d'un personnage, Fito, auteur d'un roman cinq ans plus tôt, en panne d'inspiration aujourd'hui.

Une bonne situation, mais moralement de plus en plus bas. Il se dégoûte, mais ne peut résister à ses dépravations.



Jusqu'à ce qu'arrive dans sa vie, et pour une durée de 12 jours, une jeune japonaise venue faire un reportage un an après le séisme. Elle est là comme un réveil, une prise de conscience de ce qu'il est, un électrochoc qui lui permet de taper du pied au fond de l'eau pour remonter à la surface.



En trame de fond, le séisme un an après, les camps où s'entassent quatre vingt mille réfugiés, où tout se marchandent, l'eau, la nourriture, le sexe et la virginité de fillettes de douze ans à peine. A côté de cette misère, les classes moyennes ou riches d’Haïti, qui vivent sans plus voir ce qui se passe à quelques kilomètres d'eux,... et dont certains paient pour ces petites filles.



De nombreux regards se croisent: Fito, ses amis, le regard de quelques victimes (du tremblement de terre, de la misère et des hommes confondus), et celui de Tatsumi, regard extérieur qui apporte comme une bouffée d'air frais.



Un roman intéressant, mais un personnage dérangeant, qui m'a empêchée de pleinement profiter de ma lecture. Mais n'est-ce pas le rôle de la lecture de mettre le doigt sur ce qui dérange, même sous forme de fiction?

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Aux frontières de la soif

Réalités des camps de réfugiés haïtiens, plongée dérangeante par le biais d'un écrivain en crise...



Publié en 2012, le sixième roman de l'Haïtienne Kettly Mars est moins matois que le terrible "Saisons sauvages", mais sans doute encore plus abouti et probablement plus dérangeant.



Fito, écrivain haïtien approchant la cinquantaine, tout auréolé du retentissant succès international de son précédent roman, il y a déjà six ans, "cale" désespérément sur l'écriture du suivant. Au milieu d'une Haïti ravagée par les récents séismes et leurs dégâts collatéraux, il a accepté, pour vivre, une mission d'évaluation grassement rémunérée par des ONGs portant sur les gigantesques camps de réfugiés qui fleurissent gaillardement dans les environs de Port-au-Prince... Divorcé, ne se résolvant pas à épouser sa maîtresse "officielle", en proie à la dépression et à une crise existentielle de plus en plus profonde, il réalise, à sa grande horreur mais en se trouvant des excuses, au contact des innombrables trafics des camps qu'il fréquente, que seules les fillettes pré-pubères parviennent désormais à l'exciter...



Sur ces prémisses bien scabreuses, Kettly Mars nous donne à voir l'Haïti contemporaine, avec le froid et cru réalisme qu'on lui connaît, comme dans le récent recueil "Haïti Noir" paru chez Asphalte auquel elle participait - mais nous propose aussi une singulière quête de reprise en main du soi et de la rédemption, à l'issue bien incertaine...



"Fito prit un chemin pierreux sur la droite. Il fallait d'abord longer Corail, le camp de sinistrés aux rangées ordonnées de tentes plantées par les soldats étrangers. Canaan, plus haut, couvrait dans la plus parfaite anarchie une coulée de mornes nus dominant la route du Nord et rejoignant sur l'autre versant, en direction de la nationale n°3, les contreforts du Morne-à-Cabris. Une terre de tuf, ingrate et chaude. Quelques rares touffes de neems et des cactus auxquels les déplacés avaient arraché des carrés d'emplacement. Canaan, un mélange de femmes, d'enfants, d'hommes, de rires et de pleurs, de faims et de soifs. Une agglomération chaotique de carrés en contreplaqué et de maisons-bâches à dominante bleue, étampés de sigles internationaux, qui avait grandi comme un immense champignon, rampant vite d'un morne à l'autre, les recouvrant d'une maille de vies déplacées. Au-delà du chaos apparent, une organisation subtile régissait l'endroit. Il y avait déjà Canaan 1 et Canaan 2 et, au rythme de l'avancée humaine, d'autres Canaan continueraient de s'étendre dans les creux assoiffés de la terre. Quelques maisons en dur poussaient çà et là, fixant le lieu dans sa topographie de bidonville officiel en devenir. Et la poussière partout, dans les cheveux, kes yeux, les mains, la raie des fesses, les jambes, incrustée au plus intime des vies. Un endroit sec et seul."

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Fado

Fado fait partie de mes lectures agreables dont la fin ne decoit pas. Justement toute l'appreciation de cet ouvrage demeure essentiellement dans le denouement. A la fin du livre, on n'est toujours pas capable d'avoir la reponse a l'intrigue qui se pose des le debut de la lecture. Tout le merite de Fado, pour moi, tient au fait de ce demi mystere toujours non clairement elucide a la fin. Longtemps apres la lecture, on y pense toujours, on y revient. On aime ou on n'aime pas. On apprecie ou on s'en irrite.
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Saisons sauvages

J'ai decouvert Kettly Mars avec "Saisons Sauvages" et ce fut La beatitude. Ce roman fait partie maintenant de mes 3 lectures preferees pour avoir coche toutes mes criteres d'un bon roman:

1) tenir le lecteur en haleine jusqu'a la fin.

2) denouement de l'intrigue insoupconne.

3) ecriture fluide non encombree de stylistiques inutiles.

4) charge emotionnelle assez forte

5) permet de voyager dans le temps ou dans l'espace

6) details irrealistes inexistants (contrairement a ce qu'a mentionne une critique a ce sujet: Je connais mon pays, je connais les gens de mon pays)



De ce fait, "Saisons Sauvages", avec "La Couturiere de Martissant de Ronald C Paul, "Cora Geffrard" de Michel Soukar, les "Palanquins des Larmes de Chow Ching Lie, "Fleur de Neige de Lisa See" demeurent jusqu'ici les ouvrages qui m ont marque le plus en ce sens.



Un leger bemol, un petit detail qui deconcerte quand meme: la photo illustrative. Elle est censee representer quel personnage dans le livre. Pourquoi representer une brune alors que l'on parle d'une mulatresse. Pour faire dans le politiquement correct?



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