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Je suis vivant de Kettly Mars
"Elle n'est pas juste, cette chienne de vie... mais nous n'en avons qu'une et il faut la vivre avec ses douleurs"
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Il ne fallait surtout pas présenter de certitudes. Le sujet de la maladie mentale dans les familles est extrêmement complexe, quelles que soient les sociétés considérées. Oui, je crois qu`avec le recul le retour d`Alexandre parmi les siens est une bonne chose, mais qui n`est pas arrivée sans douleurs. Ce retour d`Alexandre après 40 ans d`enfermement dans une institution psychiatrique est une sorte d`exorcisme, qui va provoquer la cautérisation d`une blessure secrète longtemps portée par chacun des membres de cette famille.
Je dirais qu`il y a plusieurs narrateurs dans ce roman polyphonique, mais Eliane est la voix de l`autorité, de la blessure et de l`amour qui s`élève par-dessus celle des autres. Je ne crois pas que ce personnage me ressemble, sinon peut-être par sa façon d`être directe et de ne pas se leurrer d`illusions. A 86 ans, on ne peut plus se mentir.
Absolument. Mais je voulais surtout éviter une présentation "scientifique" de cette maladie. Il me fallait être crédible pour le commun des mortels. Je ne suis donc pas allée dans les profondeurs pathologiques de la schizophrénie mais j`ai plutôt présenté les manifestations extérieures que les autres reçoivent et qui les troublent profondément.
Le besoin de ce témoignage m`est venu du fait que cette histoire est inspirée de faits réels assez proches de moi. C`est une façon d`honorer cette famille qui a vécu ces moments angoissants. C`est aussi une façon d`exprimer de la solidarité avec tous ceux qui font face à la maladie mentale de près ou de loin dans leur entourage en faisant ressortir la dimension humaine de ces situations.
Oui, je vis en Haiti et j`ai vécu le séisme de 2010 en direct. Aujourd`hui encore, je ne crois pas qu`on ait terminé l`évaluation exhaustive des conséquences humaines et matérielles de la catastrophe. C`est ce qui arrive quand un pays faible économiquement et structurellement connaît ce genre d`événements. Mais l`effort de reconstruction continue même dans des conditions difficiles.
Il y a désormais un avant et un après 2010, du moins pour ma génération et surtout pour les artistes et les créateurs. Le séisme n`a pas vraiment un rôle particulier sur mon parcours littéraire, il a toutefois une influence sur ma façon d`apprécier la vie, sa fragilité, ses douleurs, ses beautés et ses grandeurs.
Oui, et c`est étonnant, les Haitiens dans la quarantaine et la cinquantaine vivent dans une certaine nostalgie d`un temps où il faisait mieux vivre. Une nostalgie entretenue par la perspective d`un avenir qui n`est pas rassurant du fait de nos dérives politiques et notre manque cruel de leadership. Mais c`est une nostalgie un peu fausse car ces temps que nous regrettons portaient en eux les germes de ce que nous vivons aujourd`hui. Nous n`avons pas voulu ou pas pu le voir. Et quand aujourd`hui je constate cette sorte de révisionnisme que certains font de notre histoire passée, particulièrement en ce qui concerne les 29 annees de la dictature Duvalier, je suis révoltée. L`éducation et le devoir de mémoire sont une priorité aujourd`hui pour les jeunes du pays.
J`ai probablement plus d`affinités avec la gente féminine mais d`un point de vue littéraire, j`aime tout aussi bien présenter des personnages masculins. C`est à chaque fois un défi intéressant à relever. C`est d`ailleurs la raison pour laquelle j`ai écrit mon roman L`heure hybride, où je me mets dans la peau d`un homme qui parle à la première personne tout au long du roman. C`était une façon d`en finir avec ma peur d`aborder le territoire des mâles.
Le livre qui m`a marqué à un très jeune âge est Le chapelier et son chateau, le premier roman écrit par A. J. Cronin. C`est l`histoire d`une famille subjuguée par un père despotique. Je me suis perdue dans l`univers de ces personnages et me suis dit que cela devait être un privilège de pouvoir inventer toutes ces vies et ces émotions à partir de rien.
En effet la lecture de certains livres peut laisser une impression de nullité ou même d`imposture, surtout à un écrivain qui est à ses débuts. Cela m`est arrivé après la lecture de certains romans comme Cent ans de Solitude de Gabriel Garcia Marquez ou encore Une saison blanche et sèche de André Brink. Heureusement ces effets n`ont pas duré longtemps et une fois ce sentiment passé, ces livre deviennent au contraire des incitations à plus d`effort, de confiance et de persévérance.
Gouverneurs de la rosée de Jacques Roumain, le premier livre haïtien que j`ai lu.
La fidélité non plus
de la poétesse haitienne Yanick Jean.La Marelle de Julio Cortázar qui est l`un de mes écrivains sud américains préférés.
Je ne crois pas qu`il soit méconnu mais Soie d`Alessandro Baricco est un petit roman que j`ai adoré lire.
Le Docteur Jivago de Boris Pasternak que je n`ai pas pu finir.
Je découvre avec plaisir une jeune écrivaine du Nigéria, Chimamanda Ngozi Adichie et son roman Americanah.
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Je suis vivant de Kettly Mars
"Elle n'est pas juste, cette chienne de vie... mais nous n'en avons qu'une et il faut la vivre avec ses douleurs"
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Kettly Mars
La mer au seuil de la chambre… La mer au seuil de la chambre abandonne algues et conques. Il n’est barque qui n’accoste aux marches d’une alcôve, ni bateau qui ne livre ses gréement au havre d’une épaule. La mer dans la chambre, son soleil dans une main, mouille aux sables de quatre murs À l’heure où se meurt l’écume commence l’odyssée d’un lit, toutes voiles déployées sur nos marées intérieures. |
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Saisons sauvages de Kettly Mars
J'ai rejoint le club de maîtresses de macoutes, de celles qui jouissent de privilèges évidents mais qui connaissent aussi la précarité de leur position dans cette Haïti où le pouvoir joue sans cesse à une macabre chaise musicale. Après être passée par de douloureuses phases de détresse, jai arrêté d'avoir honte, de fuir le regard des autres, de me torturer, de me condamner.
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Je suis vivant de Kettly Mars
Étrange, les choses qu'on ne dit pas par pudeur dans un couple, même les très vieux couples comme nous l'étions encore jusqu'à l'an passé.
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Saisons sauvages de Kettly Mars
L'électricité du bijou pénétra sous ma peau, comme un virus. Dans la rue je me suis sentie une autre femme, m'attendant à ce que chaque personne que je croise découvre sur mon visage l'empreinte du désir du secrétaire d'Etat. Un sentiment qui me troubla au plus profond de mon être.
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Aux frontières de la soif de Kettly Mars
« Tout le monde doit vivre, les choix étaient serrés, il fallait chacun inventer son pire. C’est la vie même qui est dure. » (p. 95)
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Le prince noir de Lilian Russell de Kettly Mars
Être nègre est un état d'humanité dangereux. Être nègre comporte le risque de se retrouver à tout moment pendant au bout de la corde d'une potence improvisée. Être nègre en cette fin de dix-neuvième siècle, c'est se savoir différent, dérangeant, marginal et en danger
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Aux frontières de la soif de Kettly Mars
Et s'il écrivait Canaan ? Et s'il vomissait sur des pages blanches toutes ces douleurs, toutes ces émotions qui lui lacéraient la peau, cette immense misère humaine ? Ne serait-ce pas mieux que d'aller chez le psychologue ?
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Aux frontières de la soif de Kettly Mars
Comment une même terre pouvait-elle engendrer tant de frontières ?
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Kettly Mars
Les femmes et les hommes partout dans le monde attendent tous quelque chose. La guérison pour les malades, la fin de semaine pour les travailleurs, du boulot pour les chômeurs, les grandes vacances pour les écoliers, le retour de Jésus pour les chrétiens, du pain pour les affamés, de la came pour les camés, l'inspiration pour les poètes, le pouvoir et toujours plus de pouvoir pour les politiques, encore plus de millions pour les millionnaires, du sang pour les vampires, l'amour tendre ou dévorant pour les esseulés. La liste est infiniment longue. Tout le monde espère toujours quelque chose au point d'en oublier que l'instant présent est celui qu'ils attendaient l'année passée, la semaine dernière ou même hier. Que chaque soleil est un cadeau qu'aucune fortune ne peut acheter. Que chaque soleil est un tourment sans nom pour ceux qui souffrent dans leur corps ou dans leur âme et appellent la délivrance de l'obscurité ultime. Ils en oublient d'être heureux, d'être juste dans ce moment présent, encore debout, encore lucides et désireux. Bien sûr, on peut se consoler en pensant à l'immortalité ou à l'éternité, mais elles commencent bien un jour, peut-être aujourd'hui, dans cet instant.
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Qui est le père de Tristan?