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Critiques de Kiki Dimoula (4)
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Le peu de monde (suivi de) Je te salue jamais

Il y a quelques temps déjà que j'ai découvert la poésie de Kiki Dimoula et que je tourne régulièrement autour des poèmes, des élans de mots, de couleurs, des assemblages insolites de souvenirs ou de dialogues sans parvenir à écrire sur elle.

Pour tout dire, elle m'intrigue, m'enchante puis me déconcerte. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle aucune critique n'a encore été écrite sur sa poésie à la fois si abstraite et si directe, si imagée et pourtant si lucide, précise.

Énigme poétique qui ne se laisse pas réduire à quelques phrases d'explications réductrices.



Cette poète grecque, née à Athènes en 1931, a un univers, un ton qui lui sont propres, une prédilection pour les thèmes de l'amour, l'absence, la mémoire et la photographie, cette " présence de l'absence ". Finalement, ce qui m'étonne et me plaît le plus, c'est sans doute ce mélange d'humour et d'inquiétude, son sens inné de la formule décalée :

" Pas de nouvelles de toi.

Ta photo, stationnaire. "



" Je quitte le monde des mystères

tranquillement.

Jamais de ma vie je n'ai fait de mal à une énigme :

Je n'en ai résolu aucune. "



" Coûteuse idée, la vie.

On affrète un monde

pour faire le tour d'une barque. "



Une poésie à grappiller par bouquets de vers en ouvrant ce recueil au hasard pour se laisser surprendre.



" Nul après-midi n'est venu

qui ne soit devenu soir.

Mais rêve ça veut dire

que vient un après-midi

qui ne deviendra pas soir. "
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Du peu du monde et autres poèmes

" Tu marches dans un désert. Tu entends un oiseau chanter. Même si tu as du mal à croire à cet oiseau suspendu dans le désert, tu es obligé de lui préparer un arbre. Voilà ce que c’est la poésie. "*

Quelle plus belle phrase pour introduire la poésie si particulière de Kiki Dimoula ?

Née Vasiliki Radou en 1931 à Athènes, Kiki Dimoula est une des très grandes figures de la poésie contemporaine grecque.



Elle publie ses premiers poèmes à l’âge de 21 ans. En 1971, alors mariée au poète Athos Dimoulas, est édité un nouveau recueil de poésie (son cinquième) intitulé " Le peu du monde ". Cet ouvrage lui offre une grande renommée dans le milieu littéraire et auprès du public grec. Dix-huit ans plus tard, paraît " Je te salue jamais ", puis en 1994 " L’adolescence de l’oubli ". Ces deux recueils lui valent de prestigieux prix littéraires en Grèce. En 2002, l’ensemble de son œuvre est couronné par l’Académie d’Athènes dont elle devient membre la même année. Kiki Dimoula s’éteint à Athènes en février 2020.



Dans son écriture, dans chacun des thèmes qu’elle aborde (le temps, l’absence, la mort, le néant sont les constantes de sa pensée poétique), Kiki Dimoula manie avec une rare maîtrise l’art du paradoxe. La mélancolie si présente dans ses textes semble sans cesse relevée, allégée par un espoir diffus, une lucidité qui vient rassurer, consoler, magnifier.



" Tout le monde te prend pour une statue

moi je t’appelle femme.



Tu ornes un parc.

De loin, tu trompes.

Tu t’es, dirait-on, légèrement baissée

pour te rappeler un de tes beaux rêves

et sembles t’élancer pour le vivre.

De près, le rêve se précise :

Tu as les mains liées derrière le dos

avec une corde de marbre

et ton attitude traduit ta volonté

de trouver une aide pour échapper

à l’angoisse du captif.

Telle était la commande faite au sculpteur :

Captive.

Tu ne peux

peser pas même une pluie dans ta main

pas même une marguerite légère.

Tes mains sont liées.

[…]

Pour tes mains liées

depuis tant de siècles que je te connais

je te dis femme/



Je te dis femme

car tu es captive. "**





Souvent inspirée de scènes ou d’objets de la vie quotidienne, l’écriture de Kiki Dimoula se veut un regard simple porté sur les choses, les êtres et les lieux. Ils sont chacun comme un prétexte à développer une inspiration, un élan. Dans ses écrits, la poétesse fait naître une pensée qui semble familière en soi mais qui contient une part étrange, édifiante, éclairée par l’usage subtil de la métaphore et de l’invention verbale.



" Du peu du monde " est un magnifique recueil de poésie. Kiki Dimoula qui dans sa vieillesse regrettait de ne pas avoir écrit assez et de ne plus avoir le courage de le faire nous apprend qu’il peut être nécessaire de sacrifier la vitesse de notre monde à la lenteur et à la beauté de l’écriture, à ce qui fait sens et poésie.







(*) extrait du discours de réception Prix Européen de Littérature reçu en mars 2010.

(**) extraits du poème " Signe de reconnaissance (statue d’une femme aux mains liées) "
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Le peu de monde (suivi de) Je te salue jamais

Les deux titres du recueil captent immédiatement l’attention du lecteur mais comme il peut y avoir tromperie sur la marchandise avec un emballage prometteur et un contenu vain, voire indigeste, l’entrée dans la poésie de Kiki Dimoula se fait sur la pointe des pieds aussi parce que les rimes font défaut. Peine perdue, peine perçue ! D’emblée, dès l’entrée en matière, le premier poème sur trois pages intitulé sobrement « Passée » est déjà un bijou accroché à la nuit qui marche. Des mots simples de tous les jours, en apparence, des phrases courtes mais qui résonnent dans la chambre d’écho de la mémoire pour dire la perte de toute chose : « Je marche et la nuit tombe./[…]Non, je n’ai pas de chagrin. […] La nuit tombe à l’heure juste. » L’attention est hantée ; la tension est entière. Le second poème, « Pluriel », égrène, telle une leçon ânonnée en classe, les sentiments et les thématiques de l’auteur mais par un renversement sensible et intelligent des sens, le poème prend une dimension métaphysique stupéfiante. Il est quasi impossible d’en extraire un vers tant l’ensemble vibre d’une cohérence insécable. Non, il n’y a pas entourloupe aux entournures ! La poétesse trame sa poésie autour de quelques thèmes ressassés à l’envi sur le métier à tisser la vie et à filer les métaphores : l’absence de l’être chair, la perte irrémédiable de l’autre, l’existence qui file un mauvais coton : « Coûteuse idée, la vie./On affrète un monde/pour faire le tour d’une barque » et le poids de la photographie : « Pas de nouvelles de toi/Ta photo, stationnaire ». A peine pourrait-on regretter l’absence d’ancrage dans la réalité, le tout juste effleurement de la nature quand un vers joyau vient remettre les pendules à l’or : « J’existe à voix basse » ou encore : « J’ai grandi autodidacte écoutant la vague/déplacer les galets si naturellement ». Si on substitue à la vague le temps et aux galets les hommes, on ressent avec force la vacuité et la noblesse du flux de la vie, sa transmission et son irrémédiable extinction. Seuls trois recueils de poésie de Kiki Dimoula sur les douze édités entre 1952 et 2007 ont été traduits en français, un auteur rare et précieux, à dévêtir de nos maux. Comme elle : « Je suis l’assistant aveugle du verbe magicien./Il hypnotise une douleur intenable, elle devient/ambulatoire. » Alors, depuis, je marche.
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Le peu de monde (suivi de) Je te salue jamais

Printemps des poètes 2010
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