Henry Bonnier
Jacques CHANCEL s'entretient avec
Henry BONNIER, écrivain
bref hommage à
Kléber HAEDENS, juré du Prix PROMETHEE qu'il vient de recevoir pour son livre "Une Journée dans la vie d'Henri". Son
enfance, son métier de
critique littéraire pendant quinze ans à la Dépêche du Midi. Les prix littéraires, ses
romans, ce qu'il pense de notre époque, les personnages de son dernier
roman, son...
Le maire s'était fait remplacer par un adjoint de mine chétive que personne ne connaissait. En arrivant à l'église la noce avait trouvé porte close. Les habitants du village regardèrent avec perplexité ces gens déguisés comme dans un film burlesque qui frappaient à coups de poing à la maison de Dieu.
Personne ne passe sur la route de Fontereau.
Aussi le village n'a-t-i l pas changé depuis un siècle. Ses rues tournent entre les maisons blanches où la garde est montée par un détachement de roses. La Seudre coule à l'ouest dans un paysage plat, entourée de santonine , l'herbe que fument les vauriens. Au centre du village se dresse un grand bois qui le sépare en deux. On le nomme le Liteau. Il est mystérieux comme les bois des contes où disparaissent les enfants. Liteau, en terme de chasse, c'est le lieu où le loup se repose pendant le jour.
Les êtres simples, qui vivent en contact permanent avec la nature, sont incapables de mentir.
Morgan passait toujours l'été à l'île d'Oléron dans sa maison de Félindre, maison de village avec de longs murs blancs, un jardin clos, des plantes sauvages qui poussaient là comme au sommet des dunes. Le vent trainait jusqu'aux figuiers le parfum des oeillets de sable. Le ciel ce matin-là s'enfuyait au-delà des pins avec la légèreté d'un mouchoir.
[A propos de Léautaud ]
L'horizon est court, les idées souvent sommaires, les problèmes minuscules. Mais la langue est simple, naturelle, avec une race à la Diderot. Un homme qui ne ressemble à nul autre se peint là tout entier avec ses humeurs et ses rêveries, révélant même ce qu'il tient le mieux à cacher, sa tendresse et sa douleur. (p. 378)
En amour, il ne faut jamais forcer la nature.
On cultive en France cinquante quatre espèces de petits pois. Aussi quand on nous offre quelque chose "aux petits pois" ,cela ne veut presque rien dire .Il faudrait connaître, non seulement l'espèce mais aussi l'âge du légume et l'heure où on l'a cueilli. Si vous cueillez très tôt le matin ,à la rosée ,bravo .Si vous les cueillez le midi, en plein soleil, autant manger des chevrotines. Tout cela est assez complexe et fort ignoré dans un pays qui se croit peuplé de gastronomes .Vous me disiez préférer les poulardes aux côtelettes de veau. Cela n'a pas beaucoup de sens. Il faudrait comparer les poulardes aux poulardes et les côtelettes aux côtelettes. Vous aurez quelques lumières le jour où vous comprendrez qu'un veau de Rabastens cuit avec exactitude est de loin supérieur à une poularde gonflée trop vite .
Je sens que je ne devrais pas le dire et cependant je ne peux le cacher davantage. Marie-Louise est morte. Elle est morte d'une maladie célèbre qui depuis longtemps l'occupait en sourdine et qui, soudain, a retiré ses gants. Deux jours avant la fin , elle m'a souri. On l'avait tondue et je ne lui connaissais pas ces joues creuses, mais ses yeux restaient fidèles à notre vie et son sourire fut le plus doux. Vers la fin de la semaine, un vendredi, j'ai entendu sonner la cloche du village. C'était le glas pour Marie-Louise. Nos amis l'ont conduite vers les cyprès. Le vent soufflait sur les ccollines. Quelqu'un me fit remarquer que les Pyrénées étaient sorties depuis l'aube. Nous marchions derrière le cher visage enfermé. La montagne nous donnait ses neiges.
PRÉSENTATION DE LA BEAUCE À NOTRE-DAME DE CHARTRES
Étoile de la mer voici la lourde nappe
Et la profonde houle et l’océan des blés
Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
Voici votre regard sur cette immense chape
Et voici votre voix sur cette lourde plaine
Et nos amis absents et nos coeurs dépeuplés,
Voici le long de nous nos poings désassemblés
Et notre lassitude et notre force pleine.
Étoile du matin, inaccessible reine,
Voici que nous marchons vers votre illustre cour,
Et voici le plateau de notre pauvre amour,
Et voici l’océan de notre immense peine. (...)
(Charles Péguy)
Préface de Michel Déon
C'est resté un livre délectable et savoureux qui se moque de la mode et des partis pris, et dont l'enthousiasme, la grâce et l'esprit malicieux redonnent du goût à la chose littéraire si assombrie par le byzantisme des écoles, la pédanterie de la critique universitaire et une vogue romanesque par le récit désincarné où l'homme n'a plus ni coeur, ni passions, ni larmes. On ne trouve pas l'ombre de sectarisme ou de dédain dans cet antimanuel qui a grandi tout seul, poussant de profondes racines dans le sol...