Un soir, on était en train de s'écrire, et il m'a demandé de lui envoyer une photo. J'étais si naïve... J'ai pris mon chat. (...)
- Il m'a répondu qu'il voulait une photo de " moi", mais je ne comprenais toujours pas le message. Je lui ai envoyé un selfie sur lequel je faisais une grimace, puis un second plus flatteur, avec un filtre, du maquillage et tout. (...)
Je sortais à peine du collège. Personne ne m'avait réclamé de photo nue avant.Du coup, je ne voyais pas où il voulait en venir. Il a dû me mettre les points sur les i.
- La première fois qu'on nous a demandé ça. Cat et moi, on est allés au supermarché et on a pris des photos de vernis et fonds de teint étiquetés " nude". Et on les a envoyées.
' Est-ce que la pluie arrête parfois de tomber ici ? je demande. (...)
- Oui, m'assure Alisha. environ trois jours à la mi-juillet.
- Les bonnes années, ajoute Cat (...)
Aujourd'hui, les gens passent plus de temps à se regarder le nombril sur leurs téléphones qu'à s'intéresser aux autres.
Entre le XVIIe et le XVIII siècle, l' Ecosse a connu une série de procès pour sorcellerie : des milliers de personnes ont ainsi été jugées, condamnées et exécutées. Le nombre de morts, estimé entre quatre mille et six mille, est trois fois supérieur à celui de l'Angleterre à la même période, alors que la population écossaise représentait un quart seulement de la population anglaise.
Soixante-quinze pour cent des personnes jugées et condamnées à mort pour sorcellerie étaient des femmes.
(...) , aucun nom ,'est indiqué quand je pointe la souris sur mon visage souriant. Pourtant c'est bien moi.
" SALOPE.
Le commentaire est aussi violent qu'une gifle. Je les fais défiler, les uns après les autres.
" Traîtresse." " Anna couche-toi là." Suzanne et la pute."
Mon champ de vision se brouille à mesure que les mots se succèdent à toute allure jusqu'à se percuter.
Putesalopetraînéechienne...
Comme la rumeur, le feu est sournois. On crois parfois l'avoir éteint, et pourtant il suffit d'une infime flammèche rouge, d'une fine volute de fumée pour qu'il reprenne vie d'un coup. Surtout si quelqu'un guette, prêt à l'attiser.
Les choses s'arrangent. Progressivement. Ce n'est pas instantané, cependant la plaie cicatrice.
Mais dans le coin inférieur gauche se trouve une liste de noms, tous de la même main. Ils sont suivis de chiffres, écrits avec des stylos différents.
Rachel : 5,6,4
Alisha : 9,3,8
Sarah : 8,7,8
Thea : 3,1,4
Ma tête se met à bourdonner. Il n'y a que des noms de filles. Il me faut un moment pour comprendre. Ce sont des notes sur dix. Et elles n'ont rien à voir avec le travail scolaire. Je balaie la liste et écarquille les yeux en arrivant en bas.
Fille mystère : 7,9,0
(...)
Dessous, j'écris :
Abrutis : 0/10
Les gens ont des croyances différentes, ce qui n'implique pas que certains soient dans le vrai et d'autres dans le faux. Ils ont des expériences différentes de la vie. Qui suis-je pour affirmer qu'une chose n'existe pas parce qu'elle ne m'est pas apparue ?
J'hésite à lui expliquer la pression à laquelle nous sommes soumises, cette pression énorme consistant à porter pile le bon vêtement, assez court et décolleté, mais ni trop court ni trop décolleté, au risque de passer pour une allumeuse. Et pourquoi ça ne vaut pas pour les garçons aussi ? Tout le monde se fout de leur façon de s'habiller, et eux on ne les limite pas à leur apparence, alors que les filles sont jugées sur quelques centimètres de tissu.