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Citations de Leïla Bahsaïn (48)


Tout ce qui se consomme se paye. Je savoure la bouchée molle qui lentement fond sur ma langue. Je m’endors sur le goût patelin de mes rêveries et de mes mensonges.
La nuit, je me transforme en nourrisson qui tour à tour tète au sein d’une femme blanche et au sein d’une femme noire.
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Il y a tellement d’étrangers dans un corps. Le mien raconte une
histoire que je ne connais pas. Il y a un tabou qui l’encercle. En apparence, il raconte l’histoire de tant de brassages. Mon corps est un territoire apatride. Un compromis.
Mon corps, j’y lis une proposition de réconciliation des peuples. Une proposition rejetée.
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Je n’ai jamais été vierge et je me lave. Je mens ou je fais semblant. Je resserre tout. Je ferme mon corps. J’ai décidé que ce soir était un soir de noces. Noces solitaires.
Singulières. Je rejoins mon perchoir. J’étends mon corps nu sur les planches de bois.
Ce corps dont j’ignore la genèse. Ce corps dans lequel j’ai été livrée sans notice ni historique.
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L’hymen est un organe vivant et mutant. Un touche-pipi ou un coup de pinceau et il se dilue dans l’eau. On peut perdre sa virginité et devenir une femme. Pire encore : on peut être vierge et tomber enceinte. L’hymen est un animal éponge à l’affût des
poissons d’argent. Plusieurs filles en ont fait les frais au hammam. Les fesses nues sur le sol où un garçon a bavé et c’est le déshonneur, l’opprobre et un enfant bâtard dans les bras. Il y a toujours une pierre blanche dans la salle d’eau. Pierre cristalline. Pierre de pureté. Pierre à décrasser et à passer l’éponge. Pierre à expier les péchés de la chair. Pierre d’éclat et de mensonge. La nuit de noces, il faut présenter un hymen neuf. Tout ce supplice pour que le pénis (d’occasion, le pénis)
consomme. Qu’il perfore l’hymen, qu’il consomme et jouisse avant de cracher l’emballage qui vaudra preuve : une macule de sang rouge sur le blanc du sarouel brodé d’œillets et d’orties. Moi, j’égorgerai un coq ou un mulot. Un foie d’agneau ou le cœur d’un bœuf.
Un cœur gorgé de sang qui bat encore. Le sang neuf d’un cœur contre un organe d’occasion.Le satané honneur s’achète au rayon boucherie du supermarché. Frétillant et flambant neuf dans la barquette.
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Son silence me tourmente et me provoque. Non, je l’aime et je ne suis pas amoureuse et je m’offre. Mon sein tombe dans le creux de sa main comme un fruit ferme et prêt à consommer. Le pédoncule du fruit se durcit au contact de la main qui tâte puis de la bouche qui tète. J’ai mal et je m’ouvre à ma douleur. Je l’accueille. Je vais mourir. Je ne veux qu’à un esthète. Un homme qui sait recevoir. Un homme qui cherche plus loin que dans la vulgaire apparence d’un corps. Je le regarde dans les yeux, je suis son égale.
Je suis cet homme et il est moi. Une délicieuse douleur.
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Mon corps est un objet d’art allongé sur un matelas en mousse épais et dur. Du boisou de la pierre que ça pourrait être. Un matelas recouvert d’un tapis berbère.Un tapis rouge sur lequel je déchiffre les motifs pour dompter mon trouble. Des losanges, des fourches, des flèches, des arêtes. Des yeux qui refusent de se baisser. Des fibules plantées dans un désert et un scorpion me darde. Pour les besoins de l’art, je ne bouge pas. Je ne sais si l’artiste manie un fusain ou si ses doigts s’impriment sur la toile.
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Ce qu’il y a de bien avec lbanque, c’est qu’on peut y accéder sans frapper à la porte. Nul besoin de rendez-vous non plus. Pour peu, on nous remettrait le double des clés. Il suffit d’avoir un compte.
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C’était une professeure de langue étrangère et tu disais qu’ell avait rejoint la corporation des Frères. On se méfiait de ces gens-là au début. De loin, on les identifiait, on les fuyait. Ils inspiraient la peur avec leur apparente régression. On les disait surveillés par le système. Avec le temps, le mouvement s’est étendu. Ce qui se présentait au départ sous les auspices d’un militantisme élitiste
n’a pas tardé à se transformer en vulgaire accoutrement de la docilité populiste.
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Notre libraire, spécialiste du roman à l’eau de rose, n’est autre que le vendeur de cacahouètes, de graines de tournesol et de caramels Tissot. Tout se paie, même la lecture rose bonbon.x Pour la promotion et le merchandising, le vendeur de cacahouètes a étendu les livres sur un fil à linge. De loin, on dirait des drapeaux roses au-dessus de la vitrine où chaque type de fruits secs dispose d’un compartiment. Un peu dyslexique un jeune homme au corps d’athlète et au cerveau récuré à l’eau de Javel. Je crois qu’il est analphabète.
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Tifa n’est pas une mordue de littérature. Elle n’a jamais rien lu d’autre que le saint Livre et les romans de Barbara Cartland. Elle voue un culte à la dame en rose. Lorsqu’elle lisait, allongée sur la natte en raphia, elle semblait en méditation ou en pleine prière. La lecture mettait ses démons sur pause. Détendue, apaisée qu’elle semblait,un madras jeté sur la tête pour se replier et accéder au monde des histoires.
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Pour qu’il y ait un prophète,il faut qu’il y ait un livre. Chaque écrivain est un prophète qui livre du monde. Le mot écrit n’a rien à voir avec le mot dit. Le mot dit est volatil, il bascule vite dans la grande consommation et le fast-food. Il dévoile, il jette en pâture et dévoie. Le mot écrit est rebelle et visionnaire. Il prend ses racines dans Ie futur. Le mot écrit rejoint l’éternité. Il décante et se bonifie. Écrire appartient au domaine des esprits et des anges.
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À force de se prélasser au hammam de la rue du Turc, Tifa a fini par être repérée.
Elle n’était pas la seule à se faire remarquer de cette manière. Car il n’y a pas de meilleur endroit sur terre pour juger de la valeur marchande d’une femme. La nudité est propice à l’évaluation. L’apparieuse passe les corps au crible pour fournir son catalogue. Les seins : taille et forme. Les hanches : courbure et largeur. Les fesses masse grasse et rebond. Et la virginité se lit à l’aune des chevilles.
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Le temps des amoureux abjure toute logique de chiffres. Il ne connaît pas la montre et du calendrier ne retient que les saisons et leurs couleurs.
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Nous sommes deux, et le diable est avec nous. Son image est distincte, il est si proche. Je vois son visage rouge et ses sourcils de charbon. Son rire est un feu qui me brûle.
D’une main, il me tend un oiseau du paradis. De l’autre, il me menace de son fouet. Cent coups de fouet. Cent coups de fouet mais le système est clément. Cent coups théoriques. En pratique, ils seront convertis en opprobre.
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Je suis sa proie et je me laisse faire. Il m’embrase. Il me tâte, me caresse, me suce et me griffe. D’une main il me pétrit les seins. De l’autre, il me tire les cheveux en arrière. Me protéger ou me soumettre. Je suis sa poupée. Je suis sa princesse. J’ai mal et j’adore cette douleur. Je ne sais si je suis le martyr ou le tortionnaire.
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Garçon Caméléon me parle d’une voix que je ne lui avais encore jamais entendue. La voix sucrée d’un enfant ou le sourire d'un ange. Ses yeux sont plus foncés et m’envoient des étoiles filantes. Je te veux. Je t’aime. C’est la première fois que je suis seule avec un garçon. Lorsqu’un homme et une femme se retrouvent seuls, Satan s’invite toujours. C’est dit dans la religion.
Garçon Caméléon le sait, et il l’enseignera aux bons citoyens. Je me débats contre moi-même. J’ai envie de rompre les chaînes. J’ai envie d’affranchir mon corps.
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Comble de la manipulation, monsieur le professeur nous annonce que même pour coucher avec sa femme, avant de la pénétrer, il prononce une invocation. C’en est trop. Ça
dérape. Je ne peux plus dompter ma retenue. Mes instincts rebelles prennent le dessus Toute cette affaire, Samira et les invocations à tout- ça m’exaspèrent. Je me lâche :
– Et pour commencer sérieusement le cours de maths, on prononce quelle prière, monsieur ?
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Tout se paye, tout peut être pardonné, et sous certaines conditions les comptes peuvent repartir de zéro.
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Moi, je n’ai pas le droit de sortir
seule ; je vis sous haute protection. Je ne sais pas si c’est de peur qu’il m’arrive des ennuis ou de peur que j’en attire. Même lorsque je suis seule, je sais que je suis surveillée et que mère officielle ou ses sbires moralisateurs officieux de la vie publique, m’observent de loin. Il faut dire qu’il y a eu des précédents avec Tifa et que mère officielle dit tout le temps qu’elle a payé sa part, une copieuse part d’adversité à cause de Tifa (l’opprobre a dû émaner du corps de Tifa).
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Personne n’a jamais vu Samira. Nous savons juste qu’elle est analphabète et que le professeur lui dispense des cours particuliers pour qu’elle apprenne les versets et qu’elle puisse les réciter. Nous savons aussi qu’elle vit en retrait du monde le foyer familial et que ses sorties se limitent à quelques rares prières collectives au sein de la mosquée, où elle doit se rendre escortée. C’est tout ce que nous savons à son sujet.
Au-delà, Samira est un personnage plein de mystères. Avec ses allures de Shahrazade, enveloppée dans un mille-feuille de voiles et allongée sur un lit aux draps bariolés, Samira en fait rêver plus d’une dans la classe.
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