Citations de Leila Mottley (99)
Ceux qui disent que les mots n'ont pas de poids sont des menteurs.
Les gens ne croient pas en Dieu parce qu’ils ont des preuves, seulement parce qu’ils savent que rien ne peut prouver qu’ils se trompent.
Comment dit-on à un petit garçon qu'il est tout seul ? Il n'existe aucune bonne manière d'expliquer ce type de solitude, celle qui prend racine dans l'estomac, qui nous fait croire qu'il y a un truc caché dans notre chair et que c'est à cause de ce truc que le monde entier nous tourne le dos.
Je hoche la tête et pour la première fois je pense à ce que j'ai fait, à la panique qui s'empare de moi quand n'importe qui me touche comme Marcus vient de le faire, je pense au nombre de flingues plaqués contre ma tempe, aux doigts qui raclent ma peau, aux poings dans mes cheveux.
J'ai préféré détourner les yeux parce que regarder Tony, c'est un peu comme regarder la bouche d'un flingue : on est toujours trop près. (p.71)
Quand ses jambes se sont mises à enfler, on l'a emmené voir un médecin qui a dit que c'était la prostate. Le cancer était tellement avancé qu'il n'y avait en fait aucun espoir que ça s'arrange, alors papa a dit non quand maman l'a supplié d'essayer la chimio et la radiothérapie. Il a dit qu'il refusait de partir en la laissant s'endetter à cause de ses factures d’hôpital.
Une mort rapide qu'on a trouvée particulièrement lente.
C'était un soulagement quand ça s'est terminé, quatre ans après sa sortie de Saint-Quentin, et on a enfin pu arrêter de se réveiller en pleine nuit avec la certitude qu'on allait le retrouver tout froid dans son lit. Le jour de son enterrement, j'étais trop fatiguée pour me soucier de porter du noir, et une partie de moi aurait préféré rester loin de tout ça comme mon frère. La mort, c'est plus facile à vivre quand on ne la voit pas.
(p. 25-26)
La mort, c’est plus facile à vivre quand on ne la voit pas.
Aussi loin que je me souvienne, le ciel a toujours été mon ami. Il s'étend à l'infini. Je crois que quoi qu'il y ait là-haut, ça nous rassure seulement quand il fait assez sombre pour qu'on puisse imaginer qu'il y a quelque chose au-delà.
Ça fait bizarre d'entendre leurs noms, des noms que je n'arrive à mettre sur aucun parce qu'ils n'ont jamais été des personnes à mes yeux. Je ne les ai jamais vus comme les branches d'un arbre généalogique ou des hommes qui donnent leur nom à la femme qu'ils épousent. C'était des numéros, des insignes, des mâchoires.
J'ai passé toute ma vie à attendre de basculer dans quelque chose qui encouragerait mon corps à devenir son propre instrument dans le seul but de pouvoir me joindre à toutes les chansons de funk, celles qui font danser tout le monde. (…) Parfois, quand je peins, j'ai l'impression de ressentir ce genre de choses, mais peindre ne suffit pas, ça n'efface jamais les moments durant lesquels je sens que je ne vais pas pouvoir trouver la paix.
Les gens ne croient pas en Dieu parce qu'ils ont des preuves, seulement parce qu'ils savent que rien ne peut prouver qu'ils se trompent.
Je crois que ce jour pourrait être celui que j’attendais. Le jour où mon frère va décider de redresser la tête et de réapprendre à tenir plus ou moins le coup dans cette vie. Le jour où il va poser sa tête sur mes genoux et me laisser le bercer. Il pourrait même me prendre la main ou me demander pourquoi j’ai des bleus en travers de la poitrine. Il y a des moments comme ça où j’ai l’impression d’être coincée entre la mère et l’enfant. Où j’ai l’impression d’être nulle part.
Le plus souvent je dis que je ne crois en rien, sauf que la façon dont la nuit met des couleurs sur tout me donne envie de croire. Pas à l'au-delà, ni au paradis, ni à aucune de ces conneries. Ça, c'est juste des trucs qui nous font nous sentir mieux par rapport à la mort et moi je n'ai aucune raison de craindre la mort. Je crois simplement que les étoiles pourraient s'aligner et atteindre un autre monde
Pas la peine que ce soit un monde meilleur parce que ça, ça n'existe sûrement pas. Je pense que c'est autre chose, un quelque part où les gens marchent un peu différemment. Si ça se trouve, ils parlent en vibrations. Ou alors ils ont tous le même visage, ou pas de visage du tout. Quand j'ai le temps de fixer le ciel, je m'imagine avoir assez de chance pour apercevoir ce quelque chose. Mais je finis toujours par être ramenée sur cette planète.
Ceux qui disent que les mots n’ont pas de poids sont des menteurs.
… Flic est sur moi, il creuse dans ma chair et c’est exactement comme on m’avait dit que ce serait, et je suis tellement triste que ça ait l’air si normal. C’est juste une nuit comme les autres, pas vrai?
(Albin Michel, p.142)
Les jours d’enterrement, c’est l’apogée de nos anciens nous, l’occasion d’organiser nos propres commémorations pour ceux qu’on n’a pas enterrés comme il le fallait.
Ça, c’était avant que j’apprenne que la vie n’a jamais besoin d’excuse pour faire ce genre de chose; parfois les pères disparaissent et parfois les petites filles ne survivent pas jusqu’à leur prochain anniversaire et les mères oublient d’être des mères.
C’est impossible d’oublier la voix de sa mère, même quand tous les autres souvenirs d’elle se sont désintégrés.
À l'intérieur, la chaleur tombe pesamment du plafond et c'est tout un autre genre de corps sur corps. Ici ils se déhanchent, et à la place de la joie il y a beaucoup trop de désir, exactement ce que maman dit qu'il faut éviter. Pourtant on veut tous quelque chose ; la plupart d'entre nous remplacent ce qu'ils veulent vraiment par de la chair, et ça fonctionne jusqu'au réveil, jusqu'au moment où le miroir nous renvoie une image floue de souvenirs entremêlés qui nous prennent à la gorge.
Un amour bien orchestré est presque plus précieux qu’un coup de foudre; c’est tellement plus difficile de renoncer à quelque chose qu’on a mis si longtemps à construire.