Avec d'autres
des alentours
avec d'autres
quelques rares
j'ai au toit de ma case
jusqu'ici gardé
l'ancestrale foi conique
Et l'arrogance automatique
des masques
des masques de chaux vive
jamais n'est parvenue à rien enlever jamais
d'un passé plus hideux
debout
aux quatre angles de ma vie
Et mon visage brille aux horreurs du passé
et mon rire effroyable est fait pour repousser le spectre des lévriers traquant le [marronnage
et ma voix qui pour eux chante
est douce à ravir
l'âme triste de leur por-
no-
gra-
phie
Et veille mon cœur
et mon rêve qui se nourrit du bruit de leur
dé-
gé-
né-
rescence
est plus forte que leurs gourdins d'immondices
brandis
J'ai l'impression d'être ridicule
dans leurs souliers
dans leurs smoking
dans leur plastron
dans leur faux-col
dans leur monocle
dans leur melon
J'ai l'impression d'être ridicule
avec mes orteils qui ne sont pas faits
pour transpirer du matin jusqu'au soir qui déshabille
avec l'emmaillotage qui m'affaiblit les membres
et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe
J'ai l'impression d'être ridicule
avec mon cou en cheminée d'usine
avec ces maux de tête qui cessent
chaque fois que je salue quelqu'un
J'ai l'impression d'être ridicule
dans leurs salons
dans leurs manières
dans leurs courbettes
dans leur multiple besoin de singeries
J'ai l'impression d'être ridicule
avec tout ce qu'ils racontent
jusqu'à ce qu'ils vous servent l'après-midi
un peu d'eau chaude
et des gâteaux enrhumés
J'ai l'impression d'être ridicule
avec les théories qu'ils assaisonnent
au goût de leurs besoins
de leurs passions
de leurs instincts ouverts la nuit
en forme de paillasson
J'ai l'impression d'être ridicule
parmi eux complice
parmi eux souteneur
parmi eux égorgeur
les mains effroyablement rouges
du sang de leur ci-vi-li-sa-tion
MALGRÉ LES SARCASMES DES UNS
malgré l'indulgence des autres
et au grand dam des uns
et au grand dam des autres
plaise à mon coeur
mis un instant à nu
d'afficher sur les murs et autres lieux de la ville
de crier à tue-tête sur les toits de la ville
à bas TOUT
vive RIEN
AVEC UN RIEN MÊME DE DÉDAIN
dans le regard ouvert de stupeur
la lune
jaune ronde et belle
semble dire à voix basse
En auront-ils bientôt fini les fous
de mitrailler le ciel
de s'en prendre aux étoiles
de tonner sans vergogne
contre ces nuits
où j'eusse aimé
dormir
dormir un seul
et long soûl
d'homme ivre
Mort au Cancre
au pou
mort au Chancre
au fou
et
sus au dévoyé
ont encore hurlé
ceux qui nombreux disent tous m'avoir à l'œil me regarder vivre
et ceux
ceux parlons-en
qui vagissent de rage et de honte
de naître aux Antilles
de naître en Guyane
de naître partout ailleurs qu'en bordure
de la Seine ou du Rhône
du Danube ou du Rhin
ou de la Volga
(...)
Ceux qui se refusent une âme
ceux qui se méprisent
ceux qui n'ont pour eux-mêmes et leurs proches
que honte et lâcheté
(...)
BLACK-LABEL À BOIRE
pour ne pas changer
Black-Label à boire
à quoi bon changer
Rendez-les moi mes poupées noires
qu’elles dissipent
l’image des catins blêmes
marchands d’amour qui s’en vont viennent
sur le boulevard de mon ennui
Rendez-les moi mes poupées noires
qu’elles dissipent
l’image sempiternelle
l’image hallucinante
des fantoches empilés féssus
dont le vent porte au nez
la misère miséricorde
Donnez-moi l’illusion que je n’aurai plus à contenter
le besoin étale
de miséricordes ronflant
sous l’inconscient dédain du monde
Rendez-les moi mes poupées noires
que je joue avec elles
les jeux naïfs de mon instinct
resté à l’ombre de ses lois
recouvrés mon courage
mon audace
redevenu moi-même
nouveau moi-même
de ce que Hier j’étais
hier
sans complexité
hier
quand est venue l’heure du déracinement
Le sauront-ils jamais cette rancune de mon coeur
A l’oeil de ma méfiance ouvert trop tard
ils ont cambriolé l’espace qui était le mien
la coutume
les jours
la vie
la chanson
le rythme
l’effort
le sentier
l’eau
la case
la terre enfumée grise
la sagesse
les mots
les palabres
les vieux
la cadence
les mains
la mesure
les mains
le piétinement
le sol
Rendez-les moi mes poupées noires
mes poupées noires
poupées noires
noires
noires"