Citations de Louis Garneray (19)
Ce dernier prétendait que les Français, ce qui au reste était assez vrai pour Surcouf, ne se battaient jamais que pour de l’argent, tandis que les Anglais, disait-il, ne combattaient que pour l’honneur et pour la gloire !
— Eh bien ! Qu’est-ce que cela prouve, lui répondit le Malouin, sinon une chose, que nous combattons chacun pour acquérir ce qui nous manque ?
Entre gens de mer, on le sait, la connaissance est bientôt faite.
De temps en temps nous étions chassés par des croiseurs anglais de haut bord, et il nous fallait prendre chasse devant eux ; ce qui humiliait un peu notre amour-propre national : nous nous consolions en songeant que notre métier était de combattre pour la fortune, non pour la gloire.
Au reste, la Confiance marchait d’une façon tellement supérieure, que nous éprouvions même dans notre fuite un certain sentiment d’orgueil en nous voyant éviter aussi facilement les Anglais ; l’idée du désappointement et de la colère que devait leur faire éprouver l’inutilité de leurs efforts chatouillait agréablement la haine que nous leur portions.
Aussi, je l’avoue, j’en suis à douter parfois de mon intelligence lorsque je vois les Anglais s’apitoyer sur le sort de l’émir Abd el-Kader, traité si royalement par la France dont il a tué les enfants ! Je me demande alors, en jetant un long et douloureux regard dans mon passé et en voyant se dresser devant moi tous ces affreux souvenirs de ma captivité, je me demande, dis-je, si je ne rêve pas, si ce sont bien les Anglais qui osent aujourd’hui nous accuser de cruauté par cela seul que nous retenons un tigre dans sa cage !… Le fait est qu’il y a parfois des impudences si grandioses qu’elles atteignent au sublime, et font douter aux gens de bon sens et de raison.
Le mari peut vendre sa femme et ses enfants quand bon lui semble ; quant à la femme, elle ne peut se défaire que de ses enfants ; son époux échappe à sa tendresse.
Un hourra salue cette heureuse réussite , car à présent que le combat est un fait décidé , inévitable, nos hommes ne songent plus à leures rêves, à leurs projet; ils ne pensent qu'à se montrer dignes de l'Hermite et à se venger sur les Anglais des malheurs de notre croisière.
"Si ça avait été des honnêtes gens, ils auraient commencé par se cogner avec moi, et nous nous serions expliqués proprement ensuite..." p 192
J’étais, quant à moi, quoique la vie nomade et aventureuse que j’avais menée jusqu’à ce jour m’eût donné assez d’assurance, fort embarrassé de ma contenance. Je m’informai de la place où je devais mettre mon hamac, et l’on me désigna, en ma qualité de nouveau venu, l’endroit le plus obscur et le moins aéré de la batterie.
Quelle affreuse impression je ressentis lorsque conduit, entre une haie de soldats, sur le pont, je me trouvai brutalement jeté au milieu de la misérable et hideuse population du Protée !
Après une traversée de dix semaines, le Ramillies entra dans la rade de Portsmouth. Le lendemain même, le 15 mai 1806, je fus transféré, avec une partie de mes compagnons d’infortune, sur le ponton le Protée.
Un ponton, personne ne l’ignore, est un vieux vaisseau démâté, à deux ou trois ponts, qui, retenu par des amarres, présente presque l’immobilité d’un édifice de pierre.
Je ressens encore l’impression pénible que me causa la première vue du Protée : ancré à la file de huit autres prisons flottantes, à l’entrée de la rivière de Portchester, sa masse noire et informe ressemblait assez, de loin, à un immense sarcophage.
Ah ! Comment qualifier une semblable conduite ! Quelles expressions employer pour flétrir une nation qui traitait nos intrépides marins et nos braves soldats, dont le seul crime consistait à avoir été trahis par les hasards de la guerre, comme jamais les infidèles ne traitèrent les chrétiens captifs, comme jamais la chiourme n’oserait agir envers les forçats !
Un maître met son esclave pour enjeu et le perd ; l’esclave prend la fuite ; le maître est tenu de le remplacer de sa propre personne.
L’adultère entre époux entraine la perte de la liberté pour le coupable et la victime. Le jeu conduit également à l’esclavage ; on voit tous les jours deux adversaires jouer l’un contre l’autre leur liberté.
On guette le soupirant jusqu’à ce qu’on le surprenne adressant une déclaration, et il devient esclave.
Tout plaideur qui perd un procès contre son égal devient esclave, non de ce dernier, mais du roi. Aussi les petits monarques de la côte sont-ils sans cesse à exciter, cela se conçoit aisément, leurs sujets à plaider les uns contre les autres : le gagnant obtient ordinairement de son souverain une mesure de liqueur, quelquefois moins encore.
Les malheureux qui tombent dans l’esclavage n’y sont pas conduits par le sort des batailles ; quelquefois, il est vrai, ce fait se présente, mais d’ordinaire ce sont mille causes diverses qui font perdre aux Africains leur liberté.
On se figure généralement en Europe que les Noirs se font la guerre entre eux afin seulement d’échanger leurs prisonniers contre la poudre, les armes, les miroirs et l'arack que leur apportent les négriers, ce qui est une grossière erreur.
[Un capitaine anglais] prétendait que les français, ce qui au reste était assez vrai pour Surcouf, ne se battaient jamais que pour l'argent, tandis que les anglais, disait-il, ne combattaient que pour l'honneur et pour la gloire !
- Eh bien ! qu'est ce que cela prouve, lui répondit [Surcouf], sinon une chose, que nous combattons chacun pour acquérir ce qui nous manque ! (p.16)
Vingt fois des vagues énormes et irrésistibles nous rapprochèrent à une si petite distance de l'ennemi que nous crûmes à un abordage