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Citations de Louise Glück (195)


Louise Glück
"Paysage aborigène" de Louise Glück traduction de Cécile Holdban et Thierry Gillyboeuf

Tu marches sur ton père, me dit ma mère,
et de fait, je me trouvais exactement au centre d’un tapis d’herbe, si bien tondue que cela aurait pu être la tombe de mon père,
bien qu’aucune stèle ne vienne le confirmer.
Tu marches sur ton père, répéta-t-elle,
plus fort cette fois, ce qui commençait à me paraître bizarre, car elle-même était morte; même le médecin l’avait admis.
Je fis un petit pas sur le côté, à l’endroit où s’arrêtait mon père et où commençait ma mère.
Le cimetière était silencieux.
Le vent soufflait dans les arbres ;
je pouvais entendre, très faiblement, à quelques rangées de là, des bruits de larmes,
et plus loin, un chien qui gémissait.
Ces bruits finirent par s’estomper. Il me vint à l’esprit
que je n’avais pas le souvenir d’avoir été amenée ici,
à ce qui ressemblait désormais à un cimetière,
bien que cela puisse n’être un cimetière que dans ma tête ; c’était peut-être un parc,
ou bien, si ce n’était pas un parc,
un jardin ou une tonnelle, exhalant, réalisai-je à présent, l’arôme des roses — la douceur de vivre remplissait l’air,
la douceur de vivre, comme on dit.
A un moment, je me suis aperçue que j’étais seule.
Où étaient partis les autres,
mes cousins et ma sœur, Caitlin et Abigail ?
A présent, la lumière déclinait.
Où était la voiture qui attendait de nous ramener chez nous ?
Je commençai à chercher une solution.
Je sentais l’impatience me gagner, confinant, je dirais, à l’angoisse.
Finalement, au loin, j’aperçus un petit train,
à l’arrêt semblait-il, derrière le feuillage,
le conducteur appuyé, désœuvré, contre le chambranle d’une porte, fumait une cigarette.
Ne m’oubliez pas, criai-je en courant à travers tous ces parterres,
tous ces pères et toutes ces mères…
Ne m’oubliez pas, criai-je, quand j’arrivai près de lui.
Madame me dit-il en montrant les rails,
vous voyez bien que c’est la fin,
les rails ne vont pas plus loin.
Ses paroles étaient dures mais ses yeux étaient bons :
cela m’encouragea à défendre mon cas bec et ongles.
Mais ils vont dans l’autre sens, dis-je,
(et je remarquai qu’ils étaient solides,
comme s’ils devaient effectuer encore de nombreux retours.)
Vous savez, dit-il, notre travail est difficile :
nous sommes confrontés à tant de chagrins et de désillusions.
Il me regardait avec de plus en plus de franchise.
J’étais comme vous autrefois, ajouta-t-il,
j’aimais l’agitation.
Désormais je parlais à un vieil ami :
Et toi, dis-je, car il était libre de partir,
tu ne souhaites pas rentrer chez toi,
revoir la ville ?
C’est chez moi ici, dit-il.
La ville – la ville c’est là où je disparais.
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PRESQUE ISLE

Dans chaque vie, il arrive un instant ou deux,
Dans chaque vie, une chambre quelque part, à la mer ou à la
la montagne.

Sur la table, un plateau d'abricots. Des noyaux dans un
cendrier blanc.

Comme toutes les images, celles-ci étaient les conditions
d'un pacte :
sur ta joue, tremblement de la lumière du jour,
mon doigt pressant tes lèvres.
Les murs bleu-blanc ; la peinture du petit secrétaire.
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C’est terrible d’être seul. Je ne veux pas dire de vivre seul — être seul, où personne ne peut t’entendre.
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Enfin la nuit m'enveloppait;
je flottais dessus, peut-être dedans,
ou elle me portait comme une rivière porte
un bateau, et en même temps
elle tourbillonnait au-dessus de moi,
parsemée d'étoiles mais néanmoins obscure.

C'était pour des moments comme celui-là que je vivais.
Je sentais que j'étais mystérieusement soulevée au-dessus du monde
de telle sorte que l'action était enfin impossible
ce qui rendait la pensée non seulement possible mais sans limites.
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Quand j’étais enfant, je souffrais d’insomnie.
Pendant les nuits d’été, mes parents me permettaient de m’asseoir au bord du lac ;
je prenais le chien avec moi comme compagnon.
Ai-je dit « souffrais » ? C’est la façon qu’avaient mes parents d’expliquer
les goûts qui leur paraissaient
inexplicables : « souffrais » était toujours mieux que « préférais vivre avec le chien ».
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Au bout de ma douleur
il y avait une porte.
Écoute-moi bien : ce que tu appelles la mort,
je m’en souviens.
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Le soleil peine à me toucher.
Parfois je le vois au début du printemps, s'élevant à
l'horizon lointain.
Puis, des feuilles s'y accumulent et le dissimulent
complètement. Je le sens
étinceler à travers le feuillage, erratique,
le bruit métallique d'une cuillère que l'on frappe sur la
paroi d'un verre.
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Plus que tu ne m'aimes, très probablement
tu aimes les bêtes des champs, voire
probablement, le champ lui-même, en août tacheté
de chicorée sauvage et d'aster:
je sais. Je me suis comparée
à ces fleurs, leur gamme de sentiments,
tellement plus réduite et sans complications

More than you love me, very possibly
you love the beasts of the field, even ,
possibly, the field itself, in August dotted
with wild chicory and aster:
I know. I have compared myself
to those flowers, their range of feeling,
so much smaller and without issue
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I think here I will leave you. It has come to seem
there is no perfect ending.
Indeed, there are infinite endings.
Or perhaps, once one begins,
there are only endings.

Je crois qu'ici je vais vous laisser. Il est devenu probable
qu'il n'y a pas de fin parfaite.
En effet, il y a des fins infinies.
Ou peut-être, lorsqu'on commence,
n'y a-t-il que des fins.
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L’IRIS SAUVAGE



Au bout de ma douleur
il y avait une porte.

Écoute-moi bien : ce que tu appelles la mort,
je m’en souviens.

En haut, des bruits, le bruissement des branches de pin.
Puis plus rien. Le soleil pâle
vacilla sur la surface sèche.

C’est une chose terrible que de survivre
comme conscience
enterrée dans la terre sombre.

Puis ce fut terminé : ce que tu crains, être
une âme et incapable
de parler prenant brutalement fin, la terre raide
pliant un peu. Et ce que je crus être
des oiseaux sautillant dans les petits arbustes.

Toi qui ne te souviens pas
du passage depuis l’autre monde,
je te dis que je pus de nouveau parler : tout ce qui
revient de l’oubli revient
pour trouver voix :

du centre de ma vie surgit
une grande fontaine, ombres
bleu foncé sur eau marine azurée.

p.25

/ traduction de l’anglais (états unis) par Marie Olivier
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CIEL ET TERRE
Là où l’un s’arrête, l’autre commence.
Au-dessus, une bande de bleu, en dessous,
une bande de vert et d’or, de vert et de rose profond.
John se tient au bord de l’horizon : il veut
les deux à la fois, il veut
tout à la fois.
Les extrêmes, c’est facile. Il n’y a
que le milieu qui soit un problème. Le milieu de l’été –
tout est possible.
En d’autres termes : jamais plus la vie n’aura de fin.
Comment puis-je laisser mon mari
planté là, dans le jardin,
à rêver ce genre de choses, tenant
victorieusement son râteau et
s’apprêtant à annoncer cette découverte
alors que le feu du soleil estival
s’obstine à rester au point mort,
entièrement contenu par
les érables en feu
au bord du jardin.
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Le grand avantage
est de ne pas avoir
d’esprit. Des sentiments ?
Oh, ça, j’en ai ; ce sont eux
qui me gouvernent. J’ai
un seigneur au paradis
appelé le soleil, et je m’ouvre
à lui, lui montrant
le feu de mon propre cœur, feu
semblable à sa présence.
Que pourrait être une telle gloire
si ce n’est un cœur ? Oh, mes frères et sœurs,
avez-vous un jour été comme moi, il y a longtemps,
avant que vous ne soyez humains ? Vous êtes-
vous permis
de vous ouvrir une fois seulement, vous qui ne
vous ouvrirez jamais plus ? Car en vérité,
je parle là
de la même façon que vous. C’est parce que
je suis détruit que
je parle.
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Comme le jardin est calme ;
aucune brise n’agite le cornouiller sauvage.
L’été est arrivé.
 
Comme c’est calme
maintenant que la vie a triomphé. Les rudes
 
piliers des sycomores
soutiennent les immobiles
étagères du feuillage,
 
en dessous la pelouse
luxuriante, iridescente –
 
Et au milieu du ciel,
le dieu arrogant.

Les choses sont, dit-il. Elles sont, elles ne changent pas ;
la réponse ne change pas.
 
Comme elle est calme, la scène
et le public aussi ; on dirait
que respirer est une intrusion.
 
Il doit être très proche,
l’herbe n’a pas d’ombre.
 
Comme c’est calme, comme c’est silencieux,
comme un après-midi à Pompéi.

(Un jardin d'été)
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Au-dessus du monde immobile, un oiseau solitaire appelle à son réveil parmi les branches ébène.

Over the still world, a bird calls waking solitary among black boughs.
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Moisson

Cela me peine de penser à vous au passé -

Regardez-vous, aveuglement attachés à la terre
comme aux vignes du paradis
tandis que les champs s'embrassent autour de vous -

Ah, mes petits, comme vous manquiez de subtilité :
c'est à la fois le don et la tourmente.

Si ce que vous craignez dans la mort
est d'être punis, alors vous ne devez
craindre la mort :

combien de fois dois-je détruire ma propre création
pour vous apprendre
que c'est ceci, votre punition :

par un seul geste je vous ai installés
dans le temps et au paradis.
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The great thing
is not having
a mind. Feelings :
oh, I have those ; they
govern me. I have
a lord in heaven
called the sun, and open
for him, showing him
the fire of my own heart, fire
like his presence.
What could such glory be
if not a heart ? Oh my brothers and sisters,
were you like me once, long ago,
before you were human ? Did you
permit yourselves
to open once, who would never
open again ? Because in truth
I am speaking now
the way you do, I speak
because I am shattered.

The Red Poppy




Le grand avantage
est de ne pas avoir
d’esprit. Des sentiments ?
Oh, ça, j’en ai ; ce sont eux
qui me gouvernent. J’ai
un seigneur au paradis
appelé le soleil, et je m’ouvre
à lui, lui montrant
le feu de mon propre cœur, feu
semblable à sa présence.
Que pourrait être une telle gloire
si ce n’est un cœur ? Oh, mes frères et sœurs,
avez-vous un jour été comme moi, il y a longtemps,
avant que vous ne soyez humains ? Vous êtes
vous permis
de vous ouvrir une fois seulement, vous qui ne
vous ouvrirez jamais plus ? Car en vérité,
je parle là
de la même façon que vous. C’est parce que
je suis détruit que
je parle.

Le coquelicot rouge

(Traduction de Marie Olivier)
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Selon Noah, c'est une faute typique des dépressifs, s'identifier à un arbre alors que les cœurs joyeux virevoltent dans le jardin telles des feuilles mortes, , image d'une partie, pas d'un tout.
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VENT FAIBLE
 
Lorsque je vous ai créés, je vous aimais.
Désormais, je vous plains.
 
Je vous ai donné tout ce dont vous aviez besoin :
un lit de terre, une couverture d’air bleu –
 
Alors que je m’éloigne de vous peu à peu
je vous vois plus clairement.
Vos âmes devraient être immenses désormais,
pas ces
petites choses parlantes –
 
Je vous ai donné tous les dons,
le bleu des matins de printemps,
du temps que vous n’avez pas su utiliser –
vous vouliez plus, seul don
réservé à une autre créature.
 
Peu importe ce que vous espériez,
vous ne vous retrouverez pas dans le jardin,
parmi les plantes qui poussent.
Votre vie n’est pas circulaire comme la leur :
 
votre vie est semblable au vol de l’oiseau
qui commence et s’achève dans la stase –
qui commence et s’achève, et dont la forme fait écho
à l’arc se déployant du bouleau blanc
jusqu’au pommier.
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VÊPRES



Je ne me demande plus où tu te trouves.
Tu es dans le jardin ; tu es où se trouve John,
dans la poussière, abstraite, tenant sa truelle verte.
Voici comment il jardine : quinze minutes d’effort intense,
quinze minutes de contemplation extatique. Parfois
je travaille à ses côtés, à gratter dans l’ombre,
à désherber, à éclaircir les laitues ; parfois j’observe
depuis le porche vers le haut du jardin, jusqu’à ce que
        le coucher du soleil
transforme les premiers lys en candélabres : et pendant tout

        ce temps,
la paix ne le quitte jamais. Mais ça s’élance en moi,
pas comme le feu nourri que la fleur brandit
mais comme une lumière ardente à travers l’arbre nu.

/Traduction de l’anglais (États-Unis) par Marie Olivier.
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Hier,
la lune s’est levée sur la terre humide en bas du jardin.
À présent, la terre scintille à l’image de la lune,
comme une matière morte incrustée de lumière.
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