Citations de Louise Tremblay D`Essiambre (537)
Le chant des oiseaux avait envahi tout l’espace sonore, sur fond de feuillage délicatement secoué par la brise.
Tout le monde autour d’elle (…) semblait avoir trouvé une raison particulière susceptible d’attiser ses inquiétudes. Et Dieu sait que Bernadette avait une prédisposition naturelle aux inquiétudes en tout genre !
La seule chose qui pourra faire en sorte que tu puisses dire un jour que tu as réussi ta vie, c’est si tu as rendu les gens heureux autour de toi. Les qualités de cœur valent bien plus que toutes les belles maisons et les beaux jardins du monde.
Sa mère avait la fibre maternelle plutôt sensible à l’inquiétude (…)
(...) la vie serait bien moins difficile maintenant qu'elle avait une télévision. Fini les longues soirées solitaires.
La patience d'Évangeline n'avait jamais pu revendiquer le terme de "vertu".
-- J'ai passé ma vie à m'ennuyer. C'est très long, une vie à ne rien faire. J'ai beau aimer la lecture, les casse-tête et les mots croisés, il arrive que même ça ne suffise pas. Tu vois, ce qui m'a le plus manqué, c'est d'avoir des défis à relever. D'être libre d'aller et venir à ma guise. Libre de travailler, aussi. Personne ne peut savoir ce que c'est que de dépendre des autres pour le moindre besoin.
-- Les enfants sont l'essentiel de ma vie, disait-elle régulièrement quand ils avaient l'occasion de parler en tête-à-tête. Ils devraient être l'essentiel de tous les parents qui ont un peu de cœur.
-- Ce que je vois, c’est que j’aime les études. En fait, je pense que je pourrais étudier toute ma vie sans que ça me dérange. J’aime ça apprendre. J’aime ça avoir à me forcer pour mériter de bonnes notes.
Estelle avait vieilli avec noblesse. Les rides creusées par l’âge et la souffrance n’avaient pas déparé le visage régulier, et les mains étaient toujours aussi fines.
On a le ressentiment tenace dans ma famille, tu sauras, ben tenace. Ça va avec le caractère, je pense ! Regarde-moé ! Pas question de pardonner à Arthémise, même pour une terre en bois deboute, même si a’ l’était sur son lit de mort pis que son ciel dépendait de mon pardon à moé !
Un silence fin comme une dentelle succéda aux paroles de Bernadette.
Les chars, constata-t-elle à mi-voix, c’est comme les robes. On dirait qu’y a quèqu’un de malfaisant qui s’amuse à changer la mode chaque année juste pour nous donner envie de dépenser. Ça devrait être interdit, des affaires de même…
Elle imaginait déjà Laura avec la grande robe des finissants et le drôle de chapeau carré sur sa tête (…) Oui, elle aimerait bien qu’au moins un de ses petits-enfants fasse de grandes études. Ce serait sa revanche à elle sur l’injustice qui faisait qu’elle ne savait pas mieux lire ou écrire.
Le cœur d’Évangéline cogna un grand coup de contentement et elle se mit à battre la mesure du bout du pied. Dieu qu’elle aimait la musique !
Les arbres étaient fouettés par le vent et la pluie tombait à grosses gouttes, en diagonale, comme des larmes de colère zébrant le paysage…
--Quand je disais, Bernadette, que ça serait pas une bonne affaire, c’te voyage-là ! Regardes-y l’allure, astheure. Habillée comme une fille de Westmount, a ‘veut manger plein d’affaires qu’on connaît pas, a’ voudrait qu’on lise des livres au lieu de regarder la tivi… Calvaire ! A’ parle même pus comme nous autres !
Comment se faisait-il, s’il était un homme, comment se faisait-il qu’il n’ait pas grandi? Pour lui, devenir un homme, c’était regarder son père droit dans les yeux sans avoir à lever la tête.
Ce petit bout de deux ans faisait naître chez elle des émotions jusqu’à maintenant inconnues. La femme qui n’avait pas eu le temps d’être mère avec ses propres fils reprenait le temps perdu avec son petit-fils.
Dès qu’elle déposa le fer, un soupir de vapeur sentant bon le savon à lessive lui monta jusqu’au visage.
Bernadette esquissa un sourire de contentement.
C’était à cause d’odeurs comme celle qui lui chatouillait les narines en ce moment qu’elle aimait sa vie. L’odeur de la lessive, d’un bouilli de légumes, du savon de bébé, de la terre humide, étaient autant de références qu’elle associait au bonheur, au confort, à la sécurité.