Ludovic Bouquin

- Je doute toujours de ce que je vois, c'est une accusation très grave. J'attends, impuissante, que le pire arrive et je ne me trompe pas jamais.

Une tension palpables régnait dans le hall d'entrée. Une dizaines d'hommes, en costumes sombres, se saluaient, présentaient leurs cartes tricolores en investissant le perron de la SDLC. Certains avaient l'air de cow-boys modernes, ils n'hésitaient pas à laisser entrevoir leur arme de service, bien rangée dans un fourreau sous leur veste.

"La période hivernale s’achevait et avec la faible fréquentation du restaurant. Il s’agissait de leur première affaire. Un restaurant niché au bord du lac de Cazaux à quelques kilomètres d’Arcachon. C’était la seule affaire que Ludmilla et Maxime avaient pu s’offrir avec leur budget. Si la fréquentation de l’établissement était conséquente l’été, depuis octobre ils n’avaient pu compter que sur la clientèle de la base militaire voisine ou des habitués. Ils guettaient le retour de la saison avec impatience."

"L’appartement de Cyril Lasserre et son épouse, ressemblait au logement des jeunes cadres qui démarraient dans la vie professionnelle. Un mélange de mobilier contemporain, de bonnes factures et de meubles Ikéa. Leur garçon courait sans relâche de sa chambre au salon et avait de l’énergie à revendre. Le foyer ne comptait pas moins de trois ordinateurs."

Elle ignorait où ils avaient prévu d’aller dîner, mais ce n’était pas dans ses habitudes de prendre l’apéritif au Splendid. Le complexe art déco situé en plein cœur de Dax, un chef-d’œuvre architectural, proposait en plus de ses chambres d’hôtel et de son spa, un restaurant, il était possible de s’y arrêter pour boire un verre, mais les tarifs pratiqués étaient prohibitifs pour son salaire à l’hôpital. Florence n’avait jamais eu l’occasion d’y dîner. Pour ses quatre camarades, tous Landais, le lieu de rendez-vous était surprenant. Ils connaissaient bien la ville, elle avait changé en dix ans, mais les valeurs sûres persistaient et il existait pléthores d’autres bars ou cafés agréables. Le choix du Splendid était curieux.

Le Crabe tambour connaissait son pic d’affluence le matin entre huit et neuf heures. Ce petit restaurant dans la commune de La Teste-de-Buch à l’entrée d’Arcachon accueillait chaque matin tout ce que le bassin comptait de pêcheurs professionnels, des capitaines à la plus jeune recrue embarquée sur un chalutier. Une fois le poisson déchargé à la criée, les équipages venaient se restaurer après un ou plusieurs jours passés en mer. La fréquentation des lieux et ce qu’on y servait, à l’exception de l’heure matinale, ressemblaient à un établissement bondé à l’heure du déjeuner. Stéphane y passait prendre un café régulièrement. Les patrons de pêche le connaissaient et il avait rendu service à un certain nombre d’entre eux. Par choix, il avait orienté son club de plongée vers la plongée profonde aux mélanges. Un pari risqué quand le Nitrox et le Trimix étaient devenus à la mode dans le microcosme de la plongée sous-marine. Ces mélanges permettaient aux plongeurs chevronnés de descendre plus bas, plus longtemps, en ne subissant pas les désagréments liés à la narcose, autrement appelée ivresse des profondeurs.

– Marie-Pierre a été arrêtée par la police vendredi matin. J’arrive de Bordeaux où elle est en garde à vue.
Une chape de plomb s’abattit sur la terrasse laissant tout le monde bouche bée. Ce fut Cyril qui posa la question en premier.
– Elle a été arrêtée pourquoi ?
– Elle est accusée de piratage informatique. Des dossiers concernant les armes nucléaires de dissuasion française ont été retrouvés dans sa machine au travail.

– Le CEA, au Barp, a été piraté. C’est grave, et ça touche à la sécurité nationale. Les services de renseignement ont besoin de nous pour le respect de la procédure. Ils ont exigé notre meilleur élément et notre ICC pour l’interpellation de l’auteur du délit. Vous partez tout de suite, c’est à Biscarosse.

Dans un moment, les possibilités de tracer le hacker seraient perdues. Il poussa un juron d’excitation, il le tenait. Comment quelqu’un d’aussi doué avait-il pu laisser des traces énormes ? Il éluda cette question pour le moment, après tout lui aussi était compétent. On ne s’attaquait pas impunément au CEA, il aurait le temps de réfléchir derrière les barreaux. Jean-Bernard avait au moins quelque chose à donner en pâture aux agents des services de renseignement qui n’allaient pas manquer de lui tomber sur le dos.

Elle franchit la baie vitrée de la cuisine au moment où sa grand-mère démoulait le dessert. Un caramel s’était formé au sommet de la couronne à la cuisson et se répandait sur les bords du gâteau. C’était son péché mignon, elle n’aurait échangé pour rien au monde ce délice réalisé, invariablement depuis des décennies, pour son plus grand plaisir.

On a prévu de dîner à Dax, mercredi soir, tu viens avec nous ? Tout le monde sera ravi de te revoir !
– D’accord. Tu me diras où, et à quelle heure ?
– Je t’appelle à l’hôpital mardi. Tu bosses toujours là-bas ?
– Oui. Génial.

– Bravo, quel style, tu as encore progressé.
Qu’est-ce qu’il foutait là ? Rouler en quad sur la plage était interdit. Il n’avait pas changé. Depuis combien de temps ne l’avait-elle pas vu ? Elle se rendit compte à cet instant qu’elle se retrouvait nue sous sa combinaison de surf devant son ex, ce qui même après sept ans, était troublant pour ne pas dire gênant. Ses cheveux blonds retombaient toujours sur ses épaules. Le visage mat et buriné de celui qui est habitué à vivre en plein air faisait ressortir ses yeux verts. Elle avait adoré ce regard. Il n’avait pas pris un gramme et son ventre plat se devinait sous son sweat à capuche.
– Merci. Et toi ? Tu reviens vivre dans le coin ?
– Non, non. Toujours mon club de plongée sur le bassin d’Arcachon. On est venu passer quelques jours avec toute la bande, toujours les mêmes, on reste jusqu’à la fin de la semaine prochaine et on rentre à Bordeaux. Un retour aux sources !

Elle doutait de rencontrer quelqu’un à cette heure matinale sur la centrale, il n’y avait qu’au mois d’août que la plage et ses abords étaient pris d’assaut à toute heure, de jour comme de nuit. L’océan Atlantique offrait à cet endroit une déferlante à gauche agréable à surfer. Sa préférence allait à la plage de la Lette blanche quelques kilomètres plus au nord, mais la plage serait déserte et elle n’avait pas profité de cette vague depuis longtemps.

La fonction horloge de son téléphone méritait chaque jour de la semaine d’être punie pour crime contre l’humanité. C’était ce qu’elle ressentait du lundi au vendredi quand l’alarme se déclenchait à 7 heures et sonnait jusqu’à ce que Florence pose le doigt sur l’écran de son smartphone sous un flot d’insultes variées.

Pour ses quatre camarades, tous Landais, le lieu de rendez-vous était surprenant. Ils connaissaient bien la ville, elle avait changé en dix ans, mais les valeurs sûres persistaient et il existait pléthores d’autres bars ou cafés agréables. Le choix du Splendid était curieux.

Le décor semblait tout droit sorti d’une ville fantôme telle qu’on la voit dans les westerns. Les rues étaient désertes, les devantures fermées derrière d’épais rideaux métalliques. La voie principale de Lacanau plongeait dans l’océan.

Maintenant, ils avaient un cadavre sur les bras, et le corps était encore chaud ! Le crime avait été commis tout récemment, et son auteur devait être encore là, quelque part. Pascal Nekka prit une grande inspiration. Il avait retrouvé son instinct d’enquêteur. C’était plus une intuition à ce stade, un retour aux fondamentaux ; il savait comment procéder.

« La découverte du monde dans lequel gravitait Muriel la terrorisait, elle n’avait jamais imaginé ça. Elle comprenait mieux son obstination à protéger sa vie privée à la limite de la paranoïa. Elle essayait de se remémorer les confidences qu’elle lui avait fait ce soir. Elle n’avait jamais connu sa mère et son père était décédé.