Citations de Lydia Perréal (42)
Dans la rue, lorsqu'une personne "normale" rentre de son boulot, sa démarche est rapide, sûre, elle sait où elle va. En revanche, quelqu'un qui n'a pas d'objectif, qui peut aller aussi bien à droite qu'à gauche parce que personne ne l'attend nulle part, cet homme ou cette femme-là marche différemment. Tout dans son allure dénote sa marginalité. la fatigue la fait se déplacer lentement, bien souvent en traînant les pieds. Les problèmes quotidiens pèsent sur ses épaules qui se courbent, la silhouette se casse, le visage est hâve et souvent les yeux sont baissés. Cela se détecte, se sent, et les prédateurs sont à l'affût pour lui proposer mille et une horreurs, qui vont de la drogue à la prostitution. (p.86-87)
C'est trois fois rien, un soleil, mais quand ça brille, ça fait chaud au cœur.
Il ne faut pas s'imaginer qu'un cœur se remplace comme une porte. Lorsqu'on a le cœur à nu, c'est plus facile de rentrer sans y être invité, pour lui faire du mal. Si l'on ne se protège pas, n'importe qui peut s'en emparer, le briser, alors que ses plaies ne sont pas encore refermées.
Comme s'il y avait une saison pour être SDF, nous on est à la mode en hiver. Mais quand on est sans-abri, la rue, c'est toute l'année. Douze mois sur douze. L'été aussi. Et l'été, c'est presque plus dur. Comme tout ferme, il faut vraiment se débrouiller seul. On est alors obligés d'accomplir ces gestes qui nous enfoncent d'avantage dans notre dèche parce que chaque fois on y laisse un peu de notre dignité : fouiller dans les poubelles, faire la manche.
Ce que j'ai vécu, je ne veux pas l'oublier. Ça fait partie de moi c'est mon histoire mais je ne veux pas vivre avec, non plus. Il faut que je la range dans un coin de ma mémoire, au chapitre des souvenirs.
Quand je pense à ceux qui sont à la rue depuis des années et qui restent propres, gardent une dignité, sans jamais céder à la tentation de la déchéance, du petit décrochage fatal, je me dis qu'il y en a qui font preuve d'un immense courage.
Quand un môme a un problème, il n'en parle pas parce qu'il a peur. La confiance ne s'accorde pas aussi facilement que cela. Et, s'il hésite à parler de ses malheurs avec l'éducateur, c'est qu'il ne voit en lui qu'un adulte, un étranger. Et une des premières choses que l'on apprend aux enfants, c'est se méfier des adultes.
Les enfants - pauvres ou riches - ont toujours peur du noir.
Le temps passe, mais les souvenirs restent.
Quant aux vrais sourires, ceux qui réchauffent le cœur, ils sont rares, ou alors commandés par la pitié. Mais nous, ce n'est pas de pitié dont on a besoin, c'est d'amour tout simplement.
Être SDF, c'est devenu honteux. Ce qui dérange la société, c'est que nous sommes ses victimes. En nous, elle voit ses mauvaises notes, ses erreurs accumulées, son égoïsme, ses poubelles qu'elle ne sait pas où vider, les preuves vivantes de son échec.
On parcourt tous le même chemin, mais on ne s'arrête pas tous au même endroit. Les clochards, eux, vont jusqu'au bout. Ils abdiquent, baissent les bras et renoncent à eux-mêmes. Les galériens, en revanche, essaient de s'en sortir. Ça n'est pas une question de longueur de séjour à la rue, c'est une question de résistance et de volonté. Il a des clochards qui le deviennent en trois mois, il y a des galériens qui tiennent dix ans.
On ne devient pas SDF par hasard. C'est faux de croire qu'il suffit d'être cocu ou chômeur pour se retrouver à la rue. SDF, c'est un aboutissement, et ça a commencé dans nos têtes, il y a très longtemps.
Être SDF, c'est devenu honteux. Ce qui dérange la société, c'est que nous sommes ses victimes. En nous, elle voit ses mauvaises notes, ses erreurs accumulées, son égoïsme, ses poubelles qu'elle ne sait pas où vider, les preuves vivantes de son échec. Elle s'est trompée d'idéal. Choisir la rentabilité et la compétition, plutôt que l'épanouissement de l'être humain, c'est une course perdue d'avance ; cela revient à dire qu'il n'y a que les supermen qui peuvent trouver leur place. Que seuls les beaux, les riches, les jeunes et les intelligents peuvent désormais réussir.
Et l'été, c'est presque plus dur. Comme tout ferme, il faut vraiment se débrouiller seul. On est alors obligés d'accomplir ces gestes qui nous enfoncent davantage dans notre dèche parce que chaque fois on y laisse un peu de notre dignité : fouiller dans les poubelles, faire la manche. S'y habituer, c'est déjà renoncer à s'en sortir. C'est une évidence dont peu de gens se rendent compte. (p.80)
J'étais devenue un escargot de la rue, errant sans but, ma maison sur le dos. (p.72)
La journée, je courais partout comme un rat à la recherche d'un boulot. Il en faut du cran pour continuer à chercher. Parce que, faut pas se raconter des histoires, quand on est SDF, on n'intéresse pas grand monde. Sans adresse, la plupart des gens disent "non" tout de suite, et lorsqu'on est domicilié dans un foyer, c'est pareil, ils savent ce que ça veut dire. (p.63)
SDF. Ce mot, je l'ai reçu en pleine gueule, comme une décharge électrique. Je savais que cela voulait dire "Sans Domicile Fixe" mais dans ma tête, c'était pour les clochards, les marginaux, ceux qui vivent dehors, dans la misère et dans la crasse. Mais moi, Lydia Perréal, je n'étais pas comme eux. On était en train de m'assimiler à ces gens qui font la manche, se soulagent entre deux voitures, puent le mauvais vin et se saoulent pour oublier. (p.48)
Ce que je ne pouvais pas comprendre, c'est que je n'avais pas à exister pour mes parents ou pour les autres mais seulement pour moi-même. (p.5-6)
Seuls les beaux, les riches, les jeunes et les intelligents peuvent désormais réussir.