Citations de Lyes Louffok (18)
Qu'on te voie, qu'on te calcule, alors que, toi, tu veux disparaître, devenir invisible, réduire dans l'espace pour que le malheur ait moins prise. Mais ici, tout se voit, même toi. Tout de toi.
C'est plus facile d'aimer un enfant gentil avec des peluches mignonnes qu'un enfant blessé et trop mûr.
Personne n'est là pour leur expliquer que ce n'est pas un délit qui nous a amenés ici, mais le sort. Un délit du sort.
Oui, ça aussi, je connais, faire partie des cas particuliers parmi les cas particuliers, les pires parmi les pires.
Se débrouiller, seul. Grandir en sachant que la vie
m'attend avec un bâton et qu'elle me cognera le
museau dès qu'elle en aura l'occasion. C'est facile
de me toucher, je n'ai pas de refuge, aucune niche
où aller me mettre en boule.
Je suis né sans toit. Je dépends de l'État, de
cette république qui prône la liberté, l'égalité, la
fraternité à certains, mais l'inverse à d'autres.
Moins facile à placer, un enfant pas blanc et bancal.
Je ne suis pas là, pas assez, les médicaments ont bâti d'épaisses cloisons entre le monde et moi. Malgré tout, je suis assez présent pour entendre la saloperie, voir la misère, sentir les mains sur moi, toucher le fond renifler l'odeur de malchance.
Le silence, c'est l'hydre à l'haleine fétide, dont les têtes, à peine coupées, repoussent en se démultiplient, c'est le principal opposant du militant.
La petite histoire de la violence se répète à l'infini.
La palette de couleurs de la misère est riche. Ce qui n'arrange rien.
La mère est un fossé dans lequel on a enterré mon existence.
L'idée ici, est de faire peur aux autres. Je n'en suis pas capable. Résultat : c'est moi qui ai peur.
Le propre de l'enfant placé, c'est d'être déplacé sans cesse. Sa ligne de vie ressemble à un réseau ferroviaire complexe, aux rails dynamités sur des portions entières. Sur son parcours fait de ruptures, de provisoire, ce qu'il apprend c'est à faire et défaire ses bagages sans poser de questions, c'est à admettre les décisions que l'on prend pour lui.
Pour le militant, le temps traîne, parfois coule.
L'adulte sait ce qui est bien, bon, l'adulte sait ce qu'il faut faire ; le parent, qu'il soit violeur, dégénéré, colérique, totalement inapte, demeure le parent, celui dont l'État croit, dur comme fer, qu'il constitue nécessairement, a priori et in fine, la meilleure option pour l'enfant. Le sang prévaut, même quand il est carencé, troué ; le sang possède, même quand il est empoisonné, toxique.
Et quand, à dix-huit ans, elle les fout dehors, du jour au lendemain, arguant que ce ne sont plus des enfants à la date d'un anniversaire qu'ils ne fêtent souvent pas, ils ne sont pas grand chose. SDF, taulard, pute, dealer, après n'avoir rien eu. Depuis leur naissance.
On allait enfiler le temps, dérouler une journée de plus, dans le bain neutre de la plus tranquille normalité, celle des individus libres et insérés dans la société, ceux qui n'ont ni trop peur, ni trop mal, ni trop de peine à se lever pour nager dans cette direction sans questions : demain.
Mais la chance est un mot ivre, creux comme une promesse électorale.