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Citations de Maja Haderlap (16)


Autrefois, les mots me semblaient être accueillis par les sensations, désormais je m'encombre de tout ce pour quoi il n'y a pas de langue, et s'il y en a une, je ne sais pas l'employer.

(...)

Je songe à me retirer de l'enfance dont le toit s'est mis à fuir, je risque de couler avec elle.
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Entre l'histoire de l'Autriche telle qu'elle est proclamée et l'histoire effective s'étend un no man's land où il y a de quoi se perdre. (p.148)
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L'ange de l'oubli a dû oublier d'effacer de ma mémoire les traces du passé. Il m'a fait traverser une mer ou flottaient vestiges et fragments. Il a fait s'entrechoquer mes phrases avec des ruines et des débris charriés par les eaux pour qu'elles se blessent, pour qu'elles s'affûtent. Il a définitivement chassé l'image de l'angelot accrochée au-dessus de mon lit. Je ne le verrai pas, cet ange. Il restera sans forme. Il disparaîtra dans les livres. Il sera un récit.
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Pendant un instant je me suis sentie comme un enfant qui a couru pour échapper au temps, le temps qui, derrière moi, glisse comme un glacier invisible, lent et lourd, sur tout ce qui a jamais eu lieu, qui enfouit sous lui, broie et réduit en poudre tout ce qui semblait inamovible.
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Elle ne parle pas, elle ne mange pas. Les enfants s'occupent des bêtes et font la cuisine pour leur mère. Ils l'exhortent à se lever enfin, à devenir enfin une adulte, comme eux.
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Je crains que la mort ne se soit nichée en moi comme un petit bouton noir, un lichen dont la dentelle recouvre invisiblement ma peau.
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Je suis fichée dans l'enfance comme un pieu dans une cour où on le secoue tous les jours pour vérifier qu'il supporte bien les secousses.
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Dans les livres que je lis, les corps des gens restent intacts, ils montent au ciel avec un air de félicité ou sont rattrapés dans leur chute. Au contraire de cela, comme je m'en rends compte brusquement, dans nos vallées encaissées les corps ont toujours été anéantis, détruits pour mettre en garde ceux qui restent. Ici fait rage la dilapidation la plus hasardeuse, ici on jette la vie par les fenêtres, ici on abat les corps que c'en est à pleurer. (p.89)
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langue qui rêve


ma petite langue en rêve se
fait un pays où elle construit des nids de mots
pour essaimer par-delà les frontières
qui ne sont pas les siennes. elle veut
croître au-delà d'elle-même, glisser au loin
par les allées fantômes d'eau et de gaz,
plonger vers les fumeurs noirs,
être bâtie pour chaque phénomène
et ses ombres douteuses, chatoyante population
de mots coloniser les hommes,
qui la parlent et l'écrivent, déposer dans ses
pores des larves. ma langue
veut être débridée et grande, elle veut
quitter les angoisses qui la peuplent,
toutes les histoires, les sombres et les claires
où l'on s'enquiert de sa valeur
et de son poids. quand elle rêve seulement
elle s'élève, souple et légère,
au-dessus de sa manière, presque chant encore.


traduit de la langue allemande (Autriche) par Bernard Banoun, revue Place de la Sorbonne, n° 7
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Mon père renaît grâce au souvenir de la douleur passée si tant est qu'elle soit une douleur et pas une danse d'ombres enivrées. Il s'invente et se rejette compulsivement. Son état de tension ne se relâche que lorsqu'il a bu, quand son corps entre en léthargie et se désinhibe, là où les frontières se dissolvent, quand il se transforme en une masse molle à la dérive dans sa conscience. Alors seulement il arrive à respirer et à faire jaillir, à catapulter hors de lui ce qui s'y trouve emmêlé, agglutiné, pris dans la glace. Un homme-volcan.
L'angoisse, c'est elle la grande discordance, elle est la déchirure entre lui et nous. Elle forme en lui le noyau de survie qui n'admet aucune sensation à notre égard. Dès qu'il l'éprouve lui-même, il nous rejette. Sa vie semble se concentrer et s'intensifier dans les heures où l'alcool lui ôte sa réserve.
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Les souvenirs des habitants des vallées se rebiffent, se soulèvent, reprennent possession d'eux. Après la fin du nazisme, ils connaissaient encore leurs histoires, ils se racontaient ce qu'ils avaient vécu, ils se reconnaissaient dans la souffrance d'autrui. Puis était venue la peur de s'exclure à force de parler de ces histoires, d'être étranger dans un pays qui voulait entendre d'autres récits et considérait les leurs comme négligeables. Ils savent que leur passé n'apparaît pas dans les livres d'histoire autrichiens, et moins encore dans les livres d'histoire carinthiens, où l'histoire du Land commence à la fin de la Première Guerre mondiale, s'interrompt puis reprend à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ceux qui racontent le savent et ils ont appris à se taire.
Mais maintenant, ils extirpent le souvenir, ils le ressortent de leur sac, ils le laissent tomber comme par mégarde dans l'espoir qu'il sera ramassé par l'un des auditeurs. Il se pourrait que quelqu'un veuille en savoir davantage. Il serait temps.

Bien sûr, les questions ne sont pas posées avec insistance. Les questionneurs dont preuve de circonspection, comme s'ils voulaient éviter de fouiller dans d'anciennes blessures, comme s'ils avaient peur d'en apprendre trop, peut-être même sur leur propre famille. Bien vite, ceux qui s'apprêtent à raconter, ces quasi-narrateurs, sont envahis par leur vieille crainte de leurs récits utilisés contre eux ou contre d'autres, de voir réveillées de vieilles inimitiés, des amitiés trahies, ou de se rendre suspects d'une manière ou d'une autre.
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Aller en forêt, dans notre langue, cela ne veut pas seulement dire abattre des arbres, chasser ou ramasser des champignons. Cela signifie aussi, comme on l'entend souvent raconter, se cacher, fuit, tendre un piège. Dormir en forêt, y faire la cuisine, y manger, ce n'était pas réservé aux temps de paix, pendant la guerre aussi des hommes et des femmes étaient allés en forêt. Pas dans leur forêt à eux, non, elle eût été trop clairsemée, trop petite, trop limitée. C'est pour les grandes forêts qu'ils partaient. Tant de gens avaient cherché refuge dans les forêts, cet enfer où l'on chassait le gibier et où on les chassait comme du gibier.
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Et je serais avec lui ce dimanche là.
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(...) et dans ces moments il se dit qu'il préfère encore la pire des paix à la guerre, parce que dans une guerre, tout le monde devient fou et parce que dans une guerre il n'y pas de justice, jamais, dit Johi.
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La nuit d'hiver se dresse devant moi comme un tableau vivant où la lumière de la lune se fige et la couche de neige brillante se pétrifie. Puis, soudain, la couche de neige se met à bouger comme si elle portait une robe de plumes qui se soulève sans un souffle.
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La guerre est un sournois pêcheur d'hommes. Elle a jeté son filet vers les adultes et les retient captifs avec ses débris de mort, son bric-à-brac de mémoire. (p.75)
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