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Citations de Manuel Candré (27)


- "Des centaines de raies des sables tournoyaient autour de l’île, dans l’air saturé de silence, accompagnant la symphonie de sable et de roches.[…] nous vîmes l’île disparaître totalement dans un remous bouillonnant de verre pilé et entraîner dans son sillage un pan du réel, dessinant dans le ventre de l’horizon, ligne stable entre deux plans, une large écorchure sombre."
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Je crois pouvoir discerner parmi les voix des ensembles particuliers de voix reliées entre elles par un caractère (ou une propension) dominant. S’agissant des voix anthropophages, je peux dire qu’elles sont pourvues de dents pointues avec la sainte vocation d’arracher des bouts de tissus et de chairs à chaque saillie. Ces voix sont par nature les plus agressives et correspondent dans la nature aux grandes bêtes carnassières tel le loup. La conséquence finale de leurs attaques n’est pas de démoraliser ou d’effrayer ou que sais-je encore, mais de démanteler le corps et l’esprit ensemble reliés confondus fondus dans ce principe abstrait : l’être. Elles ont l’appétit de détruire en arrachant peau chair et os organes pensées adverses sentiments en propre. Elles ne sont pas invasives comme certains autres groupes de voix, elles ne véhiculent pas l’aspect de maladies ou d’inconfort ni ne conduisent au bord de la folie, ce qu’elles cherchent simplement, annihiler et aussi absorber, car ce que j’ai senti d’elles, c’est qu’elles se nourrissent de ma viande ou de mes fluides et, bien entendu, de mon caractère, dans le but de me réduire et elles grossir et grossir. Leurs attaques sont terribles, si vous comprenez le tableau tel que j’ai voulu vous en faire jour. Je les qualifie non seulement de carnassières anthropophages, et encore bien plus que cela, car je vois qu’elles recherchent d’amoindrir, voire de faire disparaître toute humanité en nous autres. Certains ont évoqué, à ce propos, la dignité, et je suis, moi, bien obligé d’employer un autre mot en rapport avec ce fait central qu’elles sont génocidaires. Une fois prochaine, peut-être, je parlerai de certains ensembles de voix, les murmurantes, les crissardes, les semeuses d’épouvante, etc., aussi les rigolotes car, pour minoritaires qu’elles furent, j’atteste de leur présence parmi nous. Les savantes. Les prédicatrices.
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(J’ai bien aussi d’autres goûts qui parfois noient ma bouche, mais ceux-là je ne suis pas trop pressé de les ramener au jour. Ce sont des goûts de clair-obscur et de mutisme servile, de domesticité sans joie, les chairs éteintes, dans ces impasses de ma mémoire, je me perçois en colosse. Je me vois œuvrant depuis le tout petit matin, dans le silence des gisants, un outil à la main, portant de lourdes charges, allant délivrer tel message qu’on me glisse entre les dents ou dans un coin du corps, pendant qu’autrement on prie et on mange. Je suis pris dans des rets invisibles qui font de moi, par le rayonnement de commandements magiques, l’automate docile, rapide malgré sa lenteur, appliqué et précis, diligent sitôt qu’on demande, je ne sens pas de limite à ma force. On pourrait faire de moi une terrible sentinelle si on le souhaite, un gardien sans ombre, prêt à écraser tout ce qui ferait figure d’ennemi. Je repose dans des caves ou des greniers, montagne allongée de muscles d’argile, toujours immobile même lorsqu’elle se meurt. Au coucher des autres, mon front obtus s’anime du désir d’obéir, je me redresse jusqu’à toucher le faîte, je monte ou descends des marches, je porte des seaux d’eau sale aussi, m’exerce à toutes sortes de choses qui sont nécessaires à faire, sans ressentir de fatigue, sans particulièrement d’entrain, toujours somnolent même lorsqu’on m’agit, j’ai des masses au bout des bras. Ces jours-là me parlent comme un long crépuscule où, dégagé de toute hésitation, je ne parviens jamais à l’aube d’une mobilité que je convoite pas. Les galaxies dont on a fait mon corps sont mortes ou très anciennes. Pas de feu en moi, pas de danse, ainsi opère la magie du commandeur. Lorsque la nuit tombe sur la nuit, je range mes outils, je rejoins mon sol puis, malléable et éteint, je glisse dans l’inertie profonde des gouffres. Là, au cœur d’un repos sans vie, je ne rêve pas que je brise des chaînes, je ne rêve pas que le brouillard se lève dans ma bouche, ni d’étoiles brûlantes sur mon front, je repose comme des continents engloutis.)
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Je me mis à parler aux murs pour distraire l’anxiété qui est l’ombre de la tristesse qui s’enivre d’elle-même. Pour ne pas sombrer totalement, je m’efforçai d’atteindre un motif à chaque heure passant sur moi son pilon. Mais le plus souvent ce stratagème échouait tant il est vrai que la volonté ne s’aurait s’armer que sur le solide rocher d’un dessein supérieur. D’où que je demeurai cloué au lit, tourné d’un côté, pesant sur un seul flanc qu’on ne saurait soulager le regard fixe à crier muettement au secours de moi. Je sentais constamment peser sur mes épaules le lourd couvercle de la fin qui ne viendrait jamais à ma rescousse. C’est ainsi que les choses allaient des heures durant, me portant tout doucement vers la nuit qui ne m’apportait rien de soulageant et au contraire les frayeurs qui l’accompagnent partout où elle se couche sur nous-autres, et que dire de la peur quand elle se conjugue avec la catatonie.
Plusieurs semaines de ce régime-là m’apportèrent des pouvoirs dont je ne sus que faire. Les voix, la capacité à chuter à l’infini sans me lever de ma paillasse, des visions de chiffres codant l’univers, une hyper-sensibilité olfactive qui me fit sentir l’odeur de fauves tapis dans des jungles humides, et plus que tout j’accédai à certaines informations sur le règne des treize, mais de ceci je ne suis pas autorisé à parler. Je me mis aussi volontiers à chanter en yiddish quand on voulut bien débloquer certaines parties de mon corps à ce savoir populaire, ce qui me procurait au moins le soulagement d’expulser. Il s’ensuivit de toute cette période des attaques fréquentes de paralysie générale du corps et de toutes les constituantes de ma personne, ainsi, peut-être ai-je évoqué ce point auparavant, que des compulsions intérieures à penser continûment.
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À cela s’ajoute ceci que j’ai constaté et que je trouve extravagant :
J’ai sur le corps une constellation. J’ai la peau. piquetée. de points sombres comme des étoiles mortes, qui ne transmettent plus qu’une lumière froide et de plus en plus à mesure (de l’écoulement) du temps. Allongé sur les draps entortillés, découvrant des pans de peau nue, pâlie, je fais le compte méthodique des astres qui me composent, m’alourdissant par endroits, dessinant dans ce morceau neuf d’univers une figure cryptique du savoir, connaissance cachée par moi révélée. Ainsi, prenant la nuit pour couverture, je m’efforce de pénétrer les secrets logés au cœur de la constellation que je baptise, puisqu’elle est mienne, constellation du pou. J’arpente d’immenses corridors formés par les étoiles qui, là, tournent sur le dedans, là, plongent vers un soleil oublié, le plus gros de tous, ailleurs et c’est un chant pulsé par la vibration chromatique de millions d’objets stellaires, suspendant mon cœur comme on pose une lune en orbite de l’être absent. Seul à danser. Je parcours seul mon royaume sans âme, qui de personne ne résonne, plié en mille dans l’espace infinitésimal d’un feuillet papier, je cours. Pris par surprise de l’immensité qui se tord sur la peau, la faisant advenir comme une broussaille éprise de feu. Ses points sombres luisent comme des bourgeons terminaux, m’invitent à m’y poser, chacune d’entre nous, connais-nous, car nous sommes tes mondes.
J’ai sur le corps une constellation. D’astres perdus dans leur course folle, d’étoiles orphelines prises dans l’indécision d’un univers sans lois, aucun objet pour en attirer d’autres, aucune courbe réglée, ni danse commune, les soleils y sont morts. Dans cette chambre de chair où le froid n’est jamais compensé, je flotte parmi elles, les voix, au gré des rares courants de lumière émis par on ne sait quelle roche en fusion et pour combien de temps. J’erre pour ainsi dire, porté par des vents solaires morts depuis des millions d’années. Dehors, le coq chante les quatre heures dans la nuit encore profonde, je m’agite un peu, les bras collés aux flancs se déplient, je passe la tête hors du drap de conjuration, ma respiration se projette aussitôt en amas de vapeur dans la chambre gelée.
(Ainsi je ressentais mon jour et ma nuit comme un unique plan délétère d’où véridisme et fantaisie cheminaient tels des astres malades.)
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Alors, cette question finit par surgir : Les voix que nous entendions, provenaient-elles des morts ou des vivants.
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Si je pouvais retourner au jour du début, celui qui vit surgir la première ombre, je tenterai une bataille, quelque chose, un refus, j'entamerai une discussion avec elle émergeant, je dirai non, tu n'es pas la bienvenue, jamais tu ne deviendras une vieille amie, une compagne de tous les jours, ni toi ni celles qui sont comme toi, je ne te permettrai pas d'imposer ta danse sur les remparts de mon existence, je ne t'offrirai pas le monde pour qu'il devienne ta propriété, vous les bourreaux, toi particulièrement, dit-il en me regardant.
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Il n'est plus temps toutefois de s'épancher sur mon propre cas, compte tenu de la tournure dramatique des évènements (j'attire ici votre attention sur ce fait cocasse en apparence que d'avènement précisément il n'y eut point), sachez simplement qu'une suite de mots compose un nuage de sens autour de ces détails, tels que : excès dramaturgique, où on comprend que le narrateur est très farfelu, le service hum-hum de l'hôpital Saint-Joseph, pollutions de mes nuits, pour une perception différence de ce que peuvent être, en réalité, les voix, carnaval et sacrifices, le docteur Schumpeter a des principes, enfance du narrateur, elle, sa voix à elle, son unique voix, etc.
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Les démarches qui se trouvaient orphelines peinaient à ne pas vaciller, vacillaient, les étoffes couvrant les corps déchirées jusqu'aux pieds nus formaient des haillons qui n'avaient rien de suaires ni de linceuls, ça valsait sans bruit aucun, ce peuple hagard auquel on venait de retirer le poison d'un espoir, il ne savait plus vivre, ça les avait disjoints.
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Puis nous passâmes aux voix elles-mêmes et au degré de leur réalité, là-dessus nous nous empoignâmes vertement, ce qu'elles disaient, le rythme de leurs intrusions, leur présence hors ou dans le vestibule de l'ouïe, et aussi y avait-il des bruits connexes comme ceux cliquetant dans la tête, corne, trompes, pleurs, appels au secours, vociférations, injures et chuchotements, injonctions, menaces, rires démoniaques, tintements, bruits de chaînes qu'on tire au sol, comme ceux de clochettes ou de raclements, soupirs, etc.
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Lorsque je lui demandai si Dieu nous connaissait, il me demanda si je pensais connaître chacune des parties qui peuplaient mon corps, avais-je seulement une idée des combats livrés par l'ensemble de ces entités pour que je puisse me vanter du fait remarquable que j'étais vivant, ce qui n'était plus le cas, mais je n'insistai pas (j'ai parlé trop tôt, vous verrez qu'on apprend ça plus tard en réalité, ce fait remarquable que j'ai trépassé.)
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Le phénomène survenait fréquemment lorsque tous ensemble nous assistions aux scènes légendaires et historiques qui nous étaient données par l'armée des halos. Puis à la fin de la représentation, cela se dissipait totalement. Toutes ces nuits à l'humeur plus douce, tandis que ma chambrée s'emplissait de balles de vapeurs qui bientôt prendraient vie sus l'effet d'un prodigieux procédé, ce furent par centaines que se déversaient sur moi, me douchant à leur manière, les voix à forme des petits hommes, sur ma tête et mes épaules, je ruisselais d'elles. Ensemble, nous étions devenus si friands des scènes légendaires à venir.
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Elles ont l'appétit de détruire en arrachant peau chair et os organes pensées adverses sentiments en propres. Elles ne sont pas invasives comme certains autres groupes de voix, elles ne véhiculent pas l'aspect de maladies ou d'inconfort ni ne conduisent au bord de la folie, ce qu'elles cherchent simplement, annihiler et aussi absorber, car ce que j'ai senti d'elles, c'est qu'elles se nourrissent de ma viande ou de mes fluides et, bien entendu de mon caractère, dans le but de me réduire et elles grossir et grossir.
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Ce qui a été dit à propos de ma solitude de tout temps, je ne peux l'affirmer moi-même puisque je suis plongé dans l'amnésie de mes années passées. Ce phénomène, pour incommode qu'il soit, est rendu plus inconfortable encore suite à ce qui m'arrive et que je vous ai raconté sur les convulsions temporelles. On pourrait donc raconter toutes sortes de choses sur mon compte, je n'aurais pas les moyens de m'en défendre. Pour ce que j'en vis présentement, l'évidence prétendra que je suis inapte à la vie en société puisque je flotte entre plusieurs couches de réalités altérées, sans personne avec qui prendre langue, coincé ici entre des murs qui boivent toujours plus d'eau et un matelas trempé, soumis aux voix.
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J'envisageai par la suite une variante de volonté au sujet des voix, une odyssée consistant à dégager puis à tenir fermement un sens au milieu du chaos des objets intérieurs. Mais, à cela aussi, j'échouai. J'ajoute que, parmi les voix, certaines venaient pleines de chiffres. Ne possédant aucune clef de chiffrement, je ne fus jamais en mesure de les faire parler. J'étais devenu le siège de toutes les confusions.
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J'ai sur le corps une constellation. J'ai la. peau. piquetée. de points sombres comme des étoiles mortes, qui ne transmettent plus qu'une lumière froide et de plus en plus à mesure (de l'écoulement) du temps. Allongé sur les draps entortillés, découvrant des pans de peau nue, pâlie, je fais le compte méthodique des astres qui me composent, m'alourdissant par endroits, dessinant dans ce morceau neuf d'univers une figure cryptique du savoir, connaissance cachée par moi révélée. Ainsi, prenant la nuit pour couverture, je m'efforce de pénétrer les secrets logés au cœur de la constellation que je baptise, puisqu'elle est mienne, constellation du pou. J'arpente d'immenses corridors formés par les étoiles qui, là, tournent sur le dedans, là, plongent vers un soleil oublié, le plus gros de tous, ailleurs et c'est un chant pulsé par la vibration chromatique de millions d'objets stellaires, suspendant mon cœur comme on pose une lune en orbite de l'être absent.
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Ce que je fais là, monter l'escalier sans fin du retour, je le fais en dehors de toute fable que vous avez crû lire, (vous ne pensez pas que) je l'ai cherché moi aussi le rayon qui, par sa seule présence, vous rétablit dans la cavalcade des mondes. Je l'ai cherché plus qu'aucun d'entre vous, la lumière droite qui découpe, celle d'avant la brisure des vases, le plan fin comme un cheveu qui s'étend partout, et vous ne flottez plus seul à en vomir (mais vous, c'est pleurer que vous faites), il y a une chaleur qui court entre l'univers et vous avec le visage rayonnant des aimés qui vous cernent, or, vouez-vous je n'ai rien trouvé, alors votre récit, vous pouvez vous étouffer avec.
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Je dégouttelais, l'eau ruisselant depuis la fontanelle jusque sous la voûte plantaire, peinant à m'expliquer ce phénomène, peinant à tout expliquer de ce monde-ci qui n'avait jamais été la possession du savoir, la pleine connaissance intégrée, tout au plus une fente par laquelle se faufilait le sens que le langage rendait à la conscience. Mais ces mots ne m'appartiennent pas, ils ont été usés par d'autres qui ne voyaient pas. Laissez-moi vous dire ce que sont véritablement les mots lorsqu'ils complotent entre eux pour tout obscurcir. Ils construisent entre nous tous une totalité obscure, un ambigu paravent, l'univers peut-il nous voir dès lors, peut-il nous parler, comment s'y prend-il pour délivrer un message désespérément fondamental, ce que je crois, voyez-vous, c'est que le langage nous abuse, qu'il nous carotte.
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S'il entrait dans la bonne logique que «l'âme» (cf. ma précédente remarque) soit naturellement et pour sa sauvegarde cloîtrée dans les limites de l'existence humaine, préservée des flots déchaînés du cosmos, sa «prison de chair» l'empêchait de prendre connaissance du divin, c'est-à-dire la rendait amnésique de son origine, d'où la mélancolie qui souvent nous assaille lorsque nos pas se sont perdus dans le repli des rues et que nous cherchons en vain les lumières amènes de la taverne des frères.
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J'accumulai plus de quatre cents feuillets au cours d'une seule nuit, mais je dus renoncer à cette entreprise, car le débit des voix n'en était pas affecté et puis aussi ma réserve de feuillets s'en trouva épuisée en une fois. J'entrepris par la suite de brûler les pages avec l'espoir de brûler les voix qui s'y trouvaient, mais je crois avoir mis le feu à ma chambrée et après je ne sais plus ce qui est arrivé ou alors j'ai pu rêver avoir mis le feu, mais je ne l'ai pas fait finalement, j'étais dans mon lit, trempé, et je rêvais de feu et voilà tout.
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