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Citations de Marcia Burnier (77)


– Tu connais le mythe de Sisyphe, Erin, non ? Le rocher qui dégringole de la montagne et qu'il faut remonter, encore et encore ? La vie c'est ça. C'est une suite de remontées et de dégringolades, de refuges au milieu qui redonnent de la force, de désespoir quand on voit la pierre rouler à toute vitesse vers le bas, qu'elle nous échappe des mains et qu'on ne peut rien faire. Des deuils il y en aura d'autres, beaucoup d'autres, et dans ta vie tu vas pousser cette pierre encore souvent. Des fois, sur le côté, il y aura des gens pour t'encourager, mais tu seras toujours seule à t'arcbouter dessus, remplie d'énergie pour la rapprocher du sommet, tu hurleras encore quand elle t'échappera des mains parce que tu auras glissé, mais tu finiras par t'habituer, par apprécier la montée, par la trouver belle, sans te préoccuper du sommet.
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Si elle devait choisir son phénomène météorologique préféré ça serait celui-là, le tonnerre qui fait vibrer les fenêtres, les orages d'été qui viennent déchirer un ciel trop brûlant, les orages de printemps qui détrempent les sols et les orages de montagne qui changent le paysage en quelques secondes, pour disparaître moins d'une heure après. Elle aime ce moment où la nature n'est plus uniquement un décor.
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Désormais elle doute : est-ce qu'on fuit pour éviter de souffrir ou pour se raccommoder en silence sans troubler personne ? Elle se demande si elle est partie parce qu'elle a honte d'avoir été endommagée, ou pour pouvoir enfin lâcher, enfin regarder dans les yeux cette tristesse qu'elle accueille comme une vieille amie, une couverture rassurante qui la borde les soirs où le monde semble trop glacial. Pour enfin faire l'inventaire des dégâts à la lumière crue des Pyrénées et comprendre comment tout ça pourrait être réparé. À Paris, elle avait eu peur de ne plus savoir être autrement, comme si l'endroit à l'intérieur d'elle-même qui semblait foutu pour toujours était finalement devenu un endroit familier auquel elle s'accrochait, comme si la douleur empêchait l'oubli, comme si aller mieux signifiait trahir celle qu'elle avait été, signifiait que rien de ce qu'elle avait traversé n'était grave.
Le mal-être était l'unique preuve visible qu'elle pouvait présenter aux autres, voyez comme il m’a abîmée, voyez comme je n’ai pas menti.
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Elle avait souvent peur de déplaire, peur qu'on l'aime pas, ou pas assez, qu'on la trouve ennuyante, insignifiante? Elle avait toujours eu quelques copines, surtout beaucoup de copains mais elle s'endormait tous les soirs incertaine de son entourage [...].
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C'est fou cette obsession pour le sourire des meufs, ça les tue qu'on puisse faire la gueule de temps en temps [...].
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-Tu connais le mythe de Sisyphe, Erin, non ? Le rocher qui dégringole de la montagne et qu’il faut remonter, encore et encore ? La vie c’est ça. C’est une suite de remontées et de dégringolades, de refuges au milieu qui redonnent de la force, de désespoir quand on voit la pierre rouler à toute vitesse vers le bas, qu’elle nous échappe des mains et qu’on ne peut rien faire. Des deuils il y en aura d’autres, beaucoup d’autres, et dans ta vie tu vas pousser cette pierre encore souvent. Des fois, sur le côté, il y aura des gens pour t’encourager, mais tu seras toujours seule à t’arcbouter dessus, remplie d’énergie pour la rapprocher du sommet, tu hurleras encore quand elle t’échappera des mains parce que tu auras glissé, mais tu finiras par t’habituer, par apprécier la montée, par la trouver belle, sans te préoccuper du sommet.
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Quand elle l’avait quitté, elle était épuisée. Elle s’était retrouvée à devoir éprouver le quotidien avec personne d’autre qu’elle-même. Elle avait tâtonné, sans savoir si les décisions qu’elle prenait étaient les bonnes et chaque erreur la voyait s’effondrer, comme la preuve irréfutable qu’elle n’était pas capable de vivre par elle-même.
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Elle sent le nœud se former dans son cerveau. Aussi stupide que ça puisse paraître, Erin ne sait pas si elle doit aller chercher du pain maintenant puis passer à la poste chercher le paquet ou l’inverse. Elle revérifie les horaires d’ouverture de la poste et de la boulangerie qu’elle connaît déjà très bien. Elle demande à Google Maps le temps du trajet qu’elle a pourtant fait l’avant-veille. Elle est figée. Son incapacité à prendre une décision s’est aggravée au fil du temps. Prendre une douche, ne pas la prendre, se les laver les cheveux ou non, passer au supermarché avant la poste ou l’inverse, prendre le vélo ou le métro, tout est prétexte à l’indécision. […]
L’heure tourne, elle trouve qu’on se rapproche dangereusement de la fermeture de midi. Elle devrait y aller maintenant mais bouger lui semble impossible. Elle se parle, elle s’insulte, elle se cajole, allez lève-toi, bouge-toi, allez, prends tes clés, allez allez, tout va bien se passer. Briser ce cercle lui demande un effort mental considérable.
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Incipit :
- Tonnerre, t’es où ? »
Erin siffle tant bien que mal, avec ses deux doigts, comme sa mère le lui a appris. Elle est emmitouflée dans une doudoune foncée, son bonnet descendu jusqu’aux yeux aplatit sa frange, et elle espère que sa chienne va réapparaître vite, avant qu’elle crève de froid au milieu des bois.
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En sortant de chez Bilal, un peu étourdie par la lumière du jour, Mia remarque que son vélo est à plat, elle soupire, pas de rustine ni d'outils sur elle, elle n'a pas le choix si elle veut arriver à l'heure. Elle descend les escaliers de la ligne 4 à toute allure pour se donner une contenance, parce qu'elle déteste ça le métro, elle n'a jamais de ticket, et y'a toujours des mecs chiants, quoi qu'elle porte. Elle essaie tout le temps de convaincre son entourage de s'acheter un vélo, la dernière fois elle a passé une demi-heure à tenter de persuader Lucie d'investir dans un Peugeot d'occasion.
(P. 63)
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Pendant des semaines, chacune dans leur tête elles s'étaient demandé eh ben oui quoi, pourquoi on ne riposterait pas ? Pourquoi on garderait toute cette violence en nous, pourquoi est-ce qu'on dépenserait tant d'argent chez le psy pour « canaliser la colère » sans jamais obtenir justice ni réparations.
(P. 67)
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Elles avaient beau se répéter à quel point elles étaient fortes, aucune d'entre elles ne s'était déjà battue, on leur avait tellement rabâché qu'elles étaient le sexe faible que même à sept contre un, armées, elles étaient toutes persuadées qu'elles auraient perdu.
C'était cet esprit de la défaite qui donnait un avantage immédiat à l'agresseur : parce qu'elles ne pouvaient pas s'imaginer gagner, ou même avoir un effet sur ce qui allait arriver, les filles ne ripostaient jamais ou très peu, persuadées que rien ne pourrait leur rendre justice.
(P. 66)
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Chacune d’entre elles hoche la tête, c’est d’ailleurs pour ça quelles ont eu l'impression de respirer enfin en se retrouvant. Elles n’ont plus besoin d’expliquer. Plus besoin de redire que non, c'est pas comme un rhume, ça ne disparaît pas après quelques semaine avec du doliprane. Que oui, elles sont bien atteintes mais que non, ça ne résume pas toute leur vie. Quand elles s’étaient rencontrées, Mia avait trouvé ça étrange d'être aussi connectée à des inconnues. Et puis assez vite, elle avait compris la logique. On les poussait entre elles, c'était le reste du monde qui préférait qu'elles restent ensemble, que leurs histoires circulent en circuit fermé, qu'elles ne soient surtout pas dites à voix hautes. Il fallait qu'elles prennent soin réciproquement d'elles-mêmes pour pouvoir être présentables en société, sans faire de vagues. Il ne fallait pas que le viol sorte de ce cercle, qu'il contamine les autres, on faisait semblant de les plaindre mais on les préférait recluses ou éloignées, on les suppliait silencieusement de ne pas en parler en public et elles avaient toutes intégré ça plus ou moins consciemment. Elles se censuraient la majeure partie du temps, renonçaient au mot, parlaient d'un truc qui avait mal tourné ou passaient l'évènement sous silence.
(P. 56)
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Au bout de deux jours, Mia leur avait demandé à toutes si elles allaient se revoir à Paris, parce que son corps frisson-nait, et les filles avaient eu l'air surprises, évidemment que oui, désormais on est liées, par un truc indéfini. Des filles à qui elle n'avait pas besoin de réexpliquer. Des filles à qui elle n'avait pas besoin de justifier la dé-prime, l'angoisse, la peur du noir, du cul, les sanglots le soir qui ne prévenaient pas, le sursaut au contact physique, la guérison qui n'arrivait jamais. Des violées, des fissurées, dans la rue ou chez elles, par un cousin, un copain, un inconnu. Elles étaient toutes dans la même galère, avec des hauts et des bas pas forcément synchronisés, c'était ça qui sauvait le groupe.
(P. 55)
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Tous les jours dans son bureau, elle voit déf-ler les violées mais les violeurs sont introuvables, ils sont même absents de l'imaginaire, les filles enceintes disent qu'il n'y a pas de père, sur le formulaire de l'organisme qui décide qui sera réfugié ou non, l'OFPRA, il n'y a pas de rubrique enfant d'un viol alors Lucie bri-cole, elle barre « union antérieure » et écrit en majuscules VIOL. Elle répète inlassablement que les filles peuvent porter plainte, mais elle n'y croit pas elle-même. Elle a envie de leur dire de se trouver vite une famille, un cercle, parce qu'elles vont être seules face à ça, comme elle l'a été jusqu'à très récemment, mais elle reste souriante, elle apporte des verres d'eau, elle dit qu'elle comprend en hochant la tête, elle apaise.
(P. 50)
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Mia commence à peine à répondre que tout le groupe lui emboîte le pas. Ça n'est pas une, mais cinq voix qui hurlent à l'unisson au type de dégager, de reculer, il ne sait plus où donner de la tête, les gens autour se retournent pendant qu'il marche rapidement jusqu'à son groupe de potes, en baissant les yeux. C'est d'abord le silence, et Mia explose de rire. Elle rit de la défaite du type, d'un acte minuscule de résistance, à peine une minute d'interaction qui ne changera pas la face du monde, mais qui sonne comme une victoire à ce moment-là. Ils rient en chœur…
(P. 47)
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Alors elle les suit, avec l'espoir de ne pas rentrer seule, parce que depuis des mois la froideur de son lit l'effraie, et qu'elle le remplit aussi souvent qu'elle peut. Elle est fatiguée, épuisée et elle voudrait juste que quelqu'un lui dise que ça va aller. Que quelqu'un la sauve, qu'il prenne sa douleur et sa peine, qu'il construise une barrière entre elle et le monde, qu'il la vide de sa colère, qu'il la recouse une plaie après l'autre. Mais là tout de suite, elle voudrait surtout danser.
(P. 50)
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Elle et les autres s'étaient vues sorcières, elles s'étaient vues magiques, elles n'étaient qu'une bande de filles ordinaires qui s'étaient réparées parmi. C'était ça, elles avaient un jour décidé pour elles-mêmes.
(P. 142)
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Elle n'a plus l'impression que sa douleur doit se ratatiner sous un tapis, qu'elle doit la cacher coûte que coûte, elle n'a plus l'impression que c'est une tare, mais plutôt quelque chose dont elle doit parler sans rougir, sans tressauter ni baisser les yeux.
. Qui ça m'est arrivé. Oui ma vie
a été bouleversée, ma trajectoire déviée, mon temps volé.
Non je ne mexcuserai pas. Et elle a découvert quelque chose de fou, quelque chose dont on avait essayé de la priver. Elle a découvert qu'elle nétait pas seule.
(P. 136)
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Après l'action elles sont euphoriques, euphoriques d'avoir été jusqu'au bout du plan, heureuses de n'avoir pas fait ce quon leur a appris, baisser la tête et se recoudre entre elles. Personne n'apprend aux filles le bonheur de la revanche, la joie des représailles bien faites, personne ne leur dit que rendre les coups peut faire fourmiller le cœur, qu'on ne tend pas l'autre joue aux violeurs, que le pardon n'a rien à voir avec la guérison.
On leur apprend à prendre soin d'elles et des autres, à se réparer entre elles, à « vivre avec », elles paient leur psychothérapie pendant que l'autre continue sa vie sans accroc, sans choc, toujours plus puissant. On leur raconte que les hommes peuvent les venger à leur place si elles ont de la valeur, qu'il faut qu'elles s'en remettent aux autorités, à leur mari, à leur père, à leur meilleur ami, qu'elles déposent le poids de la violence chez un autre masculin pour que jamais elles ne puissent en être complices. Mais ce soir, elles refusent de séteindre, elles refusent d'être éteintes, de leur céder la lumière.
( p. 101)
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