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Citations de Marie-France Auzépy (13)


Une histoire du poil. Et puis quoi encore ? L'entreprise n'est pas si loufoque qu'il y paraît, même si elle a l'honneur d'avoir été précédée par "Les États généraux du poil" tenus en 2007 à l'initiative du Collège de Pataphysique. Car le poil est un révélateur subtil de l'état d'une société, de l'idée qu'elle se fait d'elle-même et des traumatismes qu'elle subit.
Introduction

Ceci n'est pas un livre barbant.
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Le témoignage d'un voyageur au XVIe siècle :

Dans la relation de son voyage au Levant (1546-1549) publié en 1553, Pierre Belon (1517-1564), apothicaire et naturaliste, consacre à l'épilation un chapitre intitulé "Que toutes les femmes qui vivent en Turquie, de quelques lois qu'elles soient, se font ordinairement abattre le poil des parties honteuses par la vertu d'un dépilatoire, et non pas au rasoir".
"[...] L'on trouve de toutes sortes de vivres à acheter au marché de Cute [Kütahya] [...]. Je trouvai en cet endroit une chose qui me sembla plus singulière que nulle autre que j'eusse auparavant vue en tout mon voyage : c'est la source d'un minéral qu'ils nomment rusma, dont je désirais sur toute chose avoir l'intelligence. Il a telle vertu que s'il est rédigé en poudre, puis détrempé avec de l'eau, il fait un onguent dont les Turcs font tomber le poil sans douleur ou sans soupçon de faire mal quelconque. Ce dépilatoire est en si grand usage que toute la Turquie s'en sert communément ; et n'y a celui en tout pays où domine le Turc qui ne le sache nommer, et qu'il a telle vertu. Mais aussi faut-il entendre que les Turcs et les Turques ont coutume de ne porter point de poil en aucune partie du corps, et est chose odieuse d'en avoir. [...]

Chapitre 2 - L'islam et "la question du poil", p. 73 - 74
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La virilité c'est la barbe
Contrairement à l'Occident médiéval qui s'est construit sur deux sexes, les hommes et les femmes, l'ordre politique et social à Byzance est construit sur trois sexes ou genres : les eunuques, les hommes et les femmes, ordre que nous appelons trisexuation. Non seulement ils sont immédiatement identifiables parce qu'ils portent - du fait de leurs charges et dignités - des costumes spécifiques, mais ils se présentent aussi sous un aspect physique qui manifeste leur sexe. L'aspect physique n'est pas seulement le résultat de traits biologiques, il est le reflet d'une élaboration culturelle. Un homme se doit de laisser pousser sa barbe, une femme sa chevelure, un eunuque est imberbe. Qu'un homme viril apparaisse en public sans poil de barbe et voilà le doute jeté sur la nature de son sexe, il peut alors passer pour un eunuque. De même une moniale qui désire se faire passer pour un eunuque n'hésite pas à couper ses cheveux. C'est le cas au IVe siècle de la jeune Marie, comme le raconte sa vie. Son père Eugène, veuf, ayant décidé de se retirer au monastère, Marie veut l'y suivre. Eugène lui coupe donc les cheveux, elle revêt un habit d'homme et prend un nom masculin : Marinos. Une fois au monastère elle y passe aux yeux de certains moines pour un eunuque, car, étant imberbe elle ne saurait être un homme. (p. 107 - 108)

Chapitre 4 - Jouer du poil à Byzance : Anges, eunuques et femmes déguisées en moines
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Les antécédents mythiques et historiques

Les "velus" ne sont pas nés d'hier ! Ils sont même enracinés dans l'histoire longue des sociétés. Les plus anciens d'entre eux s'inscrivent dans un légendaire qui les a fait passer à la postérité. Fruit des "noces magiques de l'homme et de la bête", ces étranges créatures ont été longtemps considérées, au même titre que la naissance d'une enfant mort-né, comme un signe de la colère des Dieux, un très mauvais signe qui faisait craindre pour l'avenir... Roux et velu, tel était Esaü au sortir du ventre maternel : deux signes négatifs qui plaçaient cette naissance sous les plus mauvais auspices. [...]
Et le Moyen-Age abonde en hommes sauvages n'ayant d'autre parure que leur système pileux, en démons plus ou moins poilus ; et le thème de l'homme sauvage tenait une grande place dans l'héraldique. A la Renaissance le regard commença à changer. Le velu n'eut plus désormais cette connotation totalement négative qui le caractérisait jusqu'alors. la curiosité l'emportait sur la crainte du sort, et les princes accueillaient volontiers dans leur entourage ces vivants témoins d'une humanité à part. Les "velus" étaient maintenant considérés comme des hommes sauvages domestiqués, dont on pouvait offrir le spectacle à ses amis ; ils évoluaient dans l'entourage princier à côté des nains, des bouffons et des astrologues. (p. 132)

Chapitre 5 : Le poil monstrueux : femmes à barbe et hommes-chiens

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Salons de coiffure et échoppes de barbiers

Aujourd'hui dans le monde musulman et à distance du modèle unisexe diffusé en Europe, barbiers et coiffeurs appartiennent encore à deux univers différents. Lorsqu'on arrive dans une capitale du monde arabe, Le Caire, Amman ou Damas, on est frappé par le décalage existant entre les professionnels de la coiffure, selon le sexe qu'ils desservent. Pas de rue, pas de quartier qui ne compte, ouverte largement sur l'extérieur, une boutique de barbier, souvent modeste, avec un ou deux fauteuils. La séance est longue : après la coupe des cheveux et de la barbe, le client mâle est bichonné, on lui brûle les poils du nez et des oreilles, on lui épile le haut des joues avec un fil en lasso dont l'opérateur tient dans sa bouche les deux extrémités. Ce sont autant de salons, au sens du XVIIIe siècle : on échange des nouvelles, les gens entrent et sortent, s'entretiennent avec les Figaros locaux de l'actualité, cependant que les garçons de café jonglent avec leur plateau chargé de thé ou de café. Les salons de coiffure pour dames sont plus discrets et leurs vitrines fumées dérobent leurs clientes à l'indiscrétion des passants. L'esthétique associée dans la plupart des salons ne fait pas figurer ses menus à l'extérieur. "Lucy", l'institut de beauté cairote décrit par l'anthropologue Susan Ossman en 2002, est installé dans un passage du centre-ville, quasiment invisible de la rue. Pour plus de discrétion encore, un dispositif spécial est mis à la disposition des clientes voilées qui s'engouffrent dès leur entrée dans une sorte de cabine de bain improvisée entre deux fauteuils.

Chapitre 2 - L'Islam et la question du poil, p. 70 - 71
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Vu de nos jours par des personnes sans culture chrétienne, ce Christ raphaélien pourrait être pris pour un bel homosexuel mélancolique faisant un doigt d'honneur.
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Jusqu'alors, les rois de France et les gentils-hommes se distinguaient par la moustache et la barbe. Louis XIV ne garda qu'un léger filet au-dessous de la lèvre inférieure. Mais il remplaça l'ornement qui manquait au bas de sa figure par celui qu'il ajouta sur le haut, désormais pleinement intégré au cérémonial solennel de la toilette ordinaire et publique.
Joël Cornette. Chap. 7
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Saint-Simon :
Avant que le Roy se lève, le sieur Quentin, qui est le barbier et qui a soin des perruques, se vient présenter devant sa Majesté, tenant deux perruques, ou plus, de différentes longueurs. Le Roy, suffisamment peigné, le sieur Quentin lui présente la perruque de son lever, qui est plus courte que celle que Sa Majesté porte ordinairement le reste du jour. Le Roy, dans la journée, change de perruque comme quand il va à la messe, après qu'il a dîné, quand il est de retour de la chasse, de la promenade, quand il va souper ...
Cité par Joël Cornette - Chap 7
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Après 1680, la perruque prit des proportions monumentales, qui diminuèrent seulement vers la fin du siècle. Faites généralement en "crinière", tellement grandes qu'on les surnommait "in-folio", pourvue de boucles étagées tombant sur les épaules et dans le dos, elles se dressèrent ensuite en "fontanges" à deux pointes ; puis, partagées en trois touffes, dont deux sur les côtés, ce fut la "binette", du nom de son créateur, le sieur Binet.
Joël Cornette - Chapitre 7
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Le dernier grand siècle des perruques, le XVIIIème, fut celui de la poudre, transformant l'"emperruquement" en une quasi-opération de meunerie : elle avait lieu au milieu d'un nuage épais que le coiffeur faisait voler sur la tête du patient, enveloppé d'un peignoir, le visage fourré dans un cornet de carton, afin de ne pas être aveuglé. La Révolution elle-même eut grand peine à détrôner la poudre : Robespierre prenait un soin maniaque de ses perruques et Bonaparte n'y renonça qu'après sa campagne d'Italie.
Joël Cornette - Chap. 7
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Saint-Simon :
Elle trouva les coiffures des femmes ridicules, et elles l'étaient, en effet. C'était un bâtiment fait d'archal, de rubans, de cheveux, et de toutes sortes d'affiquets, de plus de deux pieds de haut, qui mettait le visage des femmes au milieu de leur corps, et les vieilles étaient de même, mais en gaze noire. Pour peu qu'elles remuassent, le bâtiment tremblait, et l'incommodité en était extrême.
Cité par Joël Cornette. Chap. 7
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Certes, la femme honnête a les cheveux serrés pour éviter la luxure. Mais quand la femme honnête ôte ses vêtements et dénoue sa chevelure, où la respectabilité va-t-elle se nicher? Dans les poils, ou plutôt dans l'absence de poils, car une honnête femme nue n'a, en fait de poils, que des cheveux, à la manière de l'Eve de Jérôme Bosch, femme-enfant aux longs cheveux blonds. Ce fut en France un état de fait légal puisque, jusqu'à la présidence de Valéry Giscard d'Estaing (1974-1981), les publications insérant des reproductions ou photographies de nus féminins poilus étaient poursuivies en justice pour atteinte aux bonnes moeurs. Pour la bourgeoisie au pouvoir aux XIXè et XXè siècles, la luxure gisait dans les poils du pubis et des aisselles.
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Au fond, si l'Eve d'avant le péché et Marie-Madeleine sont représentées de la même façon, n'est-ce pas parce que les peintres chrétiens ont considéré comme équivalentes la liberté d'avant la faute et la licence sexuelle de la prostituée? Les cheveux longs étant dans les deux cas la marque de la lascivité.
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