Citations de Marie Fugain (37)
« Il existe une catégorie d’endeuillés qui demeurent invisibles aux yeux des autres : les « oubliés de la douleur » … La souffrance ne se quantifie ni ne se qualifie. »
On ne peut pas prévoir les alés et drames de l'existence, mais on doit essayer de préserver sa capacité à être heureux.
Nos parents ont toujours été cette lumière dans la nuit qui éloigne l'inconnu et nous ramène à bon port.
Elle est drôle, cette communauté d'individus, ces êtres humains qui se targuent d'avoir plus de 5000 amis sur Facebook ou d'être "twittés" des milliers de fois mais qui ne savent pas qui appeler quand ça va vraiment mal.
Cette manie d'établir une hiérarchie dans la douleur !
" dis-moi qui tu es par rapport à la disparue et je te dirai à quel point tu peux souffrir et combien de temps".
Car il faut, en plus, que la souffrance se consomme vite.
Pour ne pas être trop dérangeante.
Pour ne pas gêner le cours de la vie des autres.
Pour ne pas les mettre face à leur propre mort !
Et qu’on ne me prête pas l’intention de ternir son image, au contraire. Ce que je voudrais, c’est restituer sa vérité. J’ai aimé un être humain, pas une icône. Pas un emblème d’association, de plaquettes sanguines et de moelle osseuse. Laurette est devenue un symbole, soit. Bénéfique. Mais celle que j’ai adorée était ma sœur. Une fille qui sortait, qui dansait, qui buvait, qui vivait.
Égoïstement, ou naturellement, j’aurais aimé que ma mère se jette sur Alexis et moi et nous aime encore plus fort. Il lui restait encore deux enfants. Mais non ! Il ne lui restait que deux enfants, et l’enfant absent mobilisait son cœur.
Elle n’arrêtait pas de dire qu’elle était morte avec Laurette. Elle s’est enfermée dans le monde du sursis, de la douleur et de la mort. Mon père n’était pas en reste. Mes parents répétaient sans cesse : « Je suis mort(e) avec ma fille. »
Noooooooon !
Vous n’êtes pas morts, vous êtes vivants et bien vivants. Alors stop, arrêtez de vouloir partir à sa place ou de vouloir mourir avec elle. Alexis et moi sommes là, bien portants, et on a besoin d’un père et d’une mère. Pas de deux fantômes de parents, nom de Dieu !
Ou alors mourez aussi. Mais mourez vraiment. Qu’est-ce que vous me racontez ? Qu’en vieillissant on a moins besoin de ses parents ? Foutaises ! Je n’ai jamais eu autant besoin de vous que maintenant, maintenant qu’on a un bras en moins, maintenant que je vais avoir des enfants, maintenant que je vais devoir devenir moi-même une maman.
J’ai beaucoup répondu au courrier des malades, des familles qui vivaient ou avaient vécu la même situation. Au début, je me suis énormément investie. Mais à chacune de mes réponses, je revivais la mort de Laurette. C’était difficile et éprouvant. Bien des larmes ont coulé de nouveau.
Je n’ai pas pu faire ça très longtemps. J’étais enceinte. J’allais donner la vie et je ne pouvais pas être entourée que de gens malades, voire condamnés. Il fallait que je sois avec les vivants. Il n’y a rien d’agressif dans mes propos. Mais j’avais besoin de lumière, d’espoir et de rires. C’était déjà tellement difficile de gérer ma douleur. Je ne pouvais pas endosser celle de centaines de personnes.
Maman, elle, s’est vraiment jetée corps et âme dans ce combat. C’est ainsi que la maladie, après m’avoir arraché ma sœur… m’a volé ma mère.
Quand des résultats médicaux déclenchent des rendez-vous supplémentaires sans aucune journée d’attente, lorsque votre dossier passe devant les autres, votre imagination a vraiment de quoi se nourrir. Toutes les maladies s’envisagent alors. Cancer, sida, hépatite C… Pourquoi devait-elle faire au plus vite et pourquoi notre généraliste était-il si soucieux ?
Il existe une catégorie d’endeuillés qui demeurent invisibles aux yeux des autres : les « oubliés de la douleur »…
Sans prévenir, son petit coeur venait de l'abandonner. Ou bien Laurette avait elle-même décidé de l'éteindre. Comme on éteint une lampe.
J'ai bondi sur son lit a la vistesse de l'éclair.
Non Laurette! Pas maintenant. Pas tout de suite. Réviens s'il te plaît! Ne me laisse pas toute seule, mon amour. Ne pars pas... Reste encore un peu... Un tout petit peu...
Chaque individu que l'on croise a déjà vécu un traumatisme au moins une fois dans son existence mais certains le cachent mieux que d'autres. Soit parce qu'ils sont forts, soit parce que leur douleur n'a pas été respectée et que, pour garder intact le goût de la vie, il leur a fallu faire abstraction de leur propre histoire afin de ne pas gêner les autres.
La souffrance ne se quantifie pas ni ne se qualifie. Elle naît au plus profond de nous et un jour elle s'apaise.
Une des grandes leçons que j'ai apprises avec la mort de Laurette et que l'être humain a des ressources inimaginables, quelque soit son monde de vie. Réel ou à tendance féérique. Il est capable de se relever dans la majorité des cas de désespoir. de passer outre à ses souffrances en continuant coût que coûte à vivre. L'acceptation fait partie du schéma.