Marie Gagarine

Le Dniestr

Il taille des provinces, dessine des frontières ; au cours des siècles passés, il a été témoin de bouleversements, de guerres d'invasion et de changements de pouvoir. Il a été polonais, russe, autrichien, ukrainien, turc, roumain. Barrière naturelle, limite politique, trait de partage entre pays rivaux, il a été tour à tour disputé, dominé, convoité.
Le Dniestr, à un moment crucial de ma vie, sépara pour moi deux mondes et trancha comme une lame toutes les attaches du passé.

"Institution des demoiselles nobles de Kiev "

Que le front soit effondré et l'armée russe transformée en une bande de fuyards, qu'un désordre catastrophique se soit emparé du gouvernement, nous ne pouvions l'ignorer, mais sans nous rendre compte que le pays roulait vers l'abîme. C'est pourquoi l'abdication de l'empereur nous produisit l'effet d'une bombe.
Melle Tokarjévich nous l'annonça d'une voix solennelle , ferme et métallique et lut le manifeste de l'abdication sans ajouter le moindre commentaire ni exprimer ses propres sentiments.
Notre première réaction fut celle du désarroi. Puis, à mesure que passait le temps, un remous se produisit dans les esprits. Des tendances commencèrent à se former. Des divergences d'opinion et d'âpres discussions se mirent à éclater allant jusqu'aux querelles. Pour la première fois entre ces murs, on sentit l'influence des différences sociales.

En juin, le sort d'Odessa était réglé, du moins pour un temps car les bolcheviks prirent la ville tout entière. Le port vidé de ses bateaux était à présent immobile et silencieux. On ne pouvait plus quitter Odessa sans laissez-passer.
La Tchéka - "Commission extraordinaire" dont le nom restera dans l'Histoire le symbole de l'épouvante - ouvrit ses portes. Perquisitions, arrestations, exécutions, telles les plaies d'Egypte, s'abattirent sur Odessa. Des individus armés se réclamant de la nouvelle milice rouge faisaient irruption dans les demeures de jour et de nuit, fouillaient les appartements, dévalisaient les familles terrorisées, tuaient sans se gêner qui bon leur semblait . Les gens passaient les nuits prêtant l'oreille, tremblant à chaque bruit dans l'escalier ou sous les fenêtres. Chacun s'ingéniait à inventer des cachettes pour sauver son dernier argent, ses bijoux ou des objets de valeur. On brûlait les documents, on se méfiait de ses voisins.

Pâques orthodoxe


Attablés sagement dans un coin de la salle à manger, nous peignions les œufs. Nous inventions toute sorte de combinaisons de couleurs et de motifs rivalisant d'idées.
Mais quel qu'ait pu être notre zèle, nos œufs restaient de loin inférieurs à ceux de nos paysannes qui possédaient un art consommé en la matière. Leurs dessins tracés à la cire étaient inspirés de l'antique art byzantin admirablement conservé dans les villages. Les couleurs étaient sombres et le jaune ressemblait à de l'or.

Tels les nomades des temps passés, les nouveaux nomades de notre siècle ont repris leur migration vers l'Ouest. Fuyant la mort et l'esclavage, ils cherchent la liberté comme autrefois leurs ancêtres. La Liberté est devenue l'emblème du bonheur, plus précieuse que tous les biens terrestres, plus chère qu'une patrie.

FIN

En plus des Ukrainiens et de Juifs, il y avait les Russes. Être russe dans nos régions, voulait dire beaucoup de choses. De façon générale, cela signifiait vivre en Russie, et paradoxalement « russe » avait le sens d’ »étranger ». Étant russe, on était le plus souvent fonctionnaire ou militaire, donc quelqu’un dont il faut se méfier.

Tels les nomades des temps passés, les nouveaux nomades de notre siècle ont repris leur migration vers l’Ouest. Fuyant la mort et l’esclavage, ils cherchent la liberté comme autrefois leurs ancêtres. La liberté est devenue l’emblème du bonheur, plus précieuse que tous les viens terrestres, plus chère qu’une patrie.

Les pièces étaient immenses - il y en avait énormément -, si les domestiques étaient très nombreux et le parc remarquable, le confort le plus élémentaire était absent. On eût dit qu’on l’avait oublié.
Certes, il faut se placer dans la Russie de l’époque. En ce temps-là, on croyait que les vastes dimensions d’une résidence et une légion de domestiques étaient indispensables, tandis que l’eau courante, l’électricité et un bon système de chauffage ne l’étaient pas. Nous n’avions rien de ces commodités, et ne savions même pas à quel point elles nous manquaient.

Vous ne connaissez pas l'Ukraine, vous êtes de Moscou. Nos paysans ne comprennent pas le russe.

Le Dniestr coulera à l'envers avant que les polonais ne quittent la Podolie.

Les minuscules fenêtres laissaient à peine entrer la lumière du soir.
On alluma une lampe à pétrole qu'on suspendit à un clou.
Le sol de terre battue de l'unique pièce fut entièrement recouvert de nos paillasses et on ne savaient plus où poser les pieds.

Comme après un orage, le calme était revenu dans le pays.
Calme provisoire et rempli de menaces.

LÉNINE
... aux dires des personnes bien informées, un certain Lénine, en haranguant les ouvriers dans une usine de Petrograd, aurait déclaré du haut d'un camion que la classe bourgeoise - nobles, clergé, militaires, fonctionnaires, commerçants, enseignants, médecins, artisans et le reste de la racaille exploiteuse et ennemi du peuple - devait être impitoyablement exterminée.

Cela faisait beaucoup de monde et nous devions en faire partie.
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Il y avait aussi les catholiques, ce qui signifiait polonais. C'était la petite noblesse d'origine polonaise éparpillée dans toute l'Ukraine, qui n'était ni russe, ni polonaise, mais restait rigoureusement catholique.

Lénine céda sur tous les plans et promis à chacun tout ce su'il demandait. Même les Turcs ne furent pas oubliés et reçurent le Kars et Batoum.
Tant pis, devait se dire Lénine, ce n'est pas pour longtemps...
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Les années 1917-1918

Les problèmes qui surgissaient autour de Lénine étaient multiples. Les Allemands, encore bien sur leurs pieds, exigeaient la constitution effective d'une Ukraine indépendante. D'autres aspirations séparatistes se précisaient de tous côtés.
Les Polonais, les Ukrainiens, les Finlandais, les Estoniens, les Lituaniens, les Lettons, les cosaques, les Géorgiens, les Arméniens, les Tatares ne manifestaient aucun attachement à la Mère Russie, au contraire, voulaient s'en arracher.
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