En l'absence du jour
je choisis
le coeur de la nuit
pour sa page blanche.
Chargé d'éternité
le marais
vient d'un âge
d'après la mort
Toute une vie
peut parfois tenir
dans le passage
du crépuscule
à l'aube.
Dépose
au creux de la nuit tous tes rêves
tremblants.
On s'appuie
Sur des jours fragiles
Que rien ne peut étayer
Tant de vie
Se tait en nous.
("Temps mort", extrait)
Le vent
d’un arbre à l’autre
éveille
au flanc de la terre
les anciens battements
des songes
ponctués de lichens
Apatride
il tient le monde
en suspens.
Le peu d’obscurité que je dilapide
c’est de l’air qui me manque
L’absence des dieux
ce fragment de quartz la contient toute
Nul œil pour fixer
le tremblement de la lumière
-
Je m’entête à fouiller ces décombres
les traces des grands hiéroglyphes
avant de tomber à mon tour
en poussière bien noire
en ossements vermoulus
pour avoir trop cherché
ce qui était perdu.
-
Ce qui s’élèvera
ce qui naîtra
est indicible
Les traces meurent d’être dites
elles déplacent le monde plus loin
à peine qu’un silence.
-
L’immensité est silencieuse
son image ne l’est pas
j’aime ce qui m’éblouit
puis accentue l’obscur en moi.
-
Sans m'arrêter
je passe
disant adieu
jour après jour
aux horizons
qui n'en finissent pas de se dérouler
Il y a toujours
quelque chose plus loin.
pp. 39-42 & 84.
Poème absent
Dans le silence où se tapit
le dernier mot
le dernier pas
de la parole
le mot de la fin
engloutit l'attente
latente
la faim de vie
Mes mots sont tous
d'adieu.
Livre d'artiste « Poème absent », extrait.
Poèmes de Marie-Josée Christien, dessins à l’encre de Sophie Degano. Coédition Sauvages, ExVoto & in « Affolement du sang », encres de André Guenoun, préface de Jean-François Mathé, éditions Al Manar, 2019.
La plainte
de l'oiseau du soir
annonce la première étoile
accrochée
à ce point d'interrogation
je meurs chaque nuit
où s'explorent mes silences.
Page 42
Temps morts
Les sentiers
tracés à pas d’homme
longent le silence
d’une vie
Une blancheur éparse
laconique
s’obstine
jusqu’au ciel
Je laisse aux mots
le soin de veiller.
Palpitation
de la lumière
dans la lanterne
point limite de la terre
vacillant
entre obscur et soleil.
J'aime tout se qui s'écrit sur le silence.
L'immobilité. L'écriture est alors l'imperceptible mouvement,
l'a-peine audible respiration d'un infini,
un instant attentif à l'homme.
Suite bigoudène effilochée
Le vide étoilé
hausse le silence
d'un peu de matière
Il force au retour sur soi
question d'intuition.
Ecrire, c'est manifester notre désaccord avec la marche convenue du monde.
On n'entend le souffle
que lorsqu'il se retire
dans le vertige bref
du silence qui s'installe
Seul le poème
est digne du désespoir.
Quand l'épicentre de l'insomnie
répète sans relâche
les exils du coeur
qu'espérer d'autre
que s'effacer du jour
et avancer
dans le silence
d'un visage perdu.
La poésie n'a pas pour but d'expliquer le monde mais de le vivre intensément, et par là espérer le comprendre.
Les yeux grands fermés
guette le bleu
de la nuit
là où se juxtaposent
dans l’obscurité
toutes les pièces du puzzle
du jour.
Je ferme les yeux
et la nuit s'éteint
je couche mes peurs
sur la page nue
c'est ici qu'il fait noir.
Un sommeil extrême
le terrasse
avant le repli du jour
étourdi
de somnolence indifférente.