Aimer a été son crime. Un crime dont on n'est jamais coupable mais seulement complice. Peut-être même un crime dont on n'est que victime.
Son silence n’aura pas suffi.
Elle vivait dans une sorte d’autarcie mentale, capable de produire des souvenirs et d’en supprimer d’autres. De recycler certaines souffrances en nostalgie. L’économie fermée de ses pensées allégeait le tribut qu’elle devait payer à René. Elle la protégeait autant qu’elle l’isolait. Bien sûr, Louise souffrait toujours. Elle le savait, elle le sentait. Elle l’écrivait même dans ses carnets. Mais les causes, les derniers éléments déclencheurs du maelström qui avait manqué l’emporter étaient devenus flous. La douleur existe, mais par instinct de survie Louise l’a recouverte d’une nappe de brume. Elle la devine sans la distinguer nettement. On n’échappe jamais à soi-même.
Je compte les heures
Le mal au bout de ses doigts
Le printemps de l'ultime malheur
Tu as le diable en toi
La vie me transforme en miettes
Je suis la femme muette
Louise Andrieu
Sans toi, je suis riche
Avec toi, je suis pauvre
Mon esprit oscille
Je suis ton apôtre
J’ai cédé à ta domination
Je m’enterre dans l’humiliation.