Revoir les intégrales :
C l'hebdo https://bit.ly/ReplayClhebdo
C l'hebdo la suite https://bit.ly/ReplayClhebdoLaSuite
Et retrouvez-nous sur :
| Notre site : https://www.france.tv/france-5/c-l-hebdo/
| Facebook : https://www.facebook.com/Clhebdo
| Twitter : https://twitter.com/clhebdo5
| Instagram : https://www.instagram.com/clhebdo/
Invitées :
Irène Thery - Sociologue, directrice d'étude à l'EHESS
Mathilde Viot - cofondatrice de l'Observatoire des violences sexuelles et sexistes, créatrice de #MeTooPolitique
Quatennens, Bayou : déflagration sur la scène politique
Affaire Quatennens : malaise à gauche
EELV face au cas Julien Bayou
#MeToo, 5 ans après
PPDA : de nouvelles accusations et un livre choc
le nouveau combat féministe
+ Lire la suite
Il est temps d'ouvrir sa gueule. L'homme politique tel qu'il existe, je sais ce qu'il faut en faire : du compost.
La masculinité hégémonique nous conduit droit dans le mur. Les Trump, Erdogan, Orban, Poutine, ont des points communs évidents : en plus d’être des hommes, ils sont tous misogynes. Ils ont tous un programme de destruction des peuples, de la culture, de l’intelligence et de la planète. Ils veulent perpétuer cette logique abêtissante d’accumulation. Ce système les a tous portés au pouvoir, parce qu’il glorifie la masculinité hégémonique. Comment pourraient-ils tenir un discours qui « tiendrait compte des alertes des scientifiques : notre survie est en danger, nous devons drastiquement changer notre façon de consommer et de vivre, réduire la voilure impérativement et surtout cesser la destruction qui n’a pour seule visée que l’accumulation de biens individuels ? Ces rapports qui se succèdent en appellent à notre humilité. Nous ne pourrons en faire un programme politique pris au sérieux qu’en modifiant en profondeur les méthodes.
Concernant les femmes, Condorcet dénonce un abus de pouvoir des députés. Dans un discours du 3 juillet 1790, il tance les élus : « Tous n’ont-ils pas violé le principe de l’égalité des droits en privant tranquillement la moitié du genre humain de celui de concourir à la formation des lois, en excluant les femmes du droit de cité ? […] ». Il poursuit : « Il serait difficile de prouver que les femmes sont incapables d’exercer les droits de cité. Pourquoi des êtres exposés à des grossesses et à des indispositions passagères ne pourraient-ils exercer des droits dont on n’a jamais imaginé de priver les gens qui ont la goutte tous les hivers et qui s’enrhument aisément ? ». Condorcet ramène les hommes blancs à la fragilité de leur corps. Il leur rappelle qu’aucune force surnaturelle, aucun arrachement véritable à la nature ne justifie leurs droits. L’accession des femmes à la citoyenneté a été, on le sait, progressive. Et que ce soit pour elles ou les personnes racisées, elle est loin d’être achevée.
Les réactions sont épidermiques à chaque fois que les questions politiques sont abordées sous un angle sensible. Surtout ne pas parler du réel ! Le réel est grossier, il tache. Oui, parler du social impose d’aborder ce que les politiques publiques font aux corps, comment elles bouleversent les destins, rabotent les moments de joie dans les journées, comment elles répartissent les contraintes de façon inéquitable. C’est ce que martèlent les féministes depuis des décennies : « L’intime est politique ! ».
Le mal semble inscrit dans la racine même de notre pacte social. Les textes fondateurs, notamment la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, excluaient déjà les femmes, les hommes racisés et les hommes pauvres de la citoyenneté. L’histoire constitutive de notre pays a placé l’homme blanc bourgeois sur un piédestal. On en était là, on y est toujours.
Des députés révolutionnaires ont critiqué cette définition restrictive de la citoyenneté. Lors de la rédaction de 1789, Condorcet a ironisé : « il manque un mot à l’article premier : écrivons plutôt “tous les hommes blancs naissent libres et égaux en droits”.
Ainsi cette rédaction n’était pas le simple produit de l’époque. Et la critique que je lui adresse aujourd’hui n’est pas le résultat d’un wokisme anachronique. Elle ne répondait pas à une construction sociale hégémonique impossible à remettre en question : c’était déjà choquant il y a 250 ans.
Ces hommes-là ne représentent en réalité qu’une minorité numérique. Plus encore, ils ont une compétence réduite : leur expérience du monde est enserrée dans des limites corporelles, temporelles, géographiques, économiques, sociales, émotionnelles. J’ai mis du temps à voir qu’elle était d’autant plus étriquée qu’ils se ressemblent, tous. Pourtant, ils ne se gênent pas pour intervenir à tout bout de champ, se saisissant de l’ensemble des sujets, parlant de tout, impunément. Encore combien de temps ?
Les dirigeants n’interdisent pas les trajets courts en avion qui sont utiles aux copains qui leur ressemblent, mais ils sont fermes avec la population à laquelle ils exhortent de fermer les robinets quand elle se brosse les dents et de remplacer les véhicules individuels par du covoiturage.
Pour adopter cette démarche critique, une première étape est essentielle : il faut briser la façon dont les hommes nous observent, pour nous autoriser à les regarder à notre tour. Casser ce regard avilissant qu’ils portent sur nous autres, dès que nous nous éloignons de leurs caractéristiques hégémoniques. Ce regard que nous voyons se répandre dans la plupart des films, dans la publicité, les émissions de radio, sur les plateaux de télévision, dans les journaux, et les conversations des bistrots, dans leur représentation du religieux, dans les repas de chasse et les repas de famille, dans leur façon de nous parler, de nous détester parfois, de nous mépriser souvent. Nous sommes vues comme un corps, uniquement, une chose, dont on peut disposer, se servir, asservir.
Or, depuis les années 1970, la non-mixité s’est répandue comme un moyen de résistance dans la plupart « des mouvements qui luttent activement contre la masculinité blanche hégémonique, et notamment chez les féministes, les mouvements antiracistes ou LGBTQI. Cela permet de réfléchir ensemble aux différentes caractéristiques de la domination subie et de se constituer, justement, en corps social. Mais pas contre les autres. La création d’une identité n’est pas nécessairement exclusive des autres. Comme ils réfléchissent à partir de leur point de vue, ces hommes lambda sont incapables d’imaginer que des groupes sociaux différents puissent avoir un autre logiciel que celui d’écraser son prochain.
En 2020, le président se « félicite de la lancée de la campagne de vaccination » – elle a pourtant été bien tardive –, et nous enjoint à « être fier de notre système de santé » ; Jean Castex se « félicite de l’adoption du passe vaccinal qui est un « cran de plus pour que les Français aillent se faire vacciner » ; Jean-Michel Blanquer se « félicite d’avoir maintenu les écoles ouvertes » ; Manuel Valls se « félicite des résultats de la police à Marseille » ; Brice Hortefeux se « félicite d’être le seul à avoir fait baisser le nombre de clandestins en France », etc. Des louanges et des autocélébrations ad nauseam.