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Citations de Max de Carvalho (44)


Très vague portrait - Eugénio de Andrade (1923-2005) -

Te porter à ma bouche
boire l'eau
le plus profond de ton être -

Avec tant de lumière,
comment peut-on mourir ?
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LES MÛRES

Mon pays a la saveur des mûres sauvages
en été.
Personne n'ignore qu'il n'est pas bien grand,
intelligent ni élégant mon pays,
mais il a cette voix douce
d'un qui se lève tôt pour chanter dans les ronces.
J'ai rarement évoqué mon pays peut-être
même que je ne l'aime pas, mais quand un ami
m'apporte des mûres sauvages
la blancheur de sa maison me frappe
et je remarque que dans mon pays aussi le ciel est bleu.

Eugénio de Andrade
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                                             Varechs
                                   IX
  
  
  
  
Il doit flotter comme une ville dans le crépuscule de la vie
pensais-je... où les femmes seraient heureuses
penchées près du rivage sur une lumière de chaux
rapiéçant le tissu des voiles...guettant la mer
et la longitude de l’amour embarqué

quelquefois
une mouette se poserait sur les flots
d’autres ce serait le soleil aveuglant
et une traînée de sang se répandrait sur le lin de la nuit
les jours très lents... sans personne

on ne m’a jamais dit le nom de cet océan
et j’ai attendu assise à ma porte... bien avant j’écrivais des lettres
je me mettais à regarder la ligne bleue au fond de la rue
mais j’ai vieilli ainsi... croyant qu’un homme de passage
s’étonnerait de ma solitude.

(des années plus tard, je me souviens maintenant, une perle avait grossi
dans mon cœur, mais je suis seule, très seule, je n’ai personne à qui la laisser.)

un jour est venu
où je n’ai jamais plus aperçu de villes crépusculaires
et les navires ont cessé de faire escale à ma porte
je m’incline à nouveau sur la trame de ce siècle
je recommence à broder ou à dormir
peu m’importe
j’ai toujours douté que le bonheur vienne un jour me visiter


// Al Berto (1948 -1997)

/ Traduit du portugais par Max de Carvalho
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L'adultère


Les ombres entre elles
se donnent à l'aveugle.
Le brai saura garder
secrète leur éclipse.

p.27
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Ithaque
  
  
  
  
Quand les lumières de la nuit se reflèteront immobiles sur les eaux vertes de
  Brindisi
Tu quitteras le quai et cette confuse agitation de mots de pas de rames de
  grues
La joie brûlera en toi comme un fruit
Tu iras à la proue parmi les noirceurs de la nuit noire
Sans un souffle de vent ni une brise rien qu’un murmure de coquillage dans le
  Silence

Mais par un soudain roulis tu devineras les brisants
Quand le bateau roulera dans une obscurité de poix
Tu seras perdue dans le sein de la nuit dans la respiration de la mer
Car c’est ici la vigile d’une seconde naissance
Le soleil au ras de la mer te réveillera dans le bleu intense
Tu monteras lentement comme les ressuscités
Tu auras retrouvé ton sceau ta sagesse initiale
Tu émergeras confirmée unifiée
Saisie et jeune comme les statues archaïques
Les gestes enroulés encore dans les plis de ta mante.


/ Traduit du portugais par Max de Carvalho

// Sophia de Mello Breyner Andresen (1919 - 2004)
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Poésie



Cet arbre m’est entré par les chairs, il a plongé en moi
des racines de feu ; il m’a dévoré l’âme avec ses rameaux
d’ardente inspiration ; les pages blanches de son désir ont
rongé jusqu’à la moindre parcelle de mon être, donnant à
   chaque nouveau printemps
la fleur entre toutes inespérée, aux pétales mélodieux,
et l’éblouissante image éclose dans le regard
qui cherche le cœur de la corolle. C’est un arbre toujours vert,
il n’a pas besoin d’eau ; il garde feuilles et fleurs,
malgré les automnes et les hivers ; il partage le jour
d’avec la nuit, lorsque, cherchant son ombre, sa lumière
m’inonde. Ce pourrait être un arbre de plein vent ; mais il
pousse aussi bien dans les chambres les plus sombres, dans les
pièces où stagnent la fumée et l’haleine de ceux qui vivent là,
dans les caves où le jour n’entre pas. C’est en vain qu’on taille
ses racines ; en vain qu’on cherche à étouffer son feu : l’humus
qui le nourrit naît de l’être ; la sève qui coule en lui
court dans les veines. Cependant, il ne pousse pas tout seul ; et
c’est en toi qu’il trouve son plus fertile terreau, au fort de l’hiver,
ainsi que l’air qui l’environne, tandis qu’en ton absence il étouffe,
c’est en toi qu’il puise l’eau que ses fleurs boivent, quand vient
l’été brûlant. Toi, aux doigts de lierre, aux lèvres de pollen,
avec cette mousse de douceur dont tes paroles recouvrent
son tronc. Arbre partagé, refuge des oiseaux de l’amour,
je te laisse étendre sur nous tes branches,
avec leur chant de nuage et leur écho sylvestre.


// Nuno Júdice (1949 -)

/ Traduit du portugais par Max de Carvalho
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Le fonctionnaire fatigué
  
  
  
  
La nuit a brouillé mes rêves et mes mains
elle a dispersé mes amis
j’ai le cœur confondu et la rue est étroite
étroite à chaque pas
les maisons nous dévorent
nous nous effaçons
je suis dans une chambre seul dans une chambre seul
avec mes rêves embrouillés
seul avec toute ma vie retournée qui brûle dans une chambre
Je suis un fonctionnaire effacé
un fonctionnaire triste
mon âme ne suit pas ma main
Débit et Crédit Débit et Crédit
mon âme ne danse pas avec les chiffres
j’essaie de le cacher en rougissant de honte
le chef a surpris mon œil lyrique sur la cage des oiseaux dans la cour
il l’a déduit de ma feuille de paye
Je suis un fonctionnaire fatigué d’une journée exemplaire
Pourquoi ne pas ressentir l’orgueil du devoir accompli ?
Pourquoi ne pas me sentir irrémédiablement perdu dans cette fatigue ?

J’épelle d’anciens mots généreux
Fleur fille ami enfant
frère baiser fiancée
mère étoile musique.
Ce sont les mots croisés de mes rêves
des mots enfouis dans la prison de ma vie
et cela toutes le nuits du monde une seule et longue nuit
dans une chambre solitaire.


// Antonio Ramos Rosa (1924 – 2013)

/ Traduit du portugais par Michel Chandeigne,
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Le baiser

Ne hâte pas l’érosion du regret.
préfère les cercles dans l’eau. Fais
rouler la salive sur le corail des dents,
repasse sur ta bouche la braise ardente,
puis sur la langue le fil du rasoir.
Les chatons du saule vont tomber.
L’âme des lèvres rêve éveillée.
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Je respire ce parfum
à la brise du soir.

Je suis au bord de
vous comprendre,

énigme sans matin
du lever de la nuit.
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CHIEN



Chien passager, chien strict,
chien rampant, couleur de gant jaune,
aiguise-crayon, chien de manchon,
chien liquéfié, chien éreinté,
chien à la cravate pendante,
chien à oreilles repassées,
à frétillante queue absente,
chien ululant, chien coruscant,
chien maigre, lugubre, maudit,
qui te défais en jappement,
et te refais en aboiement,
chien de fusil tirant son coup : chien par ici,
chien par là-bas, et toujours chien.
Chien à l'arrêt, pris à un fil d'odeur,
chien qui rogne l'os
essentiel de son quotidien,
chien étourdi de joie,
chien formel de la poésie,
chien-sonnet au ouh-ouah bien martelé,
chien moulu par les coups
apitoyant son maître,
chien : sphère de sommeil,
chien de pure invention,
chien en préfabriqué,
chien-miroir, chien-cendrier, chien-bonbonne,
chien aux yeux qui font de la peine,
chien-problème...
Va-t'en bien vite, ô chien, de ce poème !


//Alexandre O’Neil (1924-1986)
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Le fleuve



Changé en souvenirs mon fleuve Parnayba
ne coule plus entre les berges.
Simple filet dans la mémoire, fleuve tari,
dans la joie d’innombrables matins, fleuve-biffure fleuve-tatouage
dans la dérive d’un jour perpétuel.
Mon fleuve trouble qui se dépose,
leurre clair sans renouveau,
descendant au gré du jamais-plus
les lointaines enfances inondées de soleil.
Mon large fleuve d’eau douce croupie
gisant entre les bancs de sable et les roseaux,
et pour d’autres enfants qui se consument
au soleil de son cours
qu’un delta sombre divise,
roule le jour perpétuel.


// H.Dobal, poète brésilien, (17 octobre 1927 - 22 mai 2008)

/ Traduction de Max de Carvalho
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LE CANON DES DISSIMILITUDES.
L'ADORATION TÉNÉBREUSE


Le nom de la terreur

Vocable en crabe qui
marche de biais,
idiome ventriloque
du nom de la terreur,
humiliation de Dieu,
faillite de Sa créature.

p.99
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À l’estime

L’air et l’oiseau sont
profonds à la vue.

L’arbre recule
le vert.

L’enfance n’a qu’un temps
de sa source à son âge.

Qui atteint l’heure,
touche la rive.
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Au milieu de la nuit
la mer m’a réveillé.

J’entendais le ressac,
les bruits de la ville
avaient cessé.

La mer respire en moi
et je respire en elle,

Ma chambre au large
est dans ma chambre.

Vagues : ombres au mur.
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Ne regarde pas maintenant

Ouvrant les yeux
une fois encore

je vois ce qui

une fois encore

empêche le visible
d’apparaître.

(Amour, voile
ta présence
et tes yeux.)
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Tout me revient à présent

Tandis qu’au large
l’horizon univalve

s’éloigne,

je parcours la ligne
infranchissable du
rayon,

l’irréversible
équateur
du cercle,

laissant glisser
d’une main distraite

tout le rivage
dans la poignée
de sable.
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[...] J'ai marché sur des grottes et des dalles d'urubus.
J'ai vu des automnes soutenus par des cigales.
J'ai vu des boues hypnotisant des papillons.
Et ces permanences dans les relents me faisaient atteindre l'illimité de l'Être.
Mon verbe acquit une épaisseur de bave.
Je fus adopté en vase.
Déjà on pouvait voir des restes de moi dans les lézards.
Tous mes mots étaient déjà consacrés de pierres.
Des lys réfléchissaient sous mes tropes.
Je pense que ce voyage m'a secouru d'oiseaux [...]

-Manoel de Barros-
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Eglogue blanche
  
  
  
  
Dans la lumière qui baigne la clairière
d’eucalyptus aux feuilles rouge sang, je respire l’eau
du fleuve qui coule au fond des yeux
de celle que j’aime. Je remonte vers sa source,
filant au gré de l’amour, dans la barque des mots
que nous nous disions, tandis que le vent du désir
les emporte par-delà les haies vives et enclos. Je glane
jusqu’à la dernière syllabe, pour la serrer
entre mes pages de souvenirs, afin que s’y impriment
les lèvres de celle qui les a dites, tout doucement, au creux
de mon oreille. J’écarte ce calice avec la clef
des doigts, en un tournemain je l’ouvre,
imitant la course de la Terre autour de
la lune immobile, à la croisée des miroirs. Et
j’entre par le portique d’un corps qui a reçu des astres
ce nom que j’épelle sur un rythme d’absence,
empruntant sa divinité. Je poursuis
l’immortel éclat de la plus douce des constellations ;
je l’étends sur un lit de feu.

Alors j’ouvre la fenêtre de la nuit. Je compte
les fils de chaque point lumineux, au ciel, comme si
je touchais ces cheveux tout luisants encore
des murmures d’avant le soir, et l’inquiétude soudain
me gagne lorsqu’une rumeur d’ombre
se glisse entre les eux amants. Quel
lieu écarté abritera leurs caresses ? Quel
écho solitaire couvrira brusquement la plénitude
de leurs voix ? J’assemble le rythme de ces
battements dans la musique que je dérobe à l’unisson
de leurs cœurs. Après quoi, j’illumine des couchers de soleil, j’élucide
des pénombres, je veille à ce que la cavale de la folie
dévale les collines de la passion, foulant sous
son sabot les talus de toute science. Et
j’imite leurs gestes, sous un précis
de hautes cimes, un murmure d’horizon
m’enseigne le chant des frondaisons,
afin que l’amour qui s’enracine dans
cette terre ne soit plus jamais perdu.

rosier fugace d’un rêve
d’arbre.


// Nuno Júdice (1949 -)

/ Traduit du portugais par Max de Carvalho
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Saudade



L’inventeur de la saudade
Devait être bien malheureux !
Ce fut assurément quelqu’un
Qui aimait à souffrir lui-même...

Pour être bien compris,
Le mot ‘saudade’
Exige un cœur qui souffre,
Et se plaît à souffrir ...


// Manuel Laranjeira (1877-1912)
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Glose sur le Memento homo quia cinis es



Souviens-toi, tu es poussière,
et retourneras poussière ;
ne va surtout pour quiconque
livrer guerre contre toi-même !
Pardonne qui t’offense
si tu espères le pardon
quia in cinere reverteres

N’attache aucune valeur
aux choses qui n’en ont pas
bientôt tout passera,
l’avenir, le passé.
Souviens-toi qu’au Jugement
on rend compte de ses actes
quia in cinere reverteres


//Joao de Meneses (XVè siècle – c. 1572)
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