Rencontre / dédicace avec Michel Barnier
Pour tout dire, mon sentiment est que les Britanniques se parlent à eux-mêmes, comme ils l'ont fait dans la campagne du référendum, et qu'ils sous-estiment la complexité juridique de ce divorce et beaucoup de ces conséquences.
Une preuve de ce manque de réalisme a été apporté il y a trois jours à peine par David Davis lui-même. Dans une interview à la radio, il a affirmé que les agences européennes pour la supervision des banques et pour les médicaments basées à Londres pourraient éventuellement rester au Royaume-Uni après le Brexit et que ce serait un point à négocier avec les Européens. Il n'y a évidemment rien à négocier sur ce sujet. Le Royaume-Uni a choisi de quitter l'Union européenne et ces agences européennes vont automatiquement quitter son territoire.
Mais surtout Boris Johnson brandit comme il l'avait fait avant le vote du Brexit le chiffre de 350 millions de livres par semaine qui pourraient être consacrés au service national de santé, le NHS, puisqu'ils ne seront plus donnés aux "technocrates de Bruxelles ".
Dans un communiqué inhabituel, le chef du bureau britannique des statistiques, Sir David Norgrove, se charge de le corriger et de lui rappeler qu'il ne faut pas confondre la contribution budgétaire du Royaume-Uni à l'Union européenne et sa contribution nette. Une fois le Royaume-Uni sorti de l'Union , le budget national britannique devra prendre le relais pour les politiques régionale ou agricole par exemple, pour lesquelles l'Europe ne payera plus.
Le deuxième clivage est très nettement social, entre les diplômés et travailleurs aisés, qui ont voté pour rester dans l’Union européenne, et les travailleurs pauvres et les chômeurs, qui, pour beaucoup, ont voté Leave en signe de rejet d’une Europe associée à la mondialisation, et notamment à l’arrivée de travailleurs venus de l’Est, accusés de prendre les emplois et de faire baisser les salaires.
Je sais et je partage les inquiétudes que suscite l'exploitation du gaz de schiste, en particulier avec la technologie de la fracturation hydraulique. Mais la révolution énergétique et industrielle aux Etats-Unis, et le potentiel de cette ressource en Europe, estimé par certains à 5% de notre consommation d'énergie, ne peuvent pas être négligés.
Certains pays ont déjà fait le choix du gaz de schiste, comme la Pologne, l'Estonie et la Grande-Bretagne. Je suis convaincu de l'exigence de concilier gaz de schiste et écologie. L'Europe, à travers la recherche qu'elle finance, pourrait soutenir des projets portant sur le développement de méthodes d'exploitation répondant aux standards environnementaux les plus rigoureux.
Les textes ne sont pas tout ! Ils restent lettre morte en l'absence d'une volonté politique. Et c'est bien de cette volonté politique qu'il s'agit, d'une volonté commune qui reste encore improbable, et pourtant indispensable.
La question de la sécurité maritime illustre parfaitement cette "dé-territorialisation" de l'action diplomatique et militaire. l'Europe a d'ailleurs réussi un test majeur en s'imposant comme le chef de file des opérations de lutte contre la piraterie dans l'océan Indien et dans le golfe d'Aden. Cette opération militaire navale, 'Atalante", lancée en 2008 sous présidence française de l'Union européenne, reste une référence et peut constituer un modèle utile ailleurs.
La Russie est notre premier fournisseur à la fois en pétrole, gaz naturel et houille, avec plus de un tiers de nos importations pour chacun des trois combustibles.
En matière de gaz naturel, près des trois quarts de nos importations proviennent de trois pays : la Russie, l'Algérie et la Norvège.
Cette détérioration de notre indépendance énergétique n'est pas seulement la conséquence d'une hausse de notre consommation, elle est aussi le résultat d'une chute de plus de 13% en vingt ans de notre propre capacité à subvenir à nos besoins.
L'Europe consomme plus et produit moins.
Les conséquences se font sentir sur le marché européen. Au moment même où nous appellons à un renouveau industriel en Europe, le prix du gaz aux États-Unis est tombé au quart du prix à l'industrie en Europe, et notre électricité coûte presque deux fois ce qu'elle coûte en Chine.
Les prix énergétiques ne pèsent pas seulement sur le portefeuille du consommateur. Indirectement, le coût de l'énergie se traduit aussi par une perte de compétitivité, de croissance et d'emploi pour tous les Européens. Dans plusieurs secteurs, la concurrence n'est plus possible. L'industrie lourde en est un exemple, mais pas le seul.
L'Union européenne est la troisième population au monde, après celle de la Chine et de l'Inde. Et pourtant, notre continent est le seul dans le monde qui va perdre de la population dans les quarante ans à venir.
l'Europe est ainsi la seule région du monde dont le taux de croissance naturelle est négatif.
Ainsi, la plupart des pays européens vont faire face à la réduction de leur main-d'œuvre disponible.
Il s'agit bien sûre d'un défi de plus pour nos budgets publics et pour nos régimes de protection sociale, alourdis au même moment par le financement de la dépendance.
Le vieillissement démographique grèvera aussi notre dynamisme économique et réduira notre envergure politique sur la scène internationale.
C'est pourquoi chaque Etat membre devrait observer attentivement ce que font les autres en matière de garde d'enfants, de flexibilité du temps de travail, de logement et d'immigration, afin de comprendre pourquoi certains s'en tirent mieux que d'autres en matière de natalité et de démographie.
On peut imaginer, si l'on met de côté l'attrait du pouvoir pour le pouvoir et la séduction exercée par les pompes de la République, que des idées particulières l'ont animé, qu'il a eu envie de participer à la construction de son pays, à sa permanence - et pourquoi pas à la marche du monde ? - au nom d'un ensemble de valeurs, d'une manière de penser.
L’autre politique, ce que j’appellerai à plusieurs reprises dans cet essai la « nouvelle politique » suscite, au contraire, un vif intérêt. Il ne fait maintenant plus de doute que d’autres types de rapports au politique se dessinent et que, selon les termes de Christian Bachmann1, « surgit un univers politique non politicien ».