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Critiques de Michel Bitbol (6)
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La conscience a-t-elle une origine ?

Les philosophes se sont mis d’accord pour se dire que la conscience leur prend la tête. Ils font une montagne de pas grand-chose. Mais les voilà qui se croient importants : ils ont proclamé que la conscience était un hard problem et ils vont se bousculer pour écrire des livres à ce sujet. Ainsi ont-ils l’impression de faire un travail plus difficile que celui des plongeurs, des chauffeurs-livreurs et des conseillers après-vente. Observons l’un de ces philosophes.





Michel Bitbol choisit de ramener la conscience au rapport d’un sujet à ses expériences. Il aurait pu choisir n’importe quoi d’autre. Aussi pouvons-nous raisonnablement accepter ce consensus pour voir à quel endroit il nous conduit.





« […] la conscience peut être entendue (au moins) de trois manières :

1)comme pure expérience (on l’appelle aussi « conscience primaire » ou « conscience phénoménale » en philosophie analytique de l’esprit) ;

2)comme expérience en retour de l’expérience, ou plus pragmatiquement comme savoir quelle expérience il y a (on l’appellera « conscience réflexive ») ;

3)comme appréhension de soi-même en tant que sujet durable de ses actes et centre de perspective de sa propre expérience (on l’appellera « conscience de soi »). »





Malheureusement, une fois la conscience décomposée en trois catégories (pourquoi pas 52 ?), Michel Bitbol se cogne à un nouveau problème : qu’est-ce qu’une expérience ? La définition de ce terme ne semble pas plus simple que celui de la conscience. Le philosophe n’ose cependant pas dire qu’il n’est pas que la conscience dont il est impossible de parler : tout nous échappe. Seul Wittgenstein a peut-être osé dire quelque chose à ce sujet. Et seul Lacan a réussi à dire quelque chose des manigances que nous élaborons à notre insu pour faire que cela fonctionne quand même. Dans le domaine de la duperie, la conscience se fait apophatique. Comme à la balle au prisonnier, la dernière définition qui n’aura pas été éliminée sera peut-être la bonne.





« Tout d’abord, l’expérience n’est pas un objet. L’objet est une entité supposée exister par-delà les situations, les états subjectifs et l’être-présent. Au contraire, l’expérience consciente est située, elle est ce que cela fait d’être en ce moment. L’expérience n’est pas davantage une propriété, puisque, au lieu de l’attribuer à nos interlocuteurs après avoir cherché (en vain) à prouver qu’ils en ont une, nous nous contentons de la présupposer dans une coprésence empathique. Enfin, l’expérience n’est pas un phénomène, car celui-ci ne se spécifie pas mieux que comme une apparition au sein de l’expérience. Ainsi, l’expérience consciente n’est pas quelque chose d’isolable par une dénomination ou une prédication. »





Les mots finissent par ne plus vouloir rien dire. Epuisante accumulation. Constat d’une profonde dévitalisation de la pensée. Pinaillages en série. J’ai des fourmis dans les jambes.





« L’expérience n’est pas ailleurs ; elle est plus « ici » que quoi que ce soit d’autre ; plus ici que tous ses contenus, plus ici que n’importe quelle chose que l’on pourrait nommer ; plus ici encore que l’ici spatial. Elle n’occupe pas davantage un futur proche ou lointain ; elle est coalescente à la présence, y compris la présence de la tension vers le futur. »





La plus haute conscience pour le philosophe est évidemment celle dont ses mots ne pourront jamais rien dire : conscience immédiate plutôt que conscience différée. Michel Bitbol s’échine à le prouver en attaquant les unes après les autres les théories de la conscience des disciplines de la philosophie, de la neurologie, de la pleine conscience, etc. Ne trouve grâce à ses yeux que la conscience des « états de conscience non ordinaires ». Evidemment, puisqu’il n’est rien possible d’en dire. Michel Bitbol réalise-t-il que son entreprise de démolition de la notion de conscience dans le domaine de la rationalité philosophique vise moins la conscience elle-même qu’une certaine méthodologie universitaire de recherche ? De la même façon que les déçus des relations humaines clament leur amour des animaux qui, parce qu’ils ne parlent pas, sont supposés éminemment bons, les déçus de la philosophie universitaire se tournent vers le New Age qui, de par son inconsistance, permet la révélation de toutes les fins dernières.





« Tout est à reprendre ab initio. On doit recommencer à se persuader que pour aborder le problème de la conscience avec quelque chance de succès, il vaut justement mieux ne rien commencer ; que c’est à force de s’abstenir de commencer quoi que ce soit, à force de baigner dans cette retenue d’avant tout commencement de discours, à force de découvrir patiemment les ressources auparavant recouvertes par sa rumeur, que l’énigme se dissipe d’elle-même. »





La conscience et la philosophie n’ont sans doute rien à foutre ensemble. Que la philosophie finisse par nous dégoûter est un fait mais il convient cependant de dissocier les objets qu’elle se propose d’étudier du sentiment qu’elle finit inéluctablement par provoquer.





Michel Bitbol a effectué un travail colossal de recension des idées et des théories sur la conscience. Il s’est approprié chacune d’entre elles jusqu’à la nausée, pour en cerner la pure vanité. Si vous souhaitez vous réconcilier avec l’idée de la conscience, vous pouvez toujours lire Bernard Charbonneau (exemple sollicité uniquement par le hasard qui m’a conduit à trouver ce livre sous mes yeux). Ou vous pouvez très bien aussi ne rien faire.

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La conscience a-t-elle une origine ?

Levy-Strauss a dit quelque part que le “grand savantˮ n’est pas celui qui donne des réponses mais celui qui pose les bonnes questions. A la lecture du sommaire du livre on en déduit que l’auteur est un grand savant. Je ne persifle pas ! J’avais acquis ce livre davantage pour le volet “scientifique que philosophique, dans la mesure où les choses sont séparables. Je me suis davantage intéressé à la neurobiologie, discipline très neuve en comparaison de la physique. Accordons à l’auteur le mérite de pousser son lecteur à réfléchir au thème central de la conscience, ce qui, somme toute, n’est pas une mince vertu.























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La pratique des possibles

Le livre de Michel Bitbol : La Pratique des Possibles. Une Lecture Pragmatiste et Modale de la Mécanique Quantique prend comme point de départ les difficultés soulevées par l'interprétation métaphysique de la physique relativiste et « quantique », subatomique : remise en cause de l'espace et du temps comme lieux universels et universellement repérables des événements observables, qui anéantit toute vision cartésienne de la réalité et, surtout, remise en cause du modèle atomiste, plus ou moins implicite dans la plupart des doctrines philosophiques, et qui permet de concevoir le monde comme formé de choses, de corps, dont les conceptions peuvent varier, mais qui assoient la réalité comme substantielle. Au lieu de cela, la physique nous entraîne dans un monde dont l'existence n'est devinée qu'à travers des réseaux d'ondes aux formules mathématiques compliquées et dont on ne sait pas très bien ni ce qui est supposé ainsi onduler, ni comment ces ondes sont reliées à nos bonnes vieilles perceptions sensibles. Il évoque ensuite les interprétations soit relativistes soit substantialistes de la situation laissée par la physique du vingtième siècle.

« Tout au long de nos analyses, deux motifs se sont entrecroisés. L’un avait trait à la coexistence, nécessaire aux sciences expérimentales, d’attitudes relevant respectivement de la théorie et de la pratique, de l’objectivation et de la performance, du savoir-que et du savoir-faire, du parler-de et du jeu communicationnel, de la thématisation et du présupposé. L’autre tendait à délimiter la forme que pouvait encore prendre de nos jours l’objet de la physique, après les critiques dévastatrices que la mécanique quantique a fait subir au concept familier de corps matériel localisé, individualisé, permanent, et porteur de propriétés », écrit Michel Bitbol.

Il pose ainsi, au-delà de la question de l'interprétation métaphysique, celle du positionnement épistémologique que ces mêmes théories impliquent. D'un côté le positionnement traditionnel de la relation sujet-objet, qu'il traduit en relation je-il, de l'autre un positionnement pragmatique où les deux pôles sont en relation interactive. Pour analyser cette relation, il fait appel à Martin Buber et à Jurgen Habermas. « La théorie de l'agir communicationnel de Habermas présente de nombreux raffinements par rapport à l'esquisse dialogique de Buber; son rattachement au courant de la philosophie argumentative lui fait gagner en rigueur et en esprit de système ce qu'elle perd en expressivité oraculaire. Pour autant, comme nous allons le voir, aucun des traits essentiels de la critique buberienne à l'encontre de l'exclusivisme de la théorie de la connaissance n'est affecté par le remarquable travail de reclassement et de mise en contexte historique accompli par Habermas. »

Selon lui, la conception de « l'intercompréhension » de Hbarmas permet de dépasser les apories de la conception traditionnelle qu'il caractérise par ces deux impératifs essentiels :

« (i) la seule fonction des propositions du langage courant est de tendre à une représentation des états de chose,



(ii) le seul indice de validité de ces propositions est leur vérité (conçue comme correspondance). »

Dans cette perspective, on reste dans un conception qualifiée de russellienne de la vérité (J. Barwise et J. Etchemend), selon laquelle « ; «(...) les phrases sont utilisées pour exprimer des propositions, des affirmations sur le monde, et ces affirmations sont vraies à condition que le monde soit comme on affirme qu'il est[302]». Autrement dit, une proposition est vraie si le monde s'accorde avec son contenu. » A cette conception, Bitbol oppose une « ligne austinienne », suivant laquelle :

« (i) toute proposition renvoie à un contexte particulier, fixé par les circonstances de l'énonciation de la phrase qui lui correspond (ce contexte particulier est appelé la situation sur laquelle porte la proposition);

(ii) une proposition est vraie à condition que la situation particulière sur laquelle elle porte s'accorde avec son contenu; une proposition est fausse si la situation sur laquelle elle porte ne s'accorde pas avec son contenu, et cela même s'il existe ailleurs dans le monde une situation qui s'accorde avec son contenu. »

Cette conception n'est pas sans rappeler celle de Sartre dans L'être et le néant. L'ancrage de toute conscience dans une situation particulière où le Je, le Tu et le Nous sont en interaction est une facticité. Un peu comme Sartre évoquant le garçon de café, Bitbol évoque le médecin et son patient, réifié dans l'examen biologique et interpellé dans un projet commun de guérison dans le diagnostic et la prescription.

Qu'en est-il de la physique moderne dans la perspective pragmatique de l'intercompréhension ?

D'abord la théorie du référent rejette simultanément le conventionnalisme linguistique et le réalisme ontologique : « la référence ne résulte ni du découpage préalable et arbitraire du continuum de l'apparaître en unités de sens, ni d'une mise en correspondance passive des mots avec des choses pré-existantes; elle s'appuie sur une stratégie d'anticipation perceptive ou instrumentale. Ce qui rend une référence pertinente, c'est le fait que le locuteur, en prononçant un nom, s'engage à fournir à son partenaire suffisamment d'éléments pour qu'il puisse d'une part identifier dans l'avenir ce qu'il désigne, et d'autre part rattacher ce designatum à des documents concernant son passé. La référence au sens de la pragmatique ne retient pas l'aspect purement conventionnaliste de la thèse de Sapir-Whorf, car il existe de nombreux découpages verbaux qui interdisent de mettre en œuvre des critères opérants de réidentification. Elle ne retient pas non plus la dogmatique réaliste, car elle ne se focalise pas sur les entités elles-mêmes mais plutôt sur tel ou tel de leurs aspects perceptifs ou expérimentaux pouvant servir dans le projet de les identifier. »

Ensuite, en examinant les résultats de la physique, Bitbol y distingue les corpuscules, qui ne sont pas réidentifiables (sont-ils même identifiables?) et les vecteurs d'état, qui le seraient. Et il en conclut : « Au vu de ces critères, le passage d'une ontologie de corps matériels à une ontologie de vecteurs d'état semble être la moins mauvaise des options possibles pour des physiciens qui tiennent à maintenir une pensée ontologique dans leur discipline. »

Il élargit pour finir sa visée à « l'unique objet légitime de l'attitude référentielle, la totalité naturelle » et pose la question d'un « réalisme participatif », qui suivrait une stratégie consistant « à combiner un quasi-réalisme référentiel des entités théoriques, à la manière de Schrödinger, et un réalisme non-référentiel (ou participatif) de la totalité indivise, qui prolonge et dépasse la démarche de Bohr ».

N'est-on pas là en présence d'une nouvelle tentative pour concilier Platon et Sextus Empiricus, idéalisme et scepticisme ? Conciliation peut-être souhaitable, comme toute conciliation qui vise à préserver ce qu'il y a de validité dans chaque thèse, mais qui ne peut se résoudre à une addition ou à un souhait non réalisé.
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L'esprit et la matière

L'essai "L'elision" en préambule est incompréhensible pour un petit esprit comme le mien et n'apporte pas vraiment grand chose au texte de Schrodinger qui est beaucoup plus clair et qui n'avait pas besoin d'une explication préliminaire.
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La conscience a-t-elle une origine ?

C’est sans doute un des intérêts du livre de nous reconduire aux limites ordinaires de la pratique philosophique universitaire, et d’affirmer sans détour que l’argumentation rationnelle n’est pas le tout de la philosophie et de l’échange philosophique.
Lien : http://www.laviedesidees.fr/..
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De l'intérieur du monde

La lecture de ce livre a été la conséquence de celle de ‟Heligolandˮ de Rovelli. Ce dernier est partisan d’une interprétation ‟relationnelleˮ de la mécanique quantique, interprétation déjà présente dans ses livres précédents et aussi dans ses articles sur le site de l’Université de Sandford. Déployant une plus que vaste culture philosophique et scientifique (ils se comptent sur les doigts d’une main dans le paysage français) l’auteur brosse et démonte les différentes doctrines épistémologiques, à la lumière de la MQ. Un régal d’intelligence pour tous ceux qui s’intéressent au débat vieux d’un siècle sur les interprétations de la MQ. Le débat n’est pas clos, on dirait presque, ‟heureusement !













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