Citations de Michel de Montaigne (959)
pages 10 & 11:
"Mais il devrait y avoir quelque coercition des lois contre les écrivains ineptes et inutiles, comme il y a contre les vagabonds et fainéants. On bannirait des mains de notre peuple et moi et cent autres. Ce n'est pas moquerie. L'écrivaillerie semble être quelque symptôme d'un siècle débordé. Quand écrivîmes-nous tant que depuis que nous sommes en trouble? Quand les Romains tant, que lors de leur ruine? Outre ce, que l'affinement des esprits, ce n'en est pas l'assagissement en une police, cet embesognement oisif naît de ce que chacun se prend lâchement à l'office de sa vacation et s'en débauche. La corruption du siècle se fait par la contribution particulière de chacun de nous; les uns y confèrent la trahison, les autres l'injustice, l'irréligion, la tyrannie, l'avarice, la cruauté, selon qu'ils sont plus puissants; les plus faibles y apportent la sottise, la vanité, l'oisiveté, desquels je suis."
Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne peut s'exprimer qu'en répondant : Parce que c'était lui, parce que c'était moi.
nous nous trouvâmes si épris, si connus, si liés entre nous que rien dès lors ne nous fut si proche que nous l’étions l’un de l’autre
Chacun regarde devant soi ; moi je regarde dedans moi
La politesse coûte peu et achète tout.
Je me fais plus d’injure en mentant que je n’en fais à celui à qui je mens.
Qui me demanderait la première partie en l’amour, je répondrais que c’est savoir prendre le temps; la seconde de même et encore la tierce: c’est un point qui peut tout.
Sur quel fondement de leur justice peuvent les dieux reconnaître et récompenser à l'homme, après sa mort, ses actions bonnes et vertueuses, puisque ce sont eux-mêmes qui les ont acheminées et produites en lui ? Et pourquoi s'offensent-ils et vengent sur lui les vicieuses, puisqu'ils l'ont eux-mêmes produit en cette condition fautière et que, d'un seul clin de leur volonté, ils le peuvent empêcher de faillir ?
Cette fantaisie est plus sûrement conçue par interrogation. Que sais-je? comme je la porte à la devise d'une balance.
(Chapitre XII)
Quand je me joue à ma chatte, qui sait si elle passe son temps de moi, plus que je ne fais d'elle? Nous nous entretenons de singeries réciproques. Si j'ai mon heure de commencer ou de refuser, aussi a-elle la sienne.
(Chapitre XII - Apologie de Raymond Sebond)
À même que mes rêveries se présentent, je les entasse : tantôt elles se pressent en foule, tantôt elles se traînent à la file. Je veux qu'on voit mon pas naturel et ordinaire ainsi détraqué qu'il est. Je me laisse aller comme je me trouve.
(Chapitre X - Des livres)
Ce qui me sert peut aussi par accident servir à un autre. [...]
C'est une épineuse entreprise, et plus qu'il ne semble : de suivre une allure si vagabonde que celle de notre esprit : De pénétrer les profondeurs opaques de ses replis internes : De choisir et arrêter tant de menus airs de ses agitations.
(Chapitre XII - De l'exercitation)
Mais à mourir, qui est la plus grande besogne que nous ayons à faire, l'exercitation ne nous y peut aider. On se peut par usage et par expérience fortifier contre les douleurs, la honte, l'indigence, et tels autres accidents, mais, quant à la mort, nous ne la pouvons essayer qu'une fois, nous y sommes tous apprentis, quand nous y venons.
(Chapitre VI - De l'exercitation)
La douleur insupportable, et une pire mort, me semblent les plus excusables incitations [au suicide].
(Chapitre III - Coutume de l'île de Céa)
C'est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l'homme.
C'est une belle bataille navale qui s'est gagnée ces mots passés contre les Turc [...] mais il a bien plu à Dieu en faire autrefois voir telles, à nos dépens.
mille chose m'y donnent à désirer et craindre. De les abandonner du tout il m'esr très facile; de m'y prendre sans m'en peiner, très difficile.
Que se connaît, connaît aussi les autres, car chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition.
Le plus fructueux et aturel exercice de nostre esprit, c'est à mon gré la conférence. J'en trouve l'usage plus doux que d'aucune action de nostre vie
il se laissa emporter à ce dernier accident, et quittant sa résolution, s'abandonna au deuil et aux regrets, en manière qu'aucuns en prinrent argument qu'il n'avoit esté touché au vif que de cette dernière secousse mais a la vérité, ce feut que, estant d'ailleurs plein et complet de tristesse, la moindre surcharge, brisa les barrieres de la patience.