Cela fait longtemps que je me tiens à l’écart du monde.
Reste que, dans l'histoire de l'humanité, toutes les bibliothèques ont fini dans l'eau ou dans les flammes.
Mais il reste à franchir le dernier pas. Il semble que la panique morale ne suffise plus à faire bouger les gens. Si nous attendons encore, cette panique va complètement retomber, et nous serons incapables de la faire renaître. La panique morale, comme toute panique, est factice. Et les gens ne réalisent cette facticité qu'après qu'elle s'est emparée d'eux un bon moment. Une fois qu'ils ont compris que tout ce qu'on leur raconte n'est que du vent, on ne peut plus leur faire croire à nouveau aux mêmes histoires. Un semble qu'il faille que nous allions un cran plus loin que ce qui est mentionné dans les études sociologiques que nous avons suivies. Cette fois-ci, nous n'allons pas créer une fausse panique morale. Nous allons créer une vraie panique. De la panique à l'état pur.
dans l'histoire de l'humanité, toutes les bibliothèques ont fini dans l'eau ou dans les flammes.
Nous avions perdu la capacité d’aller de l’avant, nous étions devenu une masse sourde. L’indifférence nous avait tués, nous ne pouvions plus choisir notre camp nous étions devenus matière inerte. Ou morte.
Il est plus vraisemblable que mon âme ait habité le corps d'un crocodile du Nil. Au demeurant, j'éprouve une immense sympathie pour ces êtres paisibles, presque toujours sans mouvement, au long dos chamarré fait de monts, de vallées, de collines, tout en angles aigus et sans couleur précise. Je ne veux pas entendre parler de toutes ces sornettes que l'on raconte sur leur férocité, leurs larmes et autres niaiseries. Le crocodile a un corps énorme, il faut bien qu'il se nourrisse! Et les moustiques qui transmettent des maladies, ce ne sont pas des prédateurs, peut-être?
Un jour l’homme fabriquera des drones et des robots comme celui-ci, non pas pour le servir, non pas pour lui préparer à manger ou conduire sa voiture, et encore moins pour se laisser dominer — ça n’existe que dans les films de science-fiction à la noix -, non, on fabriquera des robots pour en faire des esclaves. Il y aura des robots programmés pour se faire violer, dont s’occuperont les violeurs, et d’autres qui seront conçus comme cibles pour la résistance, équipés des cris de supplique. On les frappera et ils pleureront. Peut-être leurs propriétaires les attacheront-ils aux poteaux électriques dans les rues pour les fouetter et les torturer ? Peut-être les brûlerons-nous en punition de quelque chose qu’ils n’auront pas fait, et nous sentirons la puanteur de la chair grillée émanant de cavités ad hoc placées dans leurs flancs… Peut-être que le plaisir qu’on en retirera en sera si intense qu’on les programmera aussi pour nous frapper, pour nous exciter… On les programmera pour nous violer, pour goûter la douleur des orifices violemment forcés. Peut-être apprécierons-nous d’être ainsi fouettés par un bras mécanique. Et puis, délassés, nous irons prendre une douche et nous rhabiller comme des femmes et des hommes civilisées, marchant dans la rue en portant notre drone ou notre robot violeur dans une petite mallette.
Il dit que la bibliothèque ne renferme aucun registre, aucune fiche descriptive des ouvrages, aucun catalogue recensant les titres des livres et les noms de leurs auteurs. On ne sait pas non plus combien de livres s'y trouvent. il n'y a pas de registre des usagers, aucune carte d'inscription n'a jamais été imprimée. Personne ne leur a jamais demandé de photographie d'identité; on ignore d'ailleurs comment s'appellent la plupart d'entre eux.
"(...)elle demanda à son époux de bâtir une bibliothèque portant son nom et de la doter d'ouvrages qui en feraient le point de mire de tous les férus de savoir et de culture. Rien d'autre n'eût pu la satisfaire. (...) Et il la baptisa selon son souhait: "La bibliothèque de Kawkab Ambar ".
Je suis quelqu'un qui ne sait pas se boucher les oreilles. Comment le saurais-je, quand elles n'ont ni soupape ni clapet ? Elles sont ouvertes en permanence. Elles me permettent d'entendre ce qui me plaît comme ce qui m'horripile. Malgré moi, je suis bien obligé d'écouter.