J’ai posé les bases de Nécropolitains pendant l’écriture de PariZ, dès 2014. Ces deux textes indépendants sont le fruit d’un même élan sur un sujet identique, mais avec des traitements bien distincts. Nécropolitains me permettait de pousser plus loin mon exploration d’un Paris post-apocalyptique, et d`imaginer une toute autre histoire dans d`autres quartiers, avec d`autres personnages et d’autres enjeux. Maintenant que c’est chose faite, j`aimerais en effet voguer vers de nouveaux horizons. Je pense en avoir fini avec les morts-vivants. Et puis j’ai des envies de textes courts. Je ne suis pas prêt de sitôt à me relancer dans un roman aussi long que Nécropolitains. C’était une expérience jouissive mais un peu déraisonnable.
Je n’avais pas vu les choses sous l’angle de Platon, mais il y a de ça ! Oui, Masson sort en effet de sa caverne, au propre comme au figuré. Il part découvrir le monde non plus avec l’œil du soldat d’élite en mission, mais plutôt celui du routard en galère, voire du migrant qui se retrouve à mendier l’hospitalité. Il va avoir besoin des autres, de personnes qui ne sont pas de son bord ni de son avis, et qui n’ont jamais disposé de l’entrainement militaire ou des moyens logistiques de l’armée pour se tirer de situations mortelles. Dans cette histoire, il va finalement devoir faire des choix d’adulte autonome, quand il était autrefois un pion téléguidé par une raison d’Etat qui le dépassait. Grâce aux communautés visitées, il va bénéficier d’une formation humaine accélérée, en testant plusieurs échantillons de modèles sociaux. Aucun n’est parfait, chacun a ses avantages et ses inconvénients, chacun s’enracine dans une idéologie différente. Ce qui aura pour effet de faire peu à peu bouger le curseur des priorités de Franck.
Les situations catastrophiques et désespérées n’empêchent pas d’en rire. En fonction des personnages, ce peut être soit l`expression de la folie, soit le signe d`un désir profond de vivre. L’humour est peut-être le dernier rempart de la raison, un outil de survie presque aussi vital que les armes et la nourriture. Et c’est aussi un outil de socialisation. Masson a beau être un peu obtus, il n’est pas dénué d’humour. C’est ce qui va lui permettre de nouer le dialogue plus rapidement avec les autres personnages. J’aime jouer avec les registres de la peur, de la violence, de l’horreur, de la mélancolie, de la nostalgie, du désespoir mais à condition qu’on puisse de temps à autre balayer tout ça par l’entremise d’une bonne blague ou d`un bon mot. C’est ma conception du panache. De là à parler d’apocalypse joyeuse… Je dirais plutôt qu’on est dans une logique de « foutu pour foutu »… J’aime toujours faire en sorte que le lecteur rigole un peu. Je pense que ça crée un lien, une complicité, entre le lecteur et l’auteur, bien que de façon différée. J’ai envie d’y croire, en tout cas.
Les raisons sont d`abord stratégiques. La butte Montmartre étant le point culminant de Paris, s’établir en son sommet permet de dominer les dangers et les potentiels envahisseurs. C’est vieux comme les châteaux-forts. Le parc des Buttes-Chaumont est plus exposé, même si protégé par des grilles, mais offre de nombreuses ressources naturelles. Quant à l’île de la Cité, c’est, comme son nom l’indique, une île… Elle est isolée du reste de la ville par la frontière naturelle qu`est la Seine, fleuve qui n`est pas non plus avare de ressources. Outre leurs avantages géographiques, ces quartiers me donnaient la possibilité de jouer avec leur patrimoine culturel pour dessiner les fondamentaux de mes sociétés de survivants. Montmartre est le berceau de l’esprit bohème et de tous les clichés qui en découlent. Les Buttes-Chaumont sont situées au cœur de l’Est parisien, qui abrite un certain type d’intelligentsia. Quant à la Cité, c’est tout simplement le cœur historique de Paris, le noyau autour duquel les autres arrondissements se sont enroulés au fil des siècles : une véritable machine à remonter le temps.
J’erre dans cette ville depuis 40 ans, et beaucoup de lieux visités dans Nécropolitains me sont familiers, voire intimes. Mais je ne me suis pas senti pour autant exempté d’une sérieuse phase de documentation. Cette étape a été cruciale. Elle m’a inspiré des personnages, des situations, des références... Par exemple, j’ai lu quelques romans, comme Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo, et Les Rois maudits de Maurice Druon, qui constituent une source de documentation incontournable sur le Paris du Moyen Âge. Notre-Dame de Paris m’a conforté dans certains choix quand Les Rois maudits m’en a inspiré de nouveaux. J’ai aussi consulté des livres et des guides sur Paris, j’ai fait de très nombreuses recherches sur le Web, et j’ai visité tous les endroits que je décris, en tout cas ceux qui sont accessibles au public. Je tiens à préciser que j’ai parfois fait le choix de modifier la configuration intérieure de certains bâtiments, en fonction de mes besoins. J’estime que c’est la liberté de l’auteur de ne pas coller au détail près, pourvu que ce soit pour mieux servir son histoire. Après tout, le cinéma, lui, ne s’embarrasse pas de ce genre de considération, et ça ne heurte en général pas grand monde…
L’homme est un animal social autant qu’un loup pour l’homme. Il doit composer avec cette donne paradoxale. Dans un contexte extrême, les dominants prennent plus vite le leadership, que ce soit par la force, la ruse, la démagogie, la spiritualité… Et, bien souvent, dans les situations de crise, la démocratie semble une option de faible, de mou, de lâche… Ou alors elle prend trop de temps et ne répond pas à un besoin de solutions à court terme. C’est en général à ce moment que les salopards entrent en scène… Au sujet des morts-vivants, le danger qu’ils constituent a été largement évoqué dans PariZ et j’avais envie d’en parler autrement dans Nécropolitains. Ils restent cependant une menace mortelle permanente pour les humains, certaines scènes viennent le rappeler. Et les survivants ne les maîtrisent pas, non ; ils s’en cachent derrière les remparts de leurs forteresses. Mais je voulais que, parfois, les zombies fassent plus de pitié que peur. Certains d’entre eux pourraient même passer pour victimes… Et puis, un an après l’invasion de la ville, il n’y a pas que les infectés qui constituent un danger. Les animaux domestiques privés de maîtres se sont ensauvagés. Entre affronter un molosse enragé et trois zombies décatis, que choisiriez-vous ?
J`ai du mal à concevoir un roman sans musique. C`est un défi a priori impossible à relever que d`intégrer une bande-son dans une histoire d`encre et de papier. Et pourtant, il existe d`après moi un moyen : en utilisant des chansons connues du plus grand nombre, des tubes à dimension universelle. Cela permet d`inoculer facilement de la mélodie dans la tête du lecteur. J`ai beaucoup utilisé ce procédé dans PariZ et je l`ai fait évoluer dans Nécropolitains. Là, outre des chansons extrêmement connues, je cite des titres moins célèbres, voire inconnus, mais qui disent quelque chose de l`endroit où se déroule l`action. A Montmartre, à travers un personnage musicien, je distille de vieux airs bohèmes, comme ceux d`Aristide Bruant. Des chansons qui évoquent un Paris d’antan, fantasmatique, voire cinématographique, avec leurs paroles délicieusement surannées. Mais ces chansons doivent toujours correspondre aux goûts et caractères des protagonistes, pour mieux les raconter. Elles ne doivent pas être liées aux goûts personnels de l`auteur. C`est toute la différence entre la bande originale et la playlist.
C’est pour hier. Le Parisien est depuis longtemps considéré comme un zombie par le reste du pays. Geignard, robotique, agressif, intrusif, dominateur et… très nombreux. Il est en train d’envahir votre centre-ville à l’heure où je vous parle. Il vous chasse sans que vous ne vous en rendiez compte. Quand l’épicerie sera devenue un bar à burgers et l’ancienne usine un loft, vous pourrez prendre vos cliques et vos claques et chercher un prix du mètre carré plus abordable ailleurs, plus loin, toujours plus loin.
Une histoire qui me suit depuis l’enfance : L`Odyssée. Elle a infusé en moi sous plusieurs aspects, à plusieurs périodes. Tout d’abord sous la forme d’un livre illustré pour enfants. Ensuite, à travers le dessin animé Ulysse 31 qui passait à la télé dans les années 1980 et proposait une relecture futuriste, pop et très esthétique. Ce n’est que plus tard, au collège, que j’ai découvert le texte original d’Homère, en cours de français. J’ai d’ailleurs imaginé Nécropolitains comme une petite odyssée, un parcours hasardeux semé d’embuches, de rencontres avec des êtres étranges, avec en ligne de mire le retour au foyer.
Probablement Don Quichotte, une histoire de fou comme je les aime. La preuve que les Monty Python ont été inventés il y a 400 ans, par Miguel de Cervantes.
Les nouvelles de Guy de Maupassant : Le Horla, Boule de suif, L’Héritage, Le Diable… Autant d’histoires absolument impitoyables.
Le Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley, que j’ai lu trois fois, à égalité avec Extension du domaine de la lutte, de Michel Houellebecq.
Tout Fiodor Dostoïevski, tout Léon Tolstoï, tout Marcel Proust…
Le Nazi et le Barbier d’Edgar Hilsenrath. Juif-allemand victime du nazisme, l’auteur a trouvé le moyen d’en rire dans cette histoire extraordinaire de cynisme, d’humour burlesque et de poésie. Ce livre a eu beaucoup de mal à émerger en Allemagne, au début des années 1970, car il aborde la Deuxième Guerre mondiale et ses conséquences de manière extrêmement insolente et iconoclaste, comme personne n’avait osé le faire avant. C’est du punk avant l’heure.
Je ne sais pas si on peut déjà considérer La Carte et le Territoire de Michel Houellebecq comme un classique – l’aura du Goncourt y contribuera certainement – mais il signe pour moi le début du désintérêt que j’éprouve aujourd’hui à l’égard de son auteur.
« Comment saurait-on qu’on est le dernier homme sur Terre ? », dans La Route, de Cormac McCarthy.
Je viens de terminer Latium de Romain Lucazeau, un space opera vertigineux sur les intelligences artificielles, aussi captivant et glacial que la galaxie elle-même.
Découvrez Nécropolitains de Rodolphe Casso aux éditions Critic (et notre interview de son fondateur ici)
Entretien réalisé par Nicolas Hecht
A l'occasion de la sortie, le 16 juin 2023, du roman « le Dernier jour du Tourbillon », qui se déroule dans un bar de quartier, son auteur, Rodolphe Casso, présente ses bars parisiens préférés sous la forme d'une mini-série en 4 épisodes réalisés par Pierre Sévin-Allouet. Le Faubourg https://www.facebook.com/Aufaubourg92 Le Catrina https://www.facebook.com/achour.selmoun.7 Editons Aux Forges de Vulcain : https://www.facebook.com/auxforgesdevulcain https://www.instagram.com/auxforgesdevulcain/ https://www.auxforgesdevulcain.fr/ Pierre Sévin-Allouet https://www.facebook.com/pierre.sevin.9 https://www.instagram.com/pierre_sevin/
Qui se cache derrière Warner Bros?