Citations de Morgane Alvès (23)
Je me demandais comment faisaient les mères célibataires. Je le découvre chaque jour. On ne fait pas, on fait avec.
Elle est seule pour tout, dans le fracas des avis des autres
Elle voudrait se fourrer du coton au fond des oreilles et qu’on lui fiche la paix. Son téléphone ne lui laisse aucun répit, s’agite à cadence répétée. Elle a cessé de le consulter. Il y a dix jours, elle avait les yeux vissés dessus, persuadée d’y voir apparaître le visage de Vincent qui la rappellerait. L’objet lui semble abject à présent. L’objet du commencement et de la fin de tout.
C'est quoi ta prochaine histoire, vieux pichet?
A quel âge devient-on trop vieille ? Trop vieille pour dormir avec son doudou, trop vieille pour réclamer un goûter, puis pour porter des jeans taille basse, dormir jusqu'à pas d'heure, se liquéfier devant un garçon au visage picoré d'acné, appeler son père quand la machine à laver lâche, ou sa mère pour ce papier administratif qu'elle doit sûrement avoir dans un dossier étiqueté parmi d'autres, rentrer le dimanche matin au petit jour l'haleine lourde d'alcool et tabac, porter un parfum trop fruité, repousser le frottis et l'examen ophtalmologique, manger deux tiers de glucides pour un tiers de légumes, partir en vacances sans crème solaire, laisser une ampoule cassée pendre au plafond pendant un mois, rire trop fort à un dîner, préférer un chocolat chaud à un expresso ?
𝑪𝒐𝒎𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒇𝒂𝒊𝒕-𝒐𝒏 𝒍𝒐𝒓𝒔𝒒𝒖𝒆 𝒍𝒂 𝒔𝒐𝒍𝒊𝒕𝒖𝒅𝒆 𝒊𝒏𝒕𝒆𝒓𝒗𝒊𝒆𝒏𝒕 𝒔𝒂𝒏𝒔 𝒒𝒖’𝒐𝒏 𝒍𝒖𝒊 𝒂𝒊𝒕 𝒅𝒆𝒎𝒂𝒏𝒅𝒆́ 𝒅𝒆 𝒑𝒓𝒆𝒏𝒅𝒓𝒆 𝒕𝒐𝒖𝒕𝒆 𝒍𝒂 𝒑𝒍𝒂𝒄𝒆 ?
𝑬𝒔𝒕-𝒄𝒆 𝒒𝒖’𝒆𝒍𝒍𝒆 𝒗𝒂 𝒗𝒓𝒂𝒊𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒔𝒆 𝒓𝒆́𝒗𝒆𝒊𝒍𝒍𝒆𝒓 𝒖𝒏 𝒎𝒂𝒕𝒊𝒏 𝒔𝒂𝒏𝒔 𝒄𝒆 𝒗𝒊𝒅𝒆 𝒒𝒖𝒊 𝒊𝒏𝒔𝒖𝒍𝒕𝒆 𝒂̀ 𝒍𝒂 𝒇𝒐𝒊𝒔 𝒔𝒐𝒏 𝒑𝒂𝒔𝒔𝒆́ 𝒆𝒕 𝒔𝒐𝒏 𝒂𝒗𝒆𝒏𝒊𝒓 ?
Elle a le sentiment que cela date d’une autre époque, mais elle préfère acquiescer de temps à autre aux anecdotes d’Olivier. Il donne et prend des nouvelles sans exiger de réaction bien définie.
Je pensais qu’un départ n’avait pas besoin d’être préparé. Avant notre rencontre, il m’arrivait de quitter Paris sur un coup de tête, parce que j’avais vu un reportage sur un village du Luberon qui ne demandait qu’à être découvert ou parce qu’un ami de toujours me proposait d’aller skier le temps d’un week-end sur les pistes des Alpes.
Maxime parlait en onomatopées. Elle ne comprenait pas bien parce que son cœur tambourinait si fort dans ses oreilles que le son du téléphone était brouillé.
Plus tard, il lui avait envoyé un message, lui disant qu’il avait aimé leur balade et qu’il ne lui avait manqué qu’une chose : un baiser. Il n’avait pas osé. Peu attirant, le goût de lèvres malades. Et elle, elle avait aimé cette pudeur et ce désir combinés.
Ils savaient tous deux que c’était contraire à tout principe déontologique. Mais impossible de se défaire de ces échanges qui remplissaient la vie de chacun. L’attente, l’excitation de recevoir un message, d’en écrire un nouveau, de ne pas se souhaiter une bonne nuit pour ne pas arrêter la conversation qui reprenait à l’aube.
La tentation de tout dire déferla lorsque arriva le moment de partir. Joséphine sentit ses entrailles s’enflammer mais ne dit rien et Marie, qui la connaissait si bien, ne demanda rien. Il n’y avait pas d’impératif à la confidence.
Tout se passait au fond d’elle. Dans son cœur, dans ses entrailles, au creux de ses coudes, derrière ses genoux, à l’orée de ses fesses. Il dévalait les veines et brûlait la peau, ce bonheur cinglant, jusqu’à la plonger dans une béatitude infinie.
Tout comme tes yeux, Joséphine. Des yeux gris, merveilleux et parfois effrayants. Lorsque nous nous étions rencontrés, j’avais d’abord trouvé que tu avais une beauté reptilienne, puis une beauté délicate, une douceur qui m’avait séduit et qui faisait que chaque matin, avant que tu ne partes au cabinet, je voulais te préparer ton café, simplement heureux à l’idée de découvrir le sourire que tu m’adresserais lorsque tu saisirais la tasse.
Une façon de dire avec la tendresse des gens qui s’aiment que tu semblais coincée au premier abord. Tu imposais involontairement une certaine distance, mais dès lors que ta froideur accidentelle s’étiolait après les premiers échanges ou à la faveur d’une conversation aboutie, tu devenais cette personne à laquelle je concédais un humour ravageur.
Claudine avait la manie de donner à des faits anodins un caractère insolite et s’échinait ensuite à percer le mystère là où il n’y en avait pas. Lorsqu’elle avait été embauchée, Olivier avait été un peu perplexe.
Il était apprécié des patients pour sa rigueur, et sans aucun doute pour son style suranné. Il faisait penser à ces vieux médecins de famille, engoncés dans une veste de tweed qui prenait les années avec élégance.
Le diagnostic, tant attendu, jouit d’un pouvoir curatif qui devance finalement celui de l’ordonnance. Quand il sait, le patient respire déjà mieux.
Ressentait-il la même chose ? Certes, il l’avait épousée, mais la réciprocité de l’attachement ne pourrait jamais être prouvée scientifiquement.