Musée Maillol - Fondation Dina Vierny - Paris

"Coloriste unique, l'un des plus merveilleux de tous les temps, il sait de ses étonnants bleus, verts, jaunes et violets, emplir une toile, la saturer, en faire une explosion d'intensité. "

Avec les années, Morandi réduit le nombre des objets qui finissent par instaurer un rapport inédit avec l'espace : la couleur du fond envahit une partie de la bouteille, après en avoir dissout partiellement le contour, se répand sur la toile à la place du couvercle, glisse comme une ombre dans l'embouchure du vase.

Maillol est l'ancêtre de la tapisserie moderne. Comme le prouve "Le jardin enchanté", Maillol a complètement régénéré l'art de la tapisserie en lui rendant la noblesse et l'efficacité qu'elle eut au Moyen Age. Volontairement ornementale, la tapisserie ne rivalise pas avec la peinture. Elle en est une autre forme où le dessin, directement lié à la couleur, se développe dans le plan du mur, en des successions de rythmes qu'enrichissent les subtiles vibrations chromatiques soutenues par un dessin épuré dont la finalité n'est pas la vérité de l'observation mais le plaisir de l'oeil et de l'esprit.

On peut parler d'essence, en utilisant le vocabulaire idéaliste que, tout compte fait, Morandi utilisait , même si c'était avec une modestie revêche. Ou bien d'antique vérité, d'identité originaire des choses, qui se maintiennent malgré l'écoulement du temps, fortes d'une raison qui trouve, chez l'artiste, une résonance aussi singulière que précise, une compréhension intime et spontanée.

Au bout de ce parcours, il y a une réalité qui ne se révèle pas à travers la mise au point, la concentration absolue du regard et de la volonté, mais plutôt dans la capacité d'allusion formelle, dans le rappel précis d'une dimension intuitive. Même si cette réalité reste hors de portée, malgré la réflexion et l'engagement assidu de toute une vie, les aquarelles ont réussi à conférer à la réalité la définition intense d'un mirage mouvant, mais décrit avec clarté. Dont la trame fragile à l'eau des aquarelles livre l'image la plus durable et la plus émouvante.

Il parait de plus en plus évident que l'histoire de l'art s'est égarée en classant des peintres comme Henri Rousseau et André Bauchant parmi les naïfs, c'est-à-dire en les mettant à part dans l'histoire de l'art moderne. Qu'il y ait un air naïf dans leurs représentations, nul doute, mais en tel cas pourquoi ne pas appeler naïves les fables du ghetto de Chagall, les Bretonnes et les Tahitiennes de Gauguin ?

Maillol a eu toute sa vie une importante activité de dessinateur. Il a rendu Dina Vierny attentive à la poésie de la ligne sur papier. Elle a collectionné les maîtres du XIXe siècle, Ingres Degas, Cézanne, et les dessins des artistes qu'elle admire, Picasso, Foujita, Suzanne Valadon, Pascin...

Dina Vierny a très bien connu Dufy, qui l'a prise quelque fois comme modèle.

... Matisse parlait beaucoup, cela me plut. Les séances de travail étaient libres et joyeuses, les dessins de cette époque en portent l'empreinte. J'avais vingt-deux ans, je posais avec plaisir, les propos de Matisse m'enchantaient. Comme avec Maillol, pas un instant d'ennui avec lui.
(Dina Vierny)

Mes amis, ce sont mes conquêtes ! Une des joies de ma vie est d'avoir fait la conquête d'un Roussel, d'un Bonnard, d'un Vuillard et mon plus grand regret est de les voir trop rarement aujourd'hui...

La révélation de l'oeuvre de Gauguin fut un choc libérateur pour Maillol. "Devant ses tableaux de Bretagne, je sentais que je pouvais travailler dans cet esprit..."

Maillol n'a jamais renoncé totalement à la peinture, mais sa rencontre avec Dina Vierny va restimuler son envie de peindre. Il multiplie les toiles. Ici aussi le nu est son sujet favori.

Montrant un carnet de croquis, Maillol déclare : "Je travaille comme ça (...) Tout ça je le fais dans la rue, tout d'après nature. Vous dites que les filles ne marchent pas nues. Et c'est juste ! Je les déshabille alors. Et tous les mois je remplis un carnet".

Je cherche l'architecture des volumes. La sculpture c'est l'architecture, l'équilibre des masses, une composition avec goût. Cet aspect architectural est difficile à atteindre. Je tâche de l'obtenir comme a fait Polyclète. Je pars toujours d'une figure géométrique, carré, losange, triangle, parce que ce sont ces figures qui tiennent le mieux dans l'espace.

L'oeuvre d'art n'est pas toujours le résultat d'une émotion qui s'extériorise. Ou du moins, cette émotion peut naître, non plus de l'artiste lui-même, spontanément ou causée par le choc de la vie ; la matière même de l'oeuvre d'art, cette matière à l'état brut - couleurs, sonorités, mots et rythmes, pierre ou argile à modeler -, peut suffire à plonger l'artiste dans le délire créateur.
(André Gide)

Parmi les artistes qu'admire Maillol, Cézanne occupe une place privilégiée par sa recherche d'équilibre, de tension et de synthèse.

Maillol est surtout retenu par l'art du VIe siècle, les Korès d'Athènes et surtout Olympie : "C'est ce que j'ai vu de plus beau dans le monde. C'est un art de synthèse, un art supérieur à ce travail de la chair que nous modernes nous cherchons"

On arrive au premier étage dans cette salle pas très grande au milieu de laquelle repose la grande femme assise de Monsieur Maillol. Elle est belle, elle ne signifie rien, c'est une oeuvre silencieuse. Je crois qu'il faut remonter loin en arrière pour trouver une aussi complète négligence de toute préoccupation étrangère à la simple manifestation de la beauté.
(André Gide)

Rodin a senti qu'une nouvelle voie s'ouvrait à l'art moderne, celle de la forme pure qui conduira à l'abstraction. Maillol en est l'initiateur.

Mirbeau raconte que Rodin lui a dit : "Ce qu'il y a d'admirable en Maillol, ce qu'il y a je pourrai dire d'éternel, c'est la pureté, la clarté, la limpidité de son métier et de la pensée".