Natura morta
J'aime
Giorgio Morandi sans détour, il n'est trop paradoxalement par une forme de tropisme d'éléments de couleur introuvables de la nature qui me ramènent à lui -j'ai toujours été marqué par l'art italien, peut-être à cause d'un vieil oncle et de tantes italiens qui m'y attachent filialement, ils m'aimaient en personne et moi aussi je les aimais - il est venu à moi, autant que je me souvienne, par incidemment la lecture d'un magazine - probablement lié aux Arts que je lisais à l'époque et que je ne lis plus, car ils sont faibles et assez creux, pas comme les anciens où il y avait du fond -, il y a bien 1/4 de siècle, une photo, une légende .. je me souviens d'avoir découpé l'article et hop c'était dans la poche, comme un coup de foudre, une aubaine dont on verra le secret plus tard. Depuis je consulte régulièrement mes livres dédiés pour m'abreuver de son talent et je ne m'en lasse pas, et je ne vois pas le jour où je m'en lasserai ; il me semble que c'est un parti pris pour la vie que rien ne viendra altérer. Bien sûr que je ne dirais pas ça, avec la même facilité, pour mille blaireaux qui nous entourent !..
Je pense à lui quand je vois les pores blanc-nacré, jaune-citron, gris lumineux, perlé des champignons qui règnent en maître à l'automne dans la forêt , sorte d'hymne à la nature inégalable par la production de ces ocres éphémères quand les sols organiques se décomposent ; combien de fois ai-je eu envie de reproduire ces tons - il me suffit aujourd'hui de savoir que quelqu'un s'en charge bien mieux que je ne saurais le faire - ; quand je vois, c'est plus rare, la tranche argileuse du lit de la rivière , quand je vois des bibelots anciens dans les brocantes, des vieux bols, des siphons d'eau de seltz en verre d'un bleu incomparable rehaussés d'un bec en belle matière étamée, argentée, des vieux brocs à charbon un peu défoncés ou à eau émaillés qui décorent les jardins, utilisés en dernier usage pour y mettre des fleurs. Ce n'est pas
Morandi aujourd'hui par je ne sais quelle alchimie qui me rappelle ces tons chauds, ocres sublimes observés dans la nature ou dans ces ustensiles, fabrication de la main de l'homme ; ce sont ces tons blanc-chaux, ocres sublimes qui me renvoient à
Giorgio Morandi. Je ne m'interroge pas sur la représentation des objets de l'artiste qu'il réunit sur une table, en définit plus ou moins une composition pour créer une harmonie de tons et de volumes. C'est plus l'univers poétique, charnel, bigarré de l'artiste qui me fascine, celui de l'homme qui veut capter le beau, le sauver, le rendre éternel peut-être avant qu'il ne disparaisse ..
Assurément Giorgio menait une vie casanière, presque monastique, car il ne faut pas penser qu'il pliait ses gaules par mauvais temps, comme faisaient les impressionnistes qui se repliaient en atelier pour peindre des natures mortes. Lui il peignait des natures mortes toute l'année : Natura morta !
Ce qui me plaît chez
Morandi aussi, il va sans dire, c'est qu'il a su imposer son style et étonner le monde entier avec ses natura morta. Sa cote a dépassé le million, il se hisse au rang des grosses pointures de l'Art moderne. Ce qui est vrai c'est que rien de plus qu'un
Morandi pour ressembler à un autre
Morandi, mais ce qui ne veut pas dire que chaque
Morandi ne soit pas identifiable et distinct d'un autre ; si on est subjugué par sa facture, il faut prendre juste le temps d'observer,..