""J'ai à Dakar prendre l'autocar."
Le taxi qui me mène à la gare de si bon matin n'a pas de phares, pas de compteur, pas de plancher d'ailleurs par endroits. Tant pis s'il fait encore noir. Tant pis si je n'ai pas envie de parler, encore moins de discutailler le prix de la course. Tant pis si mes chaussures reposent sur un tapis en plastique mou qui se déforme sous le poids de mes jambes et s'enfonce dangereusement vers l'asphalte dont je ressens les exhalaisons tièdes. La chaussée cabossée ne nous épargne aucun heurt. Chaque nid de poule trouve écho dans mon ventre vide. Le moteur est nerveux comme un diesel mal rafistolé. Le coup de volant est brusque et mal assuré. Le chauffeur est rogue, sans doute un sirouman en fin de service. Je n'en ai rien à faire. Je n'ai pas plus envie de lui être sympathique que lui de connaître ma vie.
Ma vie, je ne la connais pas moi-même..." (Magellan & Cie - p.11-12).
"Cette foutue année arriva. Celle de mes vingt-cinq ans. Celle où j'obtins mon diplôme après quatre années à l'université que je traversai en bûchant comme un dingue. Maître es, titre de noblesse intellectuelle auquel aboutirent ces longues années de labeur intense. A partir de ce moment, tout auteur de moi se mit à changer. Tout : les choses et aussi les gens." (Magellan & Cie - p.79)