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Citations de Nathalie Piégay (33)


Marguerite ne comprend pas pourquoi Louis se soumet à un destin aussi misérable. D'autant que ce Parti, dont il parle comme d'une sainte famille, se défie de lui, de son passé surréaliste et plus encore de son origine bourgeoise. Neuilly, les beaux quartiers, les meilleures écoles (...) Il est bien évident que Louis n'a jamais mis les pieds dans une usine. Les mécènes, les grands couturiers, il sait de quoi il retourne, les contremaîtres et les prolétaires, ce n'est pour lui qu'une idée. (p. 276)
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Rien n'est vrai, tout est inventé, mais l'enfant est baptisé. Il a tôt compris que la vérité n'existe pas, qu'il faut lui préférer l'entre chien et loup de l'invention.D'autres en auraient perdu la raison. Il y a gagné le battement de l'imagination. (p. 79-80)
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J'éprouve toujours la même fascination pour les mots des métiers, jardinier, menuisier, couturière ou cuisinière, pour la précision du langage, qui rappelle celle du geste, mesuré, appliqué, celui qui donne le résultat attendu (..) (p. 269)
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C'est à cet instant que je me suis demandé pourquoi il y avait un frère. Edmond.
(...)
Ce que j'avais su d'abord, c'est qu'il était un fils naturel. Enfant, je m'interrogeais sur la signification du mot : naturel, un fils qui allait de soi, que la nature avait donné comme elle donne de bonnes ou mauvaises récoltes ? Un enfant de l'amour, qui échappe aux lois, aux contrôles, aux règlements ? (p. 34)
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Ils étaient allés, lui et Madeleine, à Covent Garden, voir The Kid, un film de Chaplin dont tout le monde parle (...)
Charlot tombe et Charlot se relève, Charlot se défait, Charlot triomphe. Avec le cinéma, un peu d'enfance revient. La guerre n'en avait donc pas eu entièrement raison. (p. 205)
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Marguerite est seule avec ses mots d'anglais qui lui trottent dans la tête. Elle ne peut pas en parler à Louis, dont elle redoute le jugement. Il est devenu si intransigeant. Elle ignore qu'il a commencé à apprendre le russe et qu'il traduit des poèmes et des récits avec Elsa, pour faire connaître la littérature soviétique en France. D'Elsa, elle ne sait rien. Elle apprendra par le journal la publication de son premier livre en français, -Bonsoir Thérèse-Elle ne saura jamais qu'elle traduit en russe le roman de Céline, Voyage au bout de la nuit. (p. 260)
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J'arrive à la fin de cette histoire. Une histoire de famille dans laquelle tous écrivent. (...)
Avec ces livres publiés, et tous les romans de Marguerite, j'ai voulu raconter la vie de cette femme. Parce qu'elle a écrit, elle aussi, comme son fils, son frère, comme Andrieux, Elsa et Nancy |Cusnard ], j'ai pensé que je pourrais mieux la saisir et que la zone d'invisibilité qui l'entourait se réduirait. Dans ma famille, les femmes étaient vraiment invisibles, hors de l'histoire, de celle qu'on raconte. (p. 310)
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[Aragon ] Il écrit. Il dévore. Il détruit. Il s'alimente à ce qu'il dévore et à ce qu'il détruit, il ramasse tout, les brindilles, les planches flottées, les restes calcinés, les bois verts et les charbons noircis puis il rassemble tout dans le grand bûcher de l'écriture, pour qu'ils y flambent (...)

A Elsa, il a pris beaucoup plus qu'un titre de roman. Une longue lettre qu'elle lui avait adressée, une lettre en forme de réquisitoire, où elle dit sa solitude, la solitude de la femme que le poète mythifie et néglige, l'isolant dans des châteaux impuissants de mots, de vers et de rimes, elle qui ne doit jamais le précéder, ni le ralentir, ni le suivre, ni le déranger, ni le laisser seul, une femme qui a vécu des années seule à ses côtés. Ces mots n'auraient jamais dû sortir de la chambre, il les prête à l'un de ses personnages , Blanche, comme si elle les avait écrits à son mari, Gaiffier. Il efface Elsa. (...) lui, l'écrivain, passe pour l'auteur des mots fictifs. Alors pour finir il passe sous silence les mots terribles d'Elsa : "Même ma mort c'est à toi que ça arriverait"
(p. 329)
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Ce que j'avais su d'abord, c'est qu'il était un fils naturel. Enfant, je m'interrogeais sur la signification du mot : naturel, un fils qui allait de soi, que la nature avait donné comme elle donne de bonnes ou de mauvaises
récoltes ? un enfant de l'amour, qui échappe aux lois, aux contrôles, aux règlements ? (...)
Il y avait aussi les filles-mères. Expression tout aussi étrange que fils naturel. Des mères qui n'étaient pas des femmes, des épouses bague au doigt et photo de mariage sur le buffet ? Des mères trop jeunes, encore des petites filles qui restaient chez leur mère ?(p.34-35)
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Je remercie et prends un prospectus, Aragon comme argument de vente, trois lignes des -Voyageurs de l'impériale-: la fiction est rattrapée par le marketing. On vante le grand poète, sans dire qu'il est le fils naturel d'un préfet de police qui n'a jamais reconnu l'écrivain et encore moins un écrivain communiste qui resté fidèle jusqu'à la trahison à son parti.
Le nom de Marguerite n'est pas même mentionné. (p. 301)
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Elle voit bien qu'au Tyrol comme ailleurs, comme toujours, comme partout, son fils écrit. Il griffonne des vers et dessine sur des pages volantes, aligne des rimes, croque des silhouettes. Il traîne sa mélancolie comme une mauvaise grippe. (...) Quand cessera-t-il de se torturer l'esprit et de raturer son feuillet, biffant ici et là les mots bleus qu'il a tracés ? Marguerite jette un oeil sur les pages griffonnées qui ressemblent à une peau scarifiée. Elle préfère les beaux dessins qu'il cache (...) (p. 193)
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François lui a rendu les mots confisqués sans qu'elle s'en rende compte d'abord, heureuse de l'écouter lui dire à elle, et par bribes, des moments de son enfance, les peurs de l'adolescence, puis heureuse de se livrer à son tour en lui racontant des souvenirs enfouis, des mots perdus, des peines refoulées, qui, elle le savait, l'émouvaient autant que ses récits à lui la touchaient, elle qui s'était longuement tenue à l'écart de tout ce qui aurait pu, justement, la toucher : bras, main, langue, sexe, mots. L'ébranlement, le petit séisme qu'il avait déclenché dans sa vie remettait en mouvement les mots trahis et les phrases engourdies. C'est peut-être ce qu'Adrienne avait essayé d'écrire à François, une nuit où les mots la tendaient vers lui.
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Il a voulu tout perdre pour tout gagner, tout laisser pour tout recommencer. L'amour des commencements. (p. 56)
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J'étais alors en Suisse où je travaillais, et j'ai eu envie d'aller visiter les lieux où elle a habité, pour découvrir à la fois son oeuvre et ce pays que je ne connaissais pas bien encore. Je n'avais pas la première idée de ce que j'allais découvrir ni de la force des obsessions qui allaient m'assiéger puis me conduire à vouloir tout connaître de la vie de cette femme. Pendant plus d'un an, de gare en gare, j'ai suivi Niki en Engadine, à Bâle où il y a le musée Tinguely, à Lutry, au bord du Léman, et à Fribourg, petite ville le long de la pauvre Sarine où se trouve l'espace Jean Tinguely - Niki de Saint Phalle. [...]. C'est en allant à Fribourg depuis Genève que j'ai pensé à ce récit pour la première fois : j'allais raconter l'histoire de Niki de Saint Phalle. Je ne savais pas alors qu'elle n'en serait pas la seule héroïne et que s'ouvrait devant moi un monde de folies, de violence et de révolte.
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Je suis soulagée de la décision que je viens de prendre, c'est ce que je dis à mon fils. Nous partirons en vacances plus tard -quand elle sera morte. Il y avait quelque chose d'indécent à vouloir aller marcher dix jours, en spéculant sur le nombre de jours, de semaines, de mois qu'il faudrait pour que le cancer la tue, puisqu'il n'était possible ni de reprendre le traitement, ni de soulager plus avant ses souffrances, ni de les abréger définitivement.
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Les journaux savent être indulgents avec les morts, surtout lorsqu'ils ont été patrons de presse. (p. 246)
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Louis a été amoureux de Madeleine comme on l’est parfois d’une grande sœur, inaccessible et interdite. Le séjour chez les Hamilton, dans la famille du premier époux de Madeleine, avait été un désastre. À Amesbury, la « sœur » de Louis n’est plus la jeune fille encore espiègle de son enfance. Quelque chose a changé en elle, elle a cette gravité que donne à certaines femmes le plaisir et sa promesse renouvelée. Il est un peu jaloux de ce beau-frère et se raidit chaque fois que Madeleine le taquine, il faudrait que tu épouses une jeune Anglaise, cela ferait plaisir à Marguerite, et puis tu as besoin de réconfort, de douceur, après toutes les horreurs que tu as vu au front, tu dois t’établir, s’il arrivait quelque chose à Marguerite, et Andrieux est si âgé maintenant, on dit même qu’il est le doyen de l’Assemblée Nationale, un titre de gloire dont on pourrait se passer quand on a un fils naturel de vingt-quatre ans qui n’a pas fini sa médecine. Mais Louis ne veut pas entendre parler de ses jeunes Anglaises. Il est désœuvré.
À sa mère, il a dit, à son retour, son émotion devant un tableau d’Ucello, la bataille de San Romano, les débris entre les jambes des chevaux, les gisants la face écrasée contre le sol, les cavaliers invisibles sur leurs casques, la gravité des deux visages au premier plan, le cheval blanc presque phosphorescent. C’est le soir de la bataille. On regarde les derniers soldats qui n’en finissent pas de se tuer. Marguerite l’entend pour la première fois parler de la guerre, dont il avait décidé de ne jamais rien dire. Pas un mot. San Romano. Elle ne se rappelle pas quelle est cette bataille. Lointaine. Ancienne. Des visages d’ange à la Piero della Francesca. Des couleurs dorées qui disent la beauté du monde et la gloire à venir ; et au loin tout petits sur les terrasses, des hommes à pied, désarmés.
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Le jour de l'enterrement, il est là. Seul. (...) Lui qui a vu tant de morts, de corps déchiquetés par les balles, de jeunes hommes qui hurlaient de terreur quand ils se réveillaient amputés, de fous continuant à se battre quand les bombes avaient cessé. Il n'a vécu rien de plus terrible que cette disparition. Elle lui est plus difficile que Dunkerque, que la prison à Tours, que la guerre à l'intérieur du Parti, que l'absence d'Elsa. C'est une douleur sourde, de celles qui épuisent et laissent sans voix. Une douleur à rester assis, là, sur place, sans pouvoir bouger, assis à attendre, sans savoir quoi, attendre au lieu de se battre. Pas de colère qui puisse le galvaniser. (p. 12)
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Il sait que cette femme qu'il vient d'enterrer est sa mère. Il le sait depuis toujours même s'il n'a jamais pu lui dire Maman. (...)Les mots n'étaient pas faits pour dire la vérité mais pour la masquer, la perdre et la faire varier à l'infini. (p. 22)
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Avec sa mémoire. Lui demander pardon, d'avoir éreinté son milieu, sa condition, et tout ce qu'elle a toujours fait pour tenter de rester droite, la tête haute, dans son appartement trop grand, trop cher, où il fallait garder le piano, tous ces caprices bourgeois qu'il avait méprisés et qu'il l'ui avait jetés à la figure à vingt-ans, parce qu'à vingt-ans on est ingrat et -injuste. (p. 28)
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