Le Déshonneur d'Elisabeth Campbell
Et les morts, Tyson les revoyait aussi, partout, sur les sentiers, dans les champs, dans les villages, des cadavres qu'on n'enterrait même pas. Les Américains chargés de cette tâche, munis de masques à gaz et de gants de caoutchouc, n'inhumaient que leurs compatriotes, empilant les autres et les arrosant de mazout avant de les brûler au lance-flammes. Tyson voyait encore les crânes éclatés et l'odeur des cheveux humains brûlés.
Il se rappelait le mot de son commandant de compagnie, le capitaine Browder :
"Ici, les vivants sont en minorité."
Et Browder, pour sa part, avait peu après rallié la majorité.
Il n'y avait jamais rien eu d'autre,dans cette relation épistolaire,qu'une amitié profonde fortifiée par le temps sauf peut être une fois de ci de la,une lettre rédigée aux heures tardives de la nuit,ou surgissait une ligne ou deux qui contenaient plus que le simple "salut comment va?".Un jour qu'il séjournait en Italie,il lui avait avoue:"J'ai vu le Colisée de nuit pour la première fois.J'aurais voulu que tu sois la."
Elle avait répondu : je l'ai vu quand j’étais en Europe, Keith,et tu sais quoi?j'ai eu la même pensée que toi."
En réalité ce n'étaient pas des mauvais bougres. Pas au début. Mais on ne peut pas faire faire trop de kilomètres à un homme, ni lui faire entrer trop de saloperies dans la cervelle, sans qu'il se détraque. Je ne les juge pas trop sévèrement. Même Brandt, je veux dire quand il a essayé de me tuer.
Beth me parla à voix basse, chuchotant presque et demanda:
- T u as un plan?
- Bien sûr.
- Et c'est quoi le plan, John?
- Le plan est de rester approximatif.
- Superplan.
- Ouais.
Colombus Day. On célèbre ce jour-la la mémoire d'un homme blanc qui, en titubant, prit pied sur un continent en croyant se trouver ailleurs. Je connais. J'ai vécu des expériences semblables en sortant du Dresner, mon bar favori.
Il est des cas qui éveillent comme un sixième sens, ou peut-être la réminiscence d’autres affaires stockées dans un coin de mémoire. Quand on entend les faits et qu’on examine les lieux, on se dit : quelque chose ne va pas.
Franck Bellarosa n'est pas le genre de célébrité qu'on a envie de rencontrer par hasard, ni de rencontrer du tout d'ailleurs. C'est une célébrité comme seule en produit l'Amérique, un gangster pour tout dire.
- Tu sais lire une carte?
- Un peu. Et toi?
- Pas de problème. Bleu, c'est l'eau, brun, c'est la terre. Je regarderai plus tard.
Je l’ai vu déposer en cour martiale. Il a toutes les qualités qu’on peut attendre d’un flic : fiable, logique, imperturbable, clair dans ses exposés. Pourtant, quelque chose en lui sonne faux et j’ai souvent eu l’impression que les juges préféraient le tenir à l’écart. Il est peut-être un peu trop froid et insensible. Quand l’armée en vient à juger l’un des siens en cour martiale, on éprouve en général dans ses rangs un peu de compassion pour l’accusé, ou du moins un certain intérêt. Mais Kent est de ces flics pour qui n’existent que le bien et le mal, et quiconque enfreint le règlement l’offense personnellement. Je ne l’ai vu sourire qu’une fois, lorsqu’une jeune recrue, qui avait mis le feu à un baraquement inoccupé un soir de beuverie, a écopé de dix ans pour son forfait. Eh oui, la loi, c’est la loi, ce qui permet à des colonels Kent pointilleux de trouver leur place en ce bas monde.
On ne se pose pas de question, on n’a pas droit à l’échec. Le principe est efficace au combat et dans la plupart des situations, mais pas dans la CID. Dans cette branche, il faut savoir désobéir aux ordres, penser par soi-même, braver ses supérieurs, l’essentiel étant de découvrir la vérité. Ce n’est pas toujours bien vu dans l’armée, qui se considère comme une grande famille dont on veut croire que « tous les frères sont valeureux et toutes les sœurs vertueuses ».