AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Nestor Urechia (14)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Dans les Bucegi

Les Bucegi, prairies verdoyantes entourées d'une «muraille presque verticale» de montagnes calcaires, ont trouvé leur conteur en la personne de Nestor Urechia. Avec une écriture éclatante de lyrisme, l'auteur évoque cette vallée des Carpates roumaines comme un monde d'enchantement non par la création d'un monde fantastique, mais par l'observation minutieuse et la célébration de la beauté de cette vallée malgré la succession des guerres et des occupations.



Pas de déflagration dans le récit, l'histoire est avant tout un prétexte pour l'auteur à interpréter avec des mots enthousiastes un hymne permanent à la nature sauvage et à la paysannerie roumaine qu'il affectionne. Il y a parfois la tentation de rapprocher ce roman à Walden ou La vie dans les bois de Henry David Thoreau, mais là où l'auteur américain revendique une éthique environnementale, Nestor Urechia adopte une approche purement émotionnelle. Il porte l'attention du lecteur sur le bonheur suscité par la contemplation de la nature et avec notre regard actuel on est séduit par le mode de vie harmonieux décrit que l'on qualifierait de nos jours de sobriété heureuse.

J'ai toutefois été surprise de découvrir cette philosophie à travers la voix d'un ermite vivant à flanc de montagne ; au XIXe siècle, la randonnée et la valorisation de la nature telles qu'envisagées par l'auteur étaient des activités bourgeoises. Loin des gens austères pénétrés par le froid des montagnes, notre guide est un paysan bienveillant doté des aspirations les plus nobles et qui agit consciencieusement selon les principes de son défunt père d'ascendance française.



Ce roman est a priori de l'ordre de l'insignifiance, l'exaltation de ce territoire enclavé relève parfois du panégyrique et l'auteur ne donne guère de relief à ses mots bien que le roman se déroule en montagne. Et pourtant cette lecture a quelque chose d'apaisant en ces temps troublés. Le dépaysement est assuré : le texte charrie une profusion de descriptions, et tellement de noms de fleurs et d'herbacés que l'on a la sensation de lire tout ça sur papier millimétré.

Cette lecture a été une invitation à l'évasion salutaire.



Commenter  J’apprécie          572
Dans les Bucegi

Dans les Bucegi est un court roman écrit par Nestor Urechia, auteur roumain qui vécut quelques temps en France. Il publia une première version de ce récit en français en 1906. Ici c'est une version enrichie d'ajouts ultérieurs, publiée en 1928 dans la langue maternelle de l'auteur, traduite du roumain par Gabrielle Danoux, dont j'ai eu le plaisir de faire la connaissance grâce à Babelio. C'est à la faveur de cette rencontre qu'il me fut donné de découvrir ce très beau texte et je la remercie pour ce partage.

Les amateurs de montagne se réjouiront de ce récit. Il en est avant tout une célébration. Il célèbre en particulier la chaîne des Bucegi, magnifiques montagnes roumaines situées dans la région des Carpathes.

De manière générale, il célèbre aussi le pays natal de l'auteur, encore naissant, puisque l'histoire se situe au dix-neuvième siècle, mais aussi la France qui fut pour lui une merveilleuse terre d'accueil, puisant même quelques souvenirs lointains dans les épisodes sanglants de la révolution française.

Ces deux places égales dans le coeur de l'auteur pour ses deux patries, la France et la Roumanie, se traduisent par une amitié sans faille qui va se sceller sur les contreforts des Carpathes roumaines, celle entre deux jeunes hommes, Andrei Jnepeanu et Mircea Trestianu à compter de 1872. Le récit embrasse ainsi une période de quatre-vingts ans, précisément de 1795 à 1875, puisque ce sont trois générations qui vont être conviées dans les pages de ce roman...

J'ai eu l'occasion de découvrir les Carpathes il y a cinq ans, mais de l'autre côté, sur les contreforts ukrainiens, des pentes peut-être plus douces. Ma future épouse, ukrainienne, tenait en effet à me faire connaître une des plus belles régions de son pays. Je me souviens de ce train poussif aux wagons énormes et lourds, héritage de l'ère soviétique, qui nous amena à destination en pleine nuit avec près de trois heures de retard... Au matin, nous découvrions l'âme d'un paysage à la pureté absolue...

L'enchantement des saisons égrène ce récit, parfois l'éloignement de Mircea, partageant son coeur entre Paris et la Transylvanie, se comble par des échanges épistolaires très touchants.

Nous empruntons alors ce chemin qui serpente parmi les ruisseaux et les torrents. Cette chaîne des Bucegi se devine, se mérite... C'est au prix d'une ascension éprouvante mais jubilatoire, au détour d'un col qu'elle se révèle, se découvre, comme un coup de théâtre dans le paysage, forgeant dans le même temps l'amitié des deux jeunes hommes... Qu'il est beau de découvrir leur candeur admirative, leur étonnement, devant la beauté qui s'offre à leurs yeux...! Comme nous sommes à leur côté, nous partageons leur émotion...

Ici la nature grandiose est célébrée, magistrale, vertigineuse, plus grande que le reste, plus grande que nous. Ces immenses pics acérés ressemblent à des titans convoqués depuis les récits les plus antiques, tels des personnages cyclopéens prêts à en découdre avec ce chaos de pierres. Ici ces personnages géants semblent se hisser hors du paysage, viennent de la nuit des temps et se fondent déjà jusqu'à la fin des âges...

L'enchantement de la nature est aussi à son comble dans la douceur et la paix qui s'exhalent sur les plateaux et les vallées, l'odeur de la gentiane printanière, l'élégance des villages, la quiétude des paysans... Comment imaginer qu'une telle sérénité fut tâchée de sang par les invasions cosaques ? Car l'auteur nous rappelle aussi que la nation roumaine s'est forgée dans un destin commun parfois douloureux...

Parfois il est relaté des moments très cocasses comme cette vieille paysanne que connut le grand-père de Mircea, qui s'allongea face contre terre et simula la mort, lui sauvant ainsi la vie lors de la rencontre impromptue avec un ours...

Dans ce contraste saisissant qu'offre la nature au plus profond de ses chemins escarpés, peut-être nous arrive-t-il, comme aux deux héros de ce livre, d'entendre la voix des fées de la montagne, d'entrevoir leurs ombres qui dansent au clair de la lune, lorsque nous nous approchons de l'ivresse des cimes ?
Commenter  J’apprécie          390
Dans les Bucegi

Pour découvrir les Bucegi on peut consulter utilement le Michelin-Guide-Vert-Roumanie qui en contient plusieurs occurrences dont celle de la page 136 (édition 2015) : "Séparées des précédentes [les Carpates orientales] par la vallée de la Prahova (au sud de Brașov), les Alpes de Transylvanie ou Carpates méridionales, à l'allure beaucoup plus alpine, culminent à 2544 m au pic Moldoveanu des monts Făgăraș. D'est en ouest s'allongent les monts Bucegi, Făgăraș, Parâng, Ciudrel et Retezat, regroupant des massifs en granit, gneiss ou calcaire, séparés par des vallées." Voilà pour la situation géographique.

Pour une visite virtuelle, et résolument littéraire, c'est Nestor Urechia qui peut vous y conduire, en toute sécurité. Je fais remarquer ici le caractère très romanesque de ce livre qui propose des pages d'histoire également vue par un étranger (l'épouse de l'auteur était Française) en Roumanie. Sachez encore qu'à la différence du titre (introuvable d'ailleurs) Dans-les-Carpathes-roumaines-les-Bucegi, paru en France, Dans les Bucegi réunit cette version française ainsi que celle destinée au public roumain. De nombreux passages d'ajout donc, dont certains vont probablement faire sourire par leur caractère "politiquement incorrect". Une belle flânerie ensoleillée qui sort, pour beaucoup, des sentiers battus.
Commenter  J’apprécie          380
Dans les Bucegi

Ce week-end, j'ai fait escale dans les montagnes roumaines avec Mircea, qui nous conte cette histoire. Il est un étudiant parisien qui rend visite à Andrei : un vieil ami d'enfance de son père, qu'il n'a jamais rencontré et qui vit dans les montagnes roumaines. Ce dernier lui faire découvrir le lieu où les deux hommes ont grandi. Il accueille Mircea chez lui, au cœur de la nature féérique roumaine ; et dans l'élan de cette visite impromptue, il ouvre un vieux coffre dans lequel son père lui a légué sa terrible histoire qui est à la fois celle de la France, sa patrie d'origine, et celle tout aussi mouvementée des Bucegi, ces montagnes protectrices qui l'ont recueilli lorsque la Révolution française l'en a chassé.





En peu de pages, c'est alors toute l'histoire de ces errances et de ces ancrages qui nous est contée. Dans cette ode à la nature autant qu'à l'humanité, où les symboles scellent les destins, l'amour et la renaissance règnent sur tous les autres. L'amour entre un noble émigré français en fuite (le père d'Andrei) et une paysanne roumaine dont la famille l'accueille ; sa renaissance, après d'atroces épreuves, dans ces montagnes roumaines, dont il tombe également amoureux. Car elles montrent l'exemple : sont mises à rude épreuve, résistent, s'adaptent, accueillent, revivent. La nature est ici un modèle et la source inépuisable de force et de bienveillance, génératrice d'émerveillement autant que de réflexions sur nous mêmes, nos propres forces et ressources. Elle est personnalisée par l'auteur, qui place ses personnages, leurs nations et la nature en miroir, jusqu'à ce que ce leurs reflets s'éclairent les uns les autres sans jamais s'éblouir, en parfaite symbiose.





*****



C'est plus largement et symboliquement l'histoire d'amour entre deux nations, duquel amour naît les enfants et petit-enfants que nous écoutons à leur tour propager ces liens indéfectibles. Cette lecture, douce comme une collerette d'Edelweiss, est un conte aussi moderne que suranné, enveloppé par les alpages dont les reliefs et la végétation luxuriante amortissent la rudesse de la Grande Histoire qui passait par là… Révolution française, épidémies de peste et de choléras, invasions russe, hongroises, etc… mais aussi parties de chasse, d'escalade et grand partage d'amitiés. Tout cela se déroule et se raconte sur un tapis de mousse et d'herbe fraîche, à l'ombre des grands pins, illuminé de fleurs des champs et de plantes magiques, qui guérissent une nation exsangue mais résiliente et des personnages nimbés d'amour qui prennent exemple sur elle et puisent leur force en elle.





Ce récit rappelle que la vie toute entière est comme ces montages des Bucegi : elle se mérite. On peut la prendre pour une vie facile lorsqu'elle nous accueille de ses merveilles à découvrir, puis en la pratiquant on se frotte parfois à des dépressions, des caprices de la nature, on y gagne des égratignures ; nous devons alors gravir des chemins escarpés voire des montagnes pour cueillir à nouveau un brin de soleil, la lune ou des étoiles. Heureusement, quelques pins rustiques aux branches desquelles nous rattraper, solidement ancrés, nous aident dans cette ascension ; et les clairières magiques qui se découvrent alors nous récompensent de nos efforts, de leur beauté enchanteresse. Dans ce court roman, les chardons sont ardents, la traduction ensorcèle ; On tombe sous le charme (avec ou sans jeu de mots). Merci Gabrielle, pour cette douce découverte et cette jolie traduction, un travail d'orfèvre !





« - Voici un beau pied de plante grimpante, ajouta-t-il, en indiquant à son ami une plante aux fleurs grandes, solitaires, d'un bleu violacé qui, faute de tuteur, s'était accroché au fût d'un sorbier.

- On dirait de la clématite !

- De la Clématite, mais alpine ; c'est l'atragène. Ne trouvez-vous pas là le symbole de notre amitié ? »
Commenter  J’apprécie          320
Dans les Bucegi

Ce roman nous donne un bel aperçu de ce qu'était la campagne roumaine au XIXième siècle, tout en présentant la situation politique en France pendant et après la Révolution, vue par les yeux de cet auteur roumain.

Tout à tour récit d'une nouvelles amitié et récit épistolaire, cette histoire qui se déroule sur plusieurs générations m'a surtout plu pour ses magnifiques descriptions de la nature dans les Bucegi, qui sont des montagnes roumaines (on découvre des choses tous les jours grâce à ce site): la flore sauvage, la faune dont ses ours venus baver au-dessus d'une vieille femme évanouie qu'il ne croquera heureusement pas, les maisons toutes simples, les coutumes et les traditions… on se croit sans peine sur les lieux et on y respire le grand air encore pur de cette époque.

Le récit épistolaire m'a un peu moins captivée, peut-être à cause de cette langue un peu désuète et (à peine) un peu précieuse.

Je remercie Tandarica, qui a traduit ce récit, pour ce partage et ce grand bol d'air frais.
Commenter  J’apprécie          300
Dans les Bucegi

J'ai eu la chance de lire ce beau livre grâce à sa traductrice, Gabrielle Danoux, que je remercie de me l'avoir transmis. Je le fais déjà partager à mes amis amateurs de montagne.



C'est un très beau texte qui célèbre une région et les traditions d'un pays, la Roumanie. Même si l'histoire débute dans les Vosges, avec quelques étapes à Paris durant la Révolution Française, la majeure partie du livre prend place dans ces magnifiques montagnes des Bucégi que le lecteur parcourt avec les personnages.



En peu de pages, l'auteur imagine le vécu de trois générations et même presque quatre avec le jeune Mircea qui découvre les Bucégi en compagnie d'Andrei. Celui-ci lui relate, par lettres ou en direct, l'histoire de son père et de son grand-père ainsi donc que ses origines françaises. De fait, le récit s'échelonne des années 1790 en France jusque vers 1875 en Roumanie.



Les descriptions des montagnes, de la nature, des fleurs, des animaux, des torrents ou ruisselets, se déploient au fil des quatre saisons. Elles sont empreintes d'une paix qui émane de chaque ligne, même si au long des années, la guerre et les invasions viennent détruire et abîmer la Roumanie et ses habitants.



Une grande poésie se dégage de toutes les pages consacrées aux monts Bucégi par exemple au travers des arbres qui sont célébrés par l'auteur, celui-ci allant jusqu'à leur conférer une certaine humanité, particulièrement aux mélèzes dont l'implantation acrobatique facilite quelquefois le parcours de Mircea et Andrei. Avec les arbres, ce sont tous les végétaux et animaux qui sont élevés au rang de quasi-divinités, comme l'edelweiss ou la gentiane printanière dont les yeux bleus sourient au randonneur.



Ciel, vent, neige, soleil, étoiles ne sont pas en reste; je retiens, entre autres, l'anecdote poétique de l'étoile des rois mages, venue éclater en une multitude d'étoiles au-dessus des Bucégi.



Vraiment, un grand livre pour tous les amoureux de nature et de montagne, le genre de lecture dont on ne peut se lasser quand on a le goût des grands espaces et des plaisirs simples.
Commenter  J’apprécie          190
Dans les Carpathes roumaines, les Bucégi

Dans le coffre fort que je cache quelque part dans ma bibliothèque réelle, il y a, allez-y, je vous en prie, n'ayez crainte (code d'ouverture 1906), ce livre. Il me permet d'abord de m'exonérer d'ISF (impôt sur les forces), mais aussi de croire encore qu'il est possible d'exister en tant que littéraire roumain(e) en France sans que l'ombre des productions subventionnées par l'ICR (Laure Hinckel, Mircea Cartarescu, Marily Le Nir et autres... Constantin Brancusi disait que rien ne pousse à l'ombre des grands chênes) ne plane illusoirement sur mon enthousiasme ou les aberrations du livre roumain qui s'affiche parfois à plus de 400 euros!

D'indisponibilité on peut parler au sujet de cette pépite, dont je dispose d'un exemplaire dédicacé par l'auteur lui-même. Sauf erreur de ma part, les trois éditions qui précèdent celle-ci seraient de la même année et par conséquent nous permettraient de conclure à un succès de librairie, comme en rêvait Gib I. Mihaescu. L'auteur dédie son récit de voyage à André Theuriet, "au maître écrivain, chanteur des bois, des fleurs et des doux sentiments" et qui semble aujourd'hui disparu de la circulation. Nestor Urechia n'a pas, selon moi, la saveur d'un Calistrat Hogaș, mais fait selon moi "œuvre de patriote" des lettres. Relire l’œuvre de presse Mihaescu qui disait dès 1932 (cf. Însemnări pentru timpul de azi)

"Monsieur ou madame Untel travaille à la transposition dans telle ou telle langue du valeureux roman, etc. [...] Eh bien, monsieur ou madame Untel travaille depuis un peu trop longtemps. Les diverses actions entreprises en vue de la réalisation de ce but fort louable sont généreusement arrosées avec –comme disait feu le professeur Longinescu– la vaseline des engrenages sociaux. Louanges anticipées et prises de position publiques ou discrètes, immatérielles ou matérielles, de reconnaissance, à volonté. [...] Mais rien ne peut s'entrevoir à l'horizon désert. Aucun résultat, je m'empresse d'ajouter, appréciable. Mais c'est une tout autre chose que j'attends qu'on me montre: une ou deux chroniques robustes, signées par autant de personnalités tout aussi robustes du pays où le livre en question vient de paraître, et puis un compte éditeur tout aussi solide. Ici, naturellement, monsieur ou madame Untel sourira, plein de sous-entendus… "Bah, cela ne me regarde pas. Euh... moi j'ai fait tout ce dont j'étais capable."

Nous ne doutons pas une seconde que la distinguée personne en question ait fait à ce sujet tout ce dont elle était capable. Mais le noble missionnaire ou la noble missionnaire des écrits roumains était trop peu capable."

Les monts Bucegi ont probablement beaucoup changé depuis la dernière fois que j'y étais en colonie de vacances, mais ils revivent sous mes yeux et dans mon coffre-fort.
Commenter  J’apprécie          170
Dans les Bucegi

C'est avec ce livre que je découvre le nature Writing, ce genre né aux Etats-Unis avec Thoreau "mêlant observations de la nature et considérations autobiographiques" (Wikipédia)

Ici, la montagne est un cadre de vie, un style de vie, une philosophie de vie, quasi une religion.

"Au milieu de cette ramification des monts Carpathes qui se nomme "Bucegi"", nous suivons la vie humble d'un montagnard roumain, Andrei J., d'une belle simplicité, robuste et généreux. Plongé dans une nature grandiose, qu'il connaît - presque - comme sa poche, il coule des jours heureux faits de marche et d'ascensions, de chasse, du travail du bois...

Quand les guerres que la Roumanie subit injustement ne pointent pas, on assiste à une "passation d'identité" entre Andrei et le fils de son défunt ami, Mircea, en plein XIXème siècle.

Quel plaisir de suivre leu vertu, quand elle est comme insufflée par ces montagnes, et qu'elles se font écho réciproquement.

"Un hymne à la gloire de la vie s'élève de ces plateaux ondulés, encore tout imprégnés de l'humidité hivernale, et c'est ma pensée qui, la première, s'accorde avec ce chant harmonieux." (p. 167) De là, la grandeur, la beauté de cette nature qui ne se prête pas facilement aux limites du langage, elle "se laisse admirer mais point décrire." (p. 161)

Et pourtant, quand le récit ne crépite pas de noms de fleurs, il offre néanmoins une large palette d'un beau vocabulaire, qu'il serve à rendre compte de la variation des tons successifs de la lumière qui nimbe les rocs, ou qu'il désigne les arrêtes, pointes, plateaux et autres échancrures ; tous les contours accidentés des crêtes de la haute montagne gagnant chacun caractère et identité.

"Il lui semblait que tout son corps se renouvelait, s'épurait, son esprit s'allégeait de toute la poussière d'idées qui l'embrumait dans la plaine. Et il s'endormit ?" (p. 187)
Commenter  J’apprécie          140
Dans les Bucegi

Grâce à Gabrielle Danoux, traductrice, rencontrée sur Babelio, je poursuis ma découverte de la littérature roumaine avec Dans les Bucegi de Nestor Urechia, un livre publié au début du XXème siècle et réédité en 2017 dans cette nouvelle traduction.



Les Bucegi sont une ramification des monts Carpates, en Roumanie.

Il s’agit ici pour l’auteur « de faire connaître au moins un coin de [son] beau pays que les Roumains méconnaissent tant et que les étrangers ne connaissent pas du tout ». Quelque part, c’est aussi une déclaration d’amour à la France, en particulier aux Vosges, comme à des cousines lointaines des Carpates.

Un jeune citadin, Mircea Trestaniu, découvre cette région en la parcourant avec un vieil ami de son père, Andrei Jnepeanu. La chronologie suit les saisons, de l’automne à l’été, dans une fausse continuité puisque plus d’une année s’écoule entre le début et la fin du récit.



Dans la première partie, la narration est très descriptive, avec beaucoup de détails, heureusement ponctuée de dialogues, ce qui rend le récit plus vivant. Le ton est parfois un peu désuet, très lyrique, et il m’a fallu un peu de volonté pour rester plongée dans ma lecture, que je mettais souvent en pause…

Et puis, j’ai fini par m’imprégner du lieu, les Bucegi devenant presque un personnage à part entière et, suivant cette clé de lecture, j’ai décidé d’apprécier la balade et le dépaysement.



La deuxième partie marque une rupture : Andrei donne à lire au jeune Mircea les mémoires de son père, un Français d’origine noble contraint à se réfugier au cœur des Bucegi. Ce journal est à la fois récit de voyage, puis de cavale, et, enfin, d’installation dans les Bucegi. Personnellement, j’ai apprécié certains détails, équestres notamment, et géographiques, dans la comparaison des Carpates roumaines et des Vosges françaises.

Ce récit enchâssé a le mérite d’ancrer le livre dans une certaine réalité historique, celle de la Révolution française et de la persécution de la noblesse. Peu à peu, même si la tonalité narrative dominante rejoint parfois celle du début, descriptive, à la limite du documentaire ou du guide de voyage, elle s’apparente le plus souvent à celle d’un roman d’aventures, d’une autobiographie ou encore d’un testament avec des péripéties, des rencontres, la découverte d’un trésor, un mariage, des deuils, des jalons historiques, des conseils et préceptes...



Si les tonalités de la troisième partie demeurent très narratives et descriptives, avec de beaux accents lyriques, le récit s’inscrit dans un écrin épistolaire… Andrei écrit à Mircea et lui raconte, par le menu, l’ensemble de ses activités et observations hivernales. Au lieu de répondre à ses lettres enthousiastes, le jeune homme lui fait la surprise de revenir le voir.

Dans une certaine circularité, les deux amis se retrouvent encore une fois dans une auberge puis visitent la région ; seule la saison a changé, l’automne faisant place au printemps. Pendant les journées pluvieuses, Andrei complète le journal de son père en faisant à Mircea le récit des évènements qui ont suivi sa mort. Les intempéries présentes allégorisent les temps difficiles et les invasions subies par la Roumanie.

Puis, nous suivons une partie de chasse, enrichie de souvenirs de rencontres animales passées et une belle excursion dans les montagnes, émaillée d’histoires et de légendes.

Enfin, la correspondance reprend après le départ du jeune homme.



Plus tard, Andrei écrit à nouveau à Mircea pour lui narrer par le menu l’année écoulée depuis son précédent séjour ; puis l’étudiant revient pour préparer sa licence dans ces montagnes qu’il a appris à aimer. La quatrième partie s’annonce donc pleine de redites et de redondances… Pourtant, l’écriture est toujours fluide et agréable, l’ambiance bucolique ou soumise aux intempéries ; les promenades champêtres alternent avec les ascensions périlleuses... Je me suis laissée portée, profitant des paysages et d’une certaine montée en puissance dans l’exploration des lieux.



Encore une fois, avec cette lecture, je mesure la difficulté des enjeux de la traduction. Dans les Bucegi est un récit très détaillé, avec beaucoup de mots précis, noms de fleurs ou de particularités géographiques, termes particuliers ; je vous laisse découvrir ce que sont les « sangles » des Bucegi… Gabrielle Danoux a fourni un travail documenté, ciselé ; ses notes de bas de pages enrichissent la lecture.



Je dois avouer, en toute honnêteté que j’ai trouvé cette lecture un peu répétitive et que j’ai dû persévérer pour en venir à bout… Je ne regrette pas cet effort de volonté qui m’a permis de vivre une parenthèse montagnarde.






Lien : https://www.facebook.com/pir..
Commenter  J’apprécie          130
Dans les Bucegi

Merci à Tandarica, qui m’a permis d’accéder à ce roman écrit par un auteur roumain du début du XXème siècle. Le roman « Dans les Bucegi » a été publié d’abord en français, en 1906, sous le titre « Dans les Carpathes roumaines », puis en roumain, en 1907.

Ceci symbolise bien le profond attachement de la Roumanie à la culture française.

J’ai trouvé deux thèmes dans ce livre : une évocation de l’histoire roumaine, et d’un peuple qui, comme beaucoup de sociétés d’Europe Centrale, a été tiraillé entre des influences contradictoires : les Russes, les Hongrois, les Autrichiens, et même les Turcs. Souvent les habitants du pays ont été pris dans les guerres qui opposaient leurs puissants voisins.

Mais cet aspect historique n’est évoqué qu’à quelques occasions.

Le sujet principal est la région des Bucegi, un massif de moyenne montagne au Sud –Est de la Roumanie. Dans les années 1870, un jeune étudiant, Mircea, fait la connaissance d’Andrei, fils d’un Français émigré en Roumanie à la suite de la Révolution. Après avoir retracé le parcours de son père, Andrei fait découvrir à Mircea, qui ne les connaît pas, les paysages et l’environnement des montagnes de la région de Pradeal.

Le livre est surtout un descriptif admiratif de la nature au fil des saisons, et on sent bien que Nestor Uchea a profondément aimé cette région. J’ai retrouvé parfois dans ces pages les accents lyriques des premiers visiteurs de la vallée de Chamonix, ou de Victor Hugo découvrant le Mont Blanc. Les descriptions sont très (un peu trop ?) détaillées, elles permettent de bien visualiser par exemple la richesse des fleurs d’alpages au début de l’été ; on pourrait même s’aider des gravures d’une flore des montagnes, car à la façon d’un Jules Verne, Nestor Uchea n’est pas avare de précisions et de noms botaniques détaillés. Même abondance de détails dans la description des montagnes, mais là c’est un peu plus difficile pour un lecteur français, les noms roumains étant parfois difficiles à retenir.

J’ai eu par instants la sensation de lire une brochure touristique, et ce n’est peut-être pas qu’une simple impression : Wikipedia m’a appris que Nestor Uchea appartenait au Touring Club roumain, et avait sans nul doute le souci de promouvoir cette région. Reconnaissons cependant qu’il a eu dès le début du XXème siècle la vision claire de ce qu’il ne fallait pas faire : il souligne, par l’intermédiaire du personnage de Mircea, la nécessité de respecter la nature et de la préserver de l’envahissement que l’on constatait déjà à l’époque en Suisse, où les chemins de fer à crémaillère, les hôtels et les téléphériques s’implantaient partout sans grand discernement. Que dirait-il en découvrant les télésièges et les pistes de ski maintenant installés à proximité de Pradeal ?

L’intrigue du roman n’a que peu d’importance, car elle est tranquille et comporte peu de péripéties. Ce livre est avant tout une invitation au voyage et à la découverte de la montagne. La manière reste, pour moi, un peu moins prenante que celle de Roger Frison-Roche (que j’adore depuis…toujours !), mais cette lecture réserve de bons moments.

Commenter  J’apprécie          130
Dans les Carpathes roumaines, les Bucégi

Typiquement un roman à double sens : un premier degré où il s'agit simplement de l'histoire d'un Français exilé en Roumanie (l'auteur a vécu en France et épousé une Française) et de son descendant devenu roumain, de l'amour des montagnes, de la nature, de la patrie, une sorte de "panpatriotisme". On rejoint ici la théorie défendue par Eugène Ionesco dans "Littérature roumaine": la littérature comme expression de la constitution d'une nation. Entendons-nous : je ne trouve pas Urechia sans défaut, son premier étant celui, fréquent, de ceux qui ont pratiqué longtemps les sciences dures. Impeccable sur toutes ses considérations techniques et biologiques, surtout botaniques (Urechia a fait Polytechnique), il a, entre autres, zappé son Fustel de Coulanges et accorde dans sa conception de l'histoire et de la politique, une importance démesurée à la notion de race : ce n'est pas parce que la méthodologie des sciences humaines a souvent du plomb dans l'aile qu'on n'y a pas fixé un minimum d'acquis depuis plusieurs siècles et qu'il faut se fier à des clichés de base (voir le chapitre Hongrois ou Russes).

Cependant, au-delà de l'affirmation de la nation, un second degré émerge clairement. Urechia a en effet multiplié les sous-entendus sexuels, voire homosexuels, dans des montagnes qui ne manquent pas de symboles phalliques. Le père Siméon symbolise les Juifs, que l'auteur intègre en tant que fils de paysans, position audacieuse à son époque, à laquelle régnaient en Roumanie des lois antisémites. Les pins rampants symbolisent même à mon avis les Tziganes, jugés rudes mais utiles. Au final, le nationalisme doit être ouvert et tolérant : "beau, nul poète au monde ne pourrait décrire cette merveille ; ce paysage est une révélation de pure beauté, non point rigide, mais bonne, accueillante." Urechia a véritablement vécu son enfance dans les montagnes, en marge, loin des bruits entre autres de la politique ; devenu professeur, il est resté discret. La littérature cache sa nature psychédélique et hédoniste, moyennant quoi il était évident que sa postérité en Roumanie se limite à... la littérature pour enfants (voir "Les Fées de la vallée du Cerf")
Commenter  J’apprécie          110
Dans les Bucegi

Nature et découverte de deux civilisations, deux pays aussi éloigné que proche.

D'une période d'histoire à une autre, les hommes et les territoires se rassemblent et se ressemblent et les âmes se racontent à la lueur des feux d'antan.

Petites promenades sur les versants d'un pays aux frontières multiples.

A découvrir avec le charme de son peuple et de ses contes, accompagné du style personnel de son auteur.
Commenter  J’apprécie          100
Dans les Bucegi

Merci à Gabrielle Danoux d'avoir traduit ce roman roumain du début du XXème siècle et me l'avoir fait partager.

"Dans les Bucegi" est assez court (210 pages) et divisé en quatre parties correspondant à des saisons. Comme son titre l'indique, il se situe dans les montagnes Bucegi, ramifications des légendaires monts Carpathes. C'est un roman assez bucolique dans lequel la nature a une place très importante.

La première partie relève presque du guide touristique tant les descriptions de merveilleux paysages sont nombreuses et très précises.

La deuxième partie confirme l'étroitesse du lien entre la France et la Roumanie. Elle fait aussi allusion à la dramatique histoire roumaine, sans cesse envahie et pillée au fil des années. C'est celle qui m'a le plus intéressée.

Les troisième et quatrième parties prennent l'excuse des excursions de Mircea et Andrei pour nous entraîner dans de nouvelles descriptions de montagnes.

Ce roman est une déclaration d'amour de Nestor Urechia à sa région, et donne effectivement envie d'aller randonner "Dans les Bucegi". D'ailleurs, une rapide recherche d'images explique l'enthousiasme de l'auteur. Mais j'avoue qu'il est un peu trop contemplatif pour moi. J'aurais apprécié un peu plus d'enjeu dramatique.

Cependant, tous les amoureux de nature, de montagne et de randonnée trouveront certainement leur bonheur, de quoi attendre leurs prochaines vacances, voir même une idée de destination...
Commenter  J’apprécie          90
Dans les Bucegi

Je poursuis ma découverte de la littérature roumaine, grâce à Gabrielle Danoux (Tandarica) que je remercie au passage. Cette oeuvre est copieuse, importante, dense et nécessite concentration et projection. L'auteur demande beaucoup au lecteur mais lui donne en échange énormément. On découvre, à travers une trame amicale, un récit épistolaire et un compagnonnage de route, cette région montagneuse de Transylvanie qui est surprenante. Tout est décrit : TOUT ! Des constructions de maison au paysage, la faune, la flore, les relations sociales et surtout les affres militaro-politiques qui ont touché directement ou indirectement cette région. Le prétexte narratif est beau, simple et construit de manière moderne je trouve pour l'époque. Enfin, qu'est-ce la modernité. Vaste débat... J'ai appris énormément sur la roumainie, son climat, ses paysages, sa complexité, à travers cet ouvrage qui n'a rien à jalouser du côté de Maxence Van der Meersch. Ce n'est pas ce que je lis directement, spontanément, mais j'en garde de très belles images. Merci.
Commenter  J’apprécie          70


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Nestor Urechia (17)Voir plus

Quiz Voir plus

Le passage du diable

Quel est le nom de famille du personnage principal ?

Cuningham
Qunnigan
Cunningham
Daniel

10 questions
73 lecteurs ont répondu
Thème : Le passage du diable de Anne FineCréer un quiz sur cet auteur

{* *}