Plus tard, Töpperwien fut envoyé en Ukraine où son chemin passa de nouveau par des sites de tuerie; il n'en fallut pas moins encore dix sept mois à ce professeur de lycée réfléchi pour s'avouer ce que tout cela voulait dire. C'est seulement en novembre 1943 qu'il écrivit dans son journal : "nous ne détruisons pas seulement les juifs qui nous combattent, nous voulons littéralement exterminer ce peuple en tant que tel". Le détonateur de cette réflexion fut une conversation avec un soldat par qui Topperwien apprit "des détails épouvantables, apparemment exacts, sur la manière dont nous avons exterminé les juifs (des enfants en bas âge aux personnes âgées) en Lithuanie" August Topperwien semble avoir eu besoin du stimulant d'une discussion-quoique en privé- pour placer ce qu'il avait vu dans un contexte général.
" se pouvait-il que tous les nazis que j'ai connus - à peu près tous ceux que j'ai aimés - aient été les brutes odieuses que l'on a décrites ensuite ? "
Il assura surtout à Maria qu'il était protégé par leur "amour transcendant, qui participe à l'amour du monde entier". L'horrible déroulement de la guerre perturbait un homme tel que lui et intensifiait son engagement. Une telle guerre ne devait jamais arriver en Allemagne, et il fallait la gagner de façon décisive. Des soldats et leurs familles associaient la guerre non pas au régime nazi, mais à leurs propres responsabilités intergénérationnelles. Elle se révéla le fondement le plus solide de leur patriotisme.
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Les allemands avaient du mal à comprendre pourquoi il fallait à présent faire preuve de compassion envers les polonais qui étaient d'effroyables ennemis il y a peu.