Noémi Lefebvre

- Nous ne sommes pas flaubertiens mais nous connaissons bien ce pays de Madame Bovary
- Et plutôt crever que de rester ici
- C’est ce qu’elle fit du reste

- Est-ce que c'est la guerre Papa ?
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Je sais pas, tous ces militaires devant les magasins
- Alors c'est la guerre
- Mais les gens font les soldes
- Alors c'est pas la guerre
- Des policiers vérifient les sacs à main et les identités
- C'est que c'est la guerre
- Mais il n'y a pas de blindés ni de bombardements sur la bonne ville de Lyon
- C'est pas la guerre, alors
- Il y a des troupes au sol
- Alors c'est la guerre
- Mais il n'y a pas de batailles
- C'est que c'est pas la guerre
- Les gens ont peur, Papa
- Parce que c'est la guerre

Le vent était au nord et les avions tournaient, les magasins étaient ouverts à l'amour de toutes choses, les militaires par quatre et la police par trois patrouillaient dans la rue.

La confusion mentale est difficile à penser .
ma mère n'y pense pas, on dirait qu'elle veut rester dans l'ignorance, elle a peur de perdre la santé mentale en pensant à cette pensée. Elle préfère croire à une croyance
que penser à une pensée .quand elle doit penser à la
pensée elle se met à croire à sa
croyance, ma mère préfère
croire, c'est un trouble mental
de la pensée de ma mère à
cause des bonnes sœurs de son
éducation, elle pense que la
pensée menace la croyance à
laquelle elle croit par crainte de
la folie. Elle croit que la folie et
la pensée mentale sont un seul
et même trouble.

Se voir dans ce miroir devait suffire à Jean-Luc vu l’état de ses sentiments sur lui-même et les circonstances difficiles de la recherche d’emploi, alors changer de vision c’était hors de son esprit, il avait son objectif, rester sur les chiottes et se raser pour se faire une tête de chef de vente, voilà ce à quoi il s’appliquait et où en étaient les choses, il pouvait seulement continuer avec le rasoir et le reste qui occupait tout son esprit et c’est ainsi sans aucune surprise qu’il a répondu tout en se regardant, il voulait pas se rater, tu crois pas qu’on en a assez parlé ? j’ai demandé de quoi, parlé de quoi ? parce que je voulais le pousser dans les retranchements avant de me tirer peut-être pour toujours, encore une fois les retranchements, user jusqu’au non retour, user et abuser et tout exagérer en allant trop loin, le poursuivre au plus loin pour démolir et rendre irréparable, et comme il répondait pas j’ai redemandé parlé de quoi, et lui, ça y est, il dit, ça recommence.

Elle m'apportait des choses pour me symboliser, elle avait fait un sac, elle me vidait son sac, c'était des choses à moi, qu'elle m'avait bien choisies, elle me montrait les choses, elle me faisait l'article, elle me valorisait par les choses que
j'avais.

Ma mère ne disait rien, elle a de l'empathie, c'est une capacité à entrer dans quelqu'un. Elle me rentrait dedans tout en restant dehors. Elle me rentrait mais elle n'y était pas. Il n'y a pas la place pour deux, même pour ma mère. Ma mère n'est pas chez elle à l'intérieur de moi .
et s'il m'est arrivé d'être à l'intérieur d'elle, c'est entièrement sa faute.

Ma mère est sans corps. Le corps n'est pas dans la tête de ma mère. Ma mère a une absence de corps en tête. Le corps de ma mère ne pèse rien du tout. Il est presque vide. Ma mère n'a pas d'organe, ma mère a une âme, c'est tout ce
qu'il y a dedans, elle vit sans reins ni foie ni cœur ni rate ni estomac ni poumons ni viscères . ma mère n'a pas à s'occuper de tout ça, elle n'a besoin de rien. Elle a une âme qui produit l'énergie. Ma mère fait la gym
avec son âme. La gym est une discipline de l'âme à laquelle ma mère se plie tous les matins en faisant des moulins. La discipline de l'âme de ma mère est une direction morale orientée par la prière. Elle mouline en priant et prie en
moulinant .
après elle fait le café.

J'avais eu une famille et une habitation que j'appelais chez moi .
j'avais beaucoup de choses dans mon habitation, c'était des choses de valeur qui me symbolisaient, faisant que je me sentais tout à fait chez moi chez moi, étant si bien incorporées que réellement devenues mon intérieur. J'étais habitée par
mon habitation avec mon habitus. Incorporant mes choses, j'étais intérieurement dans mon corps collectif, j'avais tout ce qu'il faut et même davantage. J'avais tout en étant
et j'étais ce que j'avais. Mes
choses et moi c'était tout un .
les gens étaient contents, ils
me reconnaissaient en voyant
mes avoirs, nous avions, les
gens et moi, beaucoup de choses en commun, tout se
passait normalement au milieu
de mes choses et nous étions
heureux, d'un point de vue
social, c'était la vie heureuse
(...)

- On ne peut pas brandir la fin du monde vivant pour cesser de s'occuper des choses

Je me demande si les abus politiques sont transmis par la mère ou transmis par la guerre.

Si ce leg de souvenirs dont ma mère ne se souvient pas ne serait pas mon héritage indivis.

Je me demande si la nation n'y est pas pour quelque chose.

La nation entretient un rapport avec l'état des gens, par exemple un rat.

Si on prend un rat, on le fait appartenir à une nation de rats et on le met en contact avec une guerre ou un viol. Le rat est énervé, il s'affole, il tourne en rond sous l'oeil de la nation. Il est traumatisé. Mais le rat dans la violence appartient à la nation. Le rat n'est pas tout seul. Il y a la nation qui s'occupe de son cas.

j’admirais ça chez le kangourou, ce truc de faire des bonds naturellement sans intention sportive

l’élégance est son apparence profonde

Le chien a eu l’air de chercher mon affection avec un miaulement, j’ai pas marché, souvent chien plaisante, fait le grand jeu, mais c’est comme ceux qui manquent de reconnaissance, ils prennent l’affection de n’importe qui.

- Nous ne comprenons pas pourquoi il a fallu passer du bonheur immoral dans l'état de nature à l'état pas marrant sous contrat social

- Il y a des sujets plus importants quand même
- Comme par exemple le réchauffement
- Dont nous sommes conscients
- Nous sommes bien obligés parce qu'il fait trop chaud
- La chaleur s'impose à la conscience, contrairement à la science et à la connaissance
- Nous avons ignoré les travaux scientifiques
- Il faut dire que ça nous dépassait
- Longtemps nous continuâmes à vivre comme avant
- En culpabilisant
- Car nous sommes responsables
- Même si c'est pas notre faute
- Parce que ça nous dépasse
-

[...] de retour à Bellecour il y avait l'eau des canons sous la pluie et une compagnie républicaine en pleine action de sécurité qui est, d'après le ministère de l'Intérieur, la première des libertés car tu dois travailler, tout le monde courait et pleurait à cause des lacrymos parce que tu es à la disposition de l'employeur et dois te conformer à ses directives, les tirs de flashball allaient droit vers les jambes et les ventres parce que tu ne dois pas vaquer librement, quelqu'un m'a pris le bras et m'a fait passer derrière le kiosque à journaux, j'ai attendu là, j'avais envie de vomir, nous étions quatre ou cinq à pleurer sans tristesse parce que c'était le printemps.

Parce que même si peut-être en effet, "il y a fascisme et fascisme", et même si le nazisme est le facisme sont deux régimes différents, il n'empêche que les fascistes se réfèrent au nazisme comme modèle le plus réussi dans le genre qu'ils admirent. Ainsi les fachos de la bonne ville de Lyon, comme partout les fachos, ont un amour pour les nazis qui vénérent Hitler qu'ils appellent le Führer. Il y a, dans la bonne ville de Lyon, cet amour pour Hitler le Führer qui passe par les nazis et dépasse l'entendement des forces de l'ordre.

La mort dans l’âme est peut-être l’envers de la fleur au fusil, elle est le brouillard montant des cimetières de la Somme, de la Meuse, du silence de la terre et de l’industrie de guerre.

Depuis des années tout ce qui me traverse l’esprit est discuté dans ce tribunal que j’appelle maison morte, où siège mon père. Des gens parlent avec Dieu, d’autres avec leur chien, mon père est mon chien mon Dieu, l’instance qui me mord le cul et me redresse l’âme, celui qui me protège contre toutes sortes d’errances et qui m’empêche de vivre.