Citations de Olivier Bordaçarre (138)
Les événements n’arrivent jamais seuls, il faut les provoquer, préparer le terrain, défricher, dépolluer l’atmosphère. Une énergie libérée est une énergie qui exprime la totalité de son potentiel. Rien ne peut avoir lieu sans ton concours. Tu dois faire cesser l’humiliation, lui faire comprendre qu’il n’y a pas d’alternative.
Ne m’oblige pas à déclencher des hostilités beaucoup plus radicales, parce que, si c’est moi qui prends la direction des opérations, ça va se terminer par de la viande sur les murs. Pigé ?
Pigé.
C’est comme les insectes. Ils se cachent, ils creusent leurs galeries, font leurs nids au cœur des charpentes, les rongent, sans qu’on s’en aperçoive et, un jour, tout s’écroule !
Le pouvoir, ça se prend. Il y a les lapins et les crocodiles. Jamais un lapin ne mangera un crocodile. Profite de cette réalité-là. Tu domines. Elle est déjà amputée, la chair de sa chair est passée à l’incinérateur. Elle n’est plus rien. Tu vas pouvoir conclure. Tu as tout ce qu’il te faut sur place. Utilise les outils que la providence met à ta disposition.
Il a peur. Le cœur à deux cents pulsations minute, les yeux révulsés, les muscles tétanisés jusqu’à la fin. Même plus la force de crier. Comme Jeanne d’Arc. Elle pensait à quoi, la pucelle, sur son bûcher ? Quand les flammes lui léchaient les mollets ? Tu crois qu’elle pensait à Dieu ? Je vais te dire à quoi elle pensait, l’illuminée : à la viande.
Elle se sentait coupable d’avoir attisé le désir du professeur. En était-elle vraiment responsable ? Elle se perdait en elle-même.
En regardant ostensiblement ses seins, il mit un genou à terre et apposa une main sous son buste et l’autre sur l’arrière de sa cuisse. Il la tenait. Il bandait et avait une intense envie de la pénétrer, là, tout de suite, sur le tapis. Il lui murmura que c’était très bien, qu’elle était parfaite dans cette position, que son élégance naturelle s’en trouvait augmentée et que ses tensions disparaissaient à vue d’œil.
Lui-même se savait bel homme et de nombreuses femmes étaient sensibles à son charme, alors, avec ce message, oui, pourquoi pas elle ? Hier, sur les marches du perron, peut-être, dans les silences de leur bref dialogue, elle avait paru gênée… D’ailleurs, elle n’avait pas perdu de temps pour s’inscrire à une séance.
Il faut attendre. Prendre son mal en patience. Elle vient d’entrer dans un nouveau monde. Un monde de lenteur et de silence. Rien ne bouge. Tout est calme. Pas un courant d’air. Pas le moindre éclair de lumière ne vient nuancer l’ambiance du lieu. Juste l’odeur de moisi, et cette ombre qui a fait un pas et s’est statufiée. Le temps passe. Ou peut-être qu’il a cessé de passer et que Lucie Delcourt restera dans cette position éternellement. La conséquence de ce temps, qui, peut- être, s’est arrêté, est une plongée dans l’univers de la question sans réponse.
Quelque chose t’aveugle. C’est peut-être trop difficile pour toi d’exprimer ta douleur, je ne le nie pas, mais ne m’empêche pas de dire la mienne, s’il te plaît. Je me sens totalement vide, c’est comme si la vie avait quitté mon corps, bouger me demande un effort surhumain, je n’en peux plus…
Cette chaleur la dégouttait. Son sexe la dégoûtait. Elle croyait sentir des odeurs pestilentielles issues de son intérieur, avait envie de vomir en permanence. Elle se rasa le pubis, comme pour se réapproprier cette partie meurtrie en la projetant en arrière, vers l’enfance, vers l’imberbe, la virginité, l’innocence, et oublier, oublier. Elle n’avait plus goût à rien. Elle était totalement désespérée. Elle aurait voulu qu’Antoine la consolât encore, la tînt dans ses bras toute la journée, lui caressât les cheveux. Mais, plus que tout, elle voulait l’impossible : que Fleur revînt.
On ne peut pas s’approprier les gens de cette manière. Moralement, c’est inacceptable. C’est du recel, de l’abus de pouvoir. Cette expérience démontre qu’on peut être un homme sous influence. Et le Geoffroy Renaudy qui court toujours, tu lui couperas les couilles.
Mais ce qui est fait est fait. Ne reviens pas sur le passé. Avance consciencieusement. L’objectif à atteindre se rapproche. Et puis faudrait pas exagérer : à cet âge- là, ça mesure combien un fœtus ? dix ou vingt centimètres, pas plus. Autant dire rien du tout. Alors quand ils disent qu’elle a perdu son bébé, ce n’est pas tout à fait ça. L’idée d’un bébé, oui, peut-être. L’espoir d’un bébé.
Un enfant grandissait dans son ventre, allait naître sur cette terre, en plein cœur du Verdon, irait à l’école de Moustiers, au collège de Digne… Elle touchait souvent son ventre, sentait la tension de sa peau, ne rentrait plus dans ses jeans, supportait sans plainte les désagréments d’une grossesse. Antoine aimait poser son oreille là où le bébé vivait, y appliquait un mélange d’huile et de lavande, prenait des photographies de l’évolution et parfois, le soir, lui fredonnait une chanson douce. Bientôt, ils prépareraient sa chambre.
Antoine n’insistait pas : c’était un garçon conciliant, patient, attentif, et totalement amoureux. Alors Alyson pouvait toujours corriger de deux millimètres la position d’une fourchette, elle restait aux yeux du garçon la femme de sa vie.
Pour plonger si voluptueusement dans l’oisiveté, il fallait ignorer qu’elle est mère de tous les vices.
On m’a dit que j’étais bonne qu’à récurer les chiottes, alors je récure. Mais faut pas m’en demander trop, d’avoir le sourire et de faire comme si je prenais mon pied. Merde !
Les névrosés, c’est comme ça : l’égocentrisme fait partie du régime.
La souffrance est un désert, on boit du sable et on crame de la tête et des pieds.
Il sera inutile de perdre son temps à dévoiler le drame avec détails et ressenti. Nul ne pourra comprendre. De toute manière, pour les autres, ce ne sera jamais qu’une tentative de viol. Pas un viol. Non, juste une tentative. C’est beaucoup moins grave. Cela ne laisse pratiquement pas de trace. Et puis, à cet âge-là, on oublie vite. Bien sûr.