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Citations de Paul Bourget (155)


Pour mieux définir cet homme d’une qualité si rare que cette esquisse d’après nature risquera de paraître invraisemblable au lecteur peu familiarisé avec la biographie des grands manipulateurs d’idées, il est nécessaire de donner un aperçu des journées de ce puissant travailleur. Été comme hiver, M. Sixte s’asseyait à sa table dès six heures du matin, lesté seulement d’une tasse de café noir. À dix heures, il déjeunait, opération sommaire et qui lui permettait de franchir à dix heures et demie la porte du jardin des Plantes. Il se promenait là jusqu’à midi, poussant quelquefois sa flânerie vers les quais et du côté de Notre-Dame.

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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Toute la formule de sa vie tenait dans ce mot : penser.

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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La thèse de l’auteur consistait à démontrer la production nécessaire de « l’hypothèse-Dieu » par le fonctionnement de quelques lois psychologiques, rattachées elles-mêmes à quelques modifications cérébrales d’un ordre tout physique. Cette thèse était établie, appuyée, développée avec une âpreté d’athéisme qui rappelait les fureurs de Lucrèce contre les croyances de son temps. Il arriva donc au solitaire de Nancy que son œuvre, conçue et composée comme dans une cellule, fut du premier coup mêlée d’une manière tapageuse à la bataille des idées contemporaines. On n’avait pas rencontré, depuis des années, une pareille puissance d’idées générales mariée à une telle ampleur d’érudition, ni une si riche abondance de points de vue unie à un si audacieux nihilisme.

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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En 1808, le fils du petit horloger de Nancy, âgé alors de vingt-neuf ans, publia un gros volume de 500 pages intitulé : Psychologie de Dieu, qu’il n’envoya pas à plus de quinze personnes, mais qui eut la fortune inattendue d’un scandaleux retentissement. Ce livre, écrit dans la solitude de la pensée la plus intègre, présentait ce double caractère d’une analyse critique, aiguë jusqu’à la cruauté, et d’une ardeur dans la négation, exaltée jusqu’au fanatisme. Moins poète que M. Taine, incapable d’écrire la magnifique préface de l’Intelligence et le morceau sur l’universel phénoménisme ; moins desséché que M. Ribot, qui préludait déjà par ses Psychologues anglais à la belle série de ses études, sa Psychologie de Dieu alliait à la fois l’éloquence de l’un à la pénétration de l’autre, et elle avait la chance, non cherchée, de s’attaquer directement au problème le plus passionnant de la métaphysique.

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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M. et Mme Sixte – car Adrien avait encore sa mère – ne pouvaient d’ailleurs reprocher quoi que ce fût à ce garçon qui ne fumait pas, n’allait pas au café, ne se montrait jamais avec une fille, enfin qui faisait leur orgueil, et aux volontés duquel ils se résignèrent, le cœur navré. Ils renoncèrent à ce qu’il prit aucune carrière, mais ils ne consentirent pas à le mettre en apprentissage ; et le jeune homme vécut chez eux sans autre occupation que d’étudier à sa guise. Il employa ainsi dix années à se perfectionner dans l’étude des philosophies anglaises et allemandes, dans les Sciences Naturelles et particulièrement dans la physiologie du cerveau, dans les Sciences Mathématiques ; enfin, il se donna, comme l’a dit de lui-même un des grands écrivains de notre époque, cette « violente encéphalite », cette espèce d’apoplexie de connaissances positives qui fut le procédé d’éducation de Carlyle et de Mill, de M. Taine et de M. Renan, de presque tous les maîtres de la philosophie moderne.

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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Il fit des études d’abord très brillantes, puis moyennes, jusqu’à ce que, dans la classe de philosophie, qui portait le nom de Logique, il se distinguât par des aptitudes exceptionnelles. Son professeur, frappé de son talent de métaphysicien, voulut le décider à préparer l’examen de l’École normale. Adrien s’y refusa et déclara d’ailleurs à son père que, métier pour métier, il préférait à tous un travail manuel. « Je serai horloger comme toi… » fut sa seule réponse aux objurgations de ce père, qui caressait, comme les innombrables artisans ou commerçants français dont les enfants fréquentent le collège, le rêve, pour son fils, d’un avenir de fonctionnaire.

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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Né en 1839 à Nancy, où son père tenait une petite boutique d’horlogerie, et remarqué de bonne heure pour la précocité de son intelligence, Adrien Sixte a laissé parmi ses camarades le souvenir d’un enfant chétif et taciturne, doué d’une force de résistance morale qui éloignait dès lors la familiarité.

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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(...) ce paysage mélancolique était depuis quinze ans le compagnon avec qui le silencieux travailleur causait le plus.

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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Presque tous les cloîtres ne sont-ils pas bâtis dans des endroits qui permettent d’embrasser par le regard une grande quantité d’espace ? Peut-être ces vues démesurées et confuses favorisent-elles les concentrations de la pensée que distrairait un détail trop voisin, trop circonstancié ? Peut-être les solitaires trouvent-ils une volupté de contraste entre leur inaction songeuse et l’ampleur du champ où se développe l’activité des autres hommes ?

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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Un front haut et fuyant, une bouche avancée et volontaire avec des lèvres minces, un teint bilieux, des yeux malades d’avoir trop lu, et cachés sous des lunettes noires, un corps grêle avec de gros os, uniformément vêtu d’une longue redingote en drap pelucheux l’hiver, en drap mince l’été, des souliers noués de cordons, des cheveux trop longs, prématurément presque tout blancs et très fins sous un de ces chapeaux dits gibus qui se plient par une mécanique et se déforment aussitôt, – voilà sous quelles apparences se présentait ce savant, dont toutes les actions furent dès le premier mois aussi méticuleusement réglées que celles d’un ecclésiastique.

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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Il y avait juste quatorze ans que M. Sixte, au lendemain de la guerre, était venu s’établir dans une des maisons de la rue Guy-de-la-Brosse, dont tous les indigènes le connaissaient aujourd’hui. C’était, à cette époque déjà lointaine, un homme de trente-quatre ans, chez lequel toute physionomie de jeunesse était comme détruite par une si complète absorption de l’esprit dans les idées, que ce visage rasé n’avait plus ni âge ni profession. (...)
Un front haut et fuyant, une bouche avancée et volontaire avec des lèvres minces, un teint bilieux, des yeux malades d’avoir trop lu, et cachés sous des lunettes noires, un corps grêle avec de gros os, uniformément vêtu d’une longue redingote en drap pelucheux l’hiver, en drap mince l’été, des souliers noués de cordons, des cheveux trop longs, prématurément presque tout blancs et très fins sous un de ces chapeaux dits gibus qui se plient par une mécanique et se déforment aussitôt, – voilà sous quelles apparences se présentait ce savant, dont toutes les actions furent dès le premier mois aussi méticuleusement réglées que celles d’un ecclésiastique.

Chapitre I. Un philosophe moderne
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J’ai connu dans ma jeunesse, et quand les études de cet ordre m’intéressaient, plusieurs individus aussi emprisonnés que lui dans l’atmosphère des spéculations abstraites. Je n’en ai pas rencontré qui m’ait mieux fait comprendre l’existence d’un Descartes dans son poêle au fond des Pays-Bas, ou celle du penseur de l’Éthique, lequel n’avait, comme on sait, d’autres distractions à ses rêveries que de fumer parfois une pipe de tabac et de faire battre des araignées.

Chapitre I. Un philosophe moderne
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D’ailleurs les détails de la vie menée par cet homme fourniront aux curieux de nature humaine un document authentique sur une variété sociale assez rare, celle des philosophes de profession. Quelques échantillons nous ont été donnés de cette espèce par les anciens et plus récemment par Colerus à propos de Spinoza, par Darwin et Stuart Mill à propos d’eux-mêmes. Mais Spinoza était un Hollandais du dix-septième siècle. Darwin et Mill grandirent dans l’opulente et active bourgeoisie anglaise, au lieu que M. Sixte vivait sa vie philosophique en plein Paris de la fin du dix-neuvième siècle.

Chapitre I. Un philosophe moderne
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Une légende qui n’a pas été démentie veut que les bourgeois de la ville de Kœnigsberg aient deviné qu’un événement prodigieux bouleversait l’univers civilisé, à voir simplement le philosophe Emmanuel Kant modifier la direction de sa promenade quotidienne. Le célèbre auteur de la Critique de la Raison pure avait appris le jour même que la Révolution française venait d’éclater.

Chapitre I. Un philosophe moderne
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La science d’aujourd’hui, la sincère, la modeste, reconnaît qu’au terme de son analyse s’étend le domaine de l’Inconnaissable. Le vieux Littré, qui fut presque un saint, a magnifiquement parlé de cet océan de mystère qui bat notre rivage, que nous voyons devant nous, réel, et pour lequel nous n’avons ni barque ni voile. À ceux qui te diront que derrière cet océan de mystère il y a le vide, l’abîme du noir et de la mort, aie le courage de répondre : « Vous ne le savez pas… »

A un jeune homme
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Il y a une réalité dont tu ne peux pas douter, car tu la possèdes, tu la sens, tu la vis à chaque minute : c’est ton âme.

A un jeune homme
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Dans ces temps de conscience troublée et de doctrines contradictoires, attache-toi, comme à la branche de salut, à la phrase sacrée : « Il faut juger l’arbre par ses fruits. »

A un jeune homme
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Quand tu lis des livres, comme ceux que nous devons écrire lorsqu’il nous faut peindre les coupables passions et leur martyre, souhaites-tu d’aimer mieux que n’ont aimé les auteurs de ces livres ? As-tu de l’idéal enfin, plus d’idéal que nous ; de la foi, plus de foi que nous ; de l’espérance, plus d’espérance que nous ? – Si c’est oui, donne-moi la main, et laisse-moi te dire : merci.

A un jeune homme
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Sens-tu, quand tu rencontres un des maîtres d’aujourd’hui, un Dumas, un Taine, un Leconte de Lisle, une émotion à penser que tu as là devant toi un des dépositaires du génie de ta race ?

A un jeune homme
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C’est à toi que je veux dédier ce livre, jeune homme de mon pays, à toi que je connais si bien quoique je ne sache de toi ni ta ville natale, ni ton nom, ni tes parents, ni ta fortune, ni tes ambitions, – rien sinon que tu as plus de dix-huit ans et moins de vingt-cinq, et que tu vas, cherchant dans nos volumes, à nous tes aînés, des réponses aux questions qui te tourmentent. Et des réponses ainsi rencontrées dans ces volumes dépend un peu de ta vie morale, un peu de ton âme ; – et ta vie morale, c’est la vie morale de la France même ; ton âme, c’est son âme. Dans vingt ans d’ici, toi et tes frères, vous aurez en main la fortune de cette vieille patrie, notre mère commune. Vous serez cette patrie elle-même. Qu’auras-tu recueilli, qu’aurez-vous recueilli dans nos ouvrages ? Pensant à cela, il n’est pas d’honnête homme de lettres, si chétif soit-il, qui ne doive trembler de responsabilité…

A un jeune homme
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