"Si quelque chose semble devoir rabaisser l'homme au-dessous de la bête, c'est sans doute la guerre. Les lions et les tigres ne combattent que pour satisfaire leur faim ; l'homme est le seul animal qui, de gaieté de cœur et sans cause, vole à la destruction de ses semblables, et se félicite d'en avoir beaucoup exterminés."
Ce que l'homme va faire est toujours une suite de ce qu'il a été, de ce qu'il est et de ce qu'il fait jusqu'au moment de l'action.
Les philosophes, qui communément sont des gens de mauvaise humeur, regardent à la vérité le métier de courtisan comme bas, comme infâme, comme celui d'un empoisonneur. Les peuples ingrats ne sentent point toute l'étendue des obligations qu'ils ont à ces grands généreux, qui, pour tenir leur Souverain en belle humeur, se dévouent à l'ennui, se sacrifient à ces caprices, lui immolent continuellement leur honneur, leur probité, leur amour-propre, leur honte et leurs remords ; ces imbéciles ne sentent donc point le prix de tous ces sacrifices ? Ils ne réfléchissent point à ce qu'il en doit coûter pour être un bon courtisan ?
Ce n'est que pour leur intérêt qu'un Monarque doit lever des impôts, faire la paix ou la guerre, imaginer mille inventions ingénieuses pour tourmenter et soutirer ses peuples. En échange de ces soins les courtisans reconnaissants payent le Monarque en complaisances, en assiduités, en flatteries, en bassesses, et le talent de troquer contre des grâces ces importantes marchandises est celui qui sans doute est le plus utile à la Cour.
Si nous examinons les choses sous ce point de vue, nous verrons que, de tous les arts, le plus difficile est celui de ramper. Cet art sublime est peut-être la plus merveilleuse conquête de l'esprit humain.
Un véritable courtisan est tenu comme Arlequin d'être l'ami de tout le monde, mais sans avoir la faiblesse de s'attacher à personne ; obligé même de triompher de l'amitié, de la sincérité, ce n'est jamais qu'à l'homme en place que son attachement est dû, et cet attachement doit cesser aussitôt que le pouvoir cesse. Il est indispensable de détester sur-le-champ quiconque a déplu au maître ou au favori en crédit.
D'un autre coté, l'art de faire du bien, est inconnu du plus grand nombre des hommes; il exige une modestie, une délicatesse, un tact fin, qui puisse rassurer l'amour-propre de ceux que l'on oblige et dont on veut mériter la gratitude. Cet amour-propre est si prompt à s'allumer que le bienfaiteur a besoin de toutes les ressources de l'esprit pour ne point offenser les personnes qu'il a dessein d'obliger.
Les orgueilleux, les hommes vains, impérieux, fastueux et prodigues, ne connaissent aucunement l'art de faire du bien. Aussi sont-ils communément des ingrats : il n'y a que les personnes sensibles qui sachent obliger.
Bénédictions
Charmes, enchantements, cérémonies magiques par lesquelles les ministres du seigneur, en levant deux doigts en l’air et en marmottant de saintes conjurations, évoquent le tout-puissant et le forcent à lâcher le robinet de ses grâces sur les hommes et sur les choses ; ce qui leur fait sur le champ changer de nature, et ce qui remplit surtout le gousset du clergé. Quand une chose est bénite elle est sacrée, elle cesse d’être profane, on ne peut plus y toucher sans sacrilège, sans profanation, sans mériter d’être brûlé.
Évangile
Signifie bonne nouvelle.
La bonne nouvelle que l’évangile des chrétiens est venu leur annoncer, c’est que leur dieu est très colère, qu’il destine le plus grand nombre d’entre eux à des flammes éternelles, que leur bonheur dépend de leur sainte bêtise, de leur sainte crédulité, de leur sainte déraison, du mal qu’ils se feront, de leur haine pour eux-mêmes, de leurs opinions inintelligibles, de leur zèle, de leur antipathie pour tous ceux qui ne penseront ou qui ne feront pas comme eux. Telles sont les nouvelles intéressantes que la divinité, par une tendresse spéciale, est venue annoncer à la terre ; elles ont tellement égayé le genre humain que depuis l’arrivée du courrier qui est venu les apporter de là-haut, il n’a fait que trembler, que pleurer, que se quereller et se battre.
Il ne faut donc pas croire que l’Etre universel, qu’on nomme communément Dieu, fasse plus de cas d’un homme que d’une fourmi, d’un lion plus que d’une pierre. Il n’y a rien à son égard de beau ou de laid, de bon ou de mauvais, de parfait ou d’imparfait. Il ne s’embarrasse point d’être loué, prié, recherché, caressé ; il n’est point ému de que les hommes font ou disent, il n’est susceptible ni d’amour ni de haine ; en un mot, il ne s’occupe pas plus de l’homme que du reste des créatures, de quelque nature qu’elles soient.