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Citations de Philip Pullman (608)


J’avais lu la trilogie de Philip Pullman en français (l’éditeur a fait le choix de l’appeler chez nous À la croisée des mondes) il y a vingt ans et j’en avais gardé une image plus que positive. Grands succès de la littérature jeunesse / jeunes adultes britannique de la fin des années 1990, ces trois romans, à l’instar de Harry Potter (même si l’audience était toutefois moindre !), montraient que l’on pouvait s’adresser au jeune public avec des textes particulièrement intelligents et de qualité. Cette année, j’ai décidé d’en faire une nouvelle lecture, en anglais cette fois. Et je peux d’ores et déjà dire que je n’ai pas été déçu, bien au contraire. Cette trilogie entre même dans le cercle très fermé de mes coups de cœur absolus, tous styles confondus.

Avant de détailler un peu mon avis, une petite remarque sur la classification jeunesse de cette œuvre : si les héros sont des enfants, que les éditeurs la considèrent, en général, comme de la littérature de jeunesse, la réalité est un peu plus nuancée. Pullman l’a, en réalité, écrite pour un public plus large, et si des enfants peuvent apprécier son aspect aventure et (science) fantasy, il faudra qu’ils soient de plutôt bons lecteurs (je dirais à partir de 11-12 ans) du fait de certains aspects de l’histoire parfois très noirs (certaines scènes sont vraiment effrayantes !), de la longueur de l’œuvre, de ses concepts philosophiques et métaphysiques complexes.

Car derrière ses aspects divertissants, ce texte est aussi une relecture par Pullman du célèbre poème « Paradise Lost » de John Milton (1667), qui ouvre d’ailleurs la trilogie. Je vous le cite ici en VO car c’est de là que vient le titre original de l’œuvre, His Dark Materials (« ses noirs matériaux »), ce à côté de quoi passe complètement la traduction française :

Into this wilde Abyss,
The Womb of nature and perhaps her Grave,
Of neither Sea, nor Shore, nor Air, nor Fire,
But all these in their pregnant causes mixt
Confus'dly, and which thus must ever fight,
Unless th' Almighty Maker them ordain
His dark materials to create more Worlds,
Into this wilde Abyss the warie fiend
Stood on the brink of Hell and look'd a while,
Pondering his Voyage...

Le premier tome, Northern Lights (Les Royaumes du Nord en français), est le plus accessible des trois. On y découvre l’héroïne principale, la jeune Lyra, onze ans, qui vit au départ au milieu des Érudits de Jordan College, à l’Université d’Oxford (on sent en Pullman un amoureux de cette belle ville où, comme Tolkien, il a enseigné). Mais ce n’est pas vraiment notre Oxford, ni même notre monde. On se situe en réalité dans un univers qui ressemble énormément au nôtre, mais légèrement différent, un peu Steampunk. Dans ce monde, chaque être humain naît avec un « dæmon » (une fantastique trouvaille !), qui est une sorte de personnification animale de son âme. Le dæmon peut changer de forme lorsqu’on est enfant, puis il se fixe définitivement en un animal à l’âge adulte, reflétant ainsi la personnalité de son humain.

Lyra est la première grande réussite de ce livre : un personnage complexe, une enfant rebelle, obstinée, souvent menteuse, mais attachante et toujours pleine de panache. Le lecteur va la suivre, ainsi que son dæmon Pantalaimon, à travers les plus de 1 000 pages d’aventure épique que comptent les trois romans.

Au départ, tout commence par une histoire de sauvetage : Roger, le meilleur ami de Lyra à Oxford, a été enlevé par un groupe obscur qui s’attaque aux enfants. Pour le retrouver, la jeune fille va devoir apprendre à maîtriser un instrument étrange, l’aléthiomètre, s’allier avec des gitans, partir pour le grand Nord où brillent les lumières nocturnes de l’Aurore, voyager en ballon, affronter de terribles dangers et faire de nombreuses rencontres. Quel dépaysement ! Et quelle galerie de personnages tous plus fascinants les uns que les autres : le gitan Farder Coram, la reine sorcière Serafina Pekkala, l’aéronaute texan Lee Scoresby, l’ours en armure Iorek Byrnison…

Mais His Dark Materials est bien plus riche que cela encore. Car derrière les enlèvements d’enfants, on découvre une lutte qui oppose notamment l’oncle de Lyra, l’ambigu et charismatique Lord Asriel, et la mystérieuse et inquiétante Madame Coulter, cette dernière étant au service de la puissante Église, et à l’origine des enlèvements. Et l’un des objets de cette lutte est une mystérieuse particule nommée « Poussière » que l’on trouve justement dans le Nord… Lyra va, sans le vouloir, se retrouver au cœur de ce conflit. Pour l’Église, la Poussière est nocive et liée au Pêché originel, tandis que lord Asriel s’intéresse à ses stupéfiantes propriétés scientifiques. Dans l’étrange monde de Lyra, la religion exerce une grande influence sur la science, les chercheurs étant même appelés « théologiens expérimentaux ».

Je n’entrerai pas ici dans les détails de l’histoire, mais dans les deux livres suivants, The Subtle Knife (en France, l’éditeur a choisi La Tour des Anges), puis The Amber Spyglass (Le Miroir d’Ambre), on découvre d’autres mondes (d’où le titre français !) qui représentent autant d’univers parallèles. On rencontre aussi une multitude de nouveaux personnages, dont Will, un jeune garçon de l’âge de Lyra qui se révélera être l’autre protagoniste principal de la série, et qui vient quant à lui de notre propre monde ! Le « poignard subtil », artefact unique qu’il est le seul à maîtriser comme Lyra est seule à pouvoir vraiment comprendre l’aléthiomètre, est la clef permettant d’ouvrir des portes permettant de voyager entre les mondes.

L’œuvre est dense, mais parfaitement construite. On y croise des anges, des créatures diverses et variées qui vont toutes se trouver embarquées dans une grande guerre qui menace l’équilibre de l’ensemble des mondes. Dieu lui-même (alias l’Autorité) en sera un acteur important ! À travers cela, deux thèmes majeurs sont traités par Pullman.

Tout d’abord, une critique féroce de l’Église et de la religion établie. Cela a fait notamment de ces livres la cible d’un certain nombre de fanatiques religieux. Pullman se revendique athée et s’oppose ainsi à ses grands confrères écrivains catholiques d’Oxford, à savoir C. S. Lewis et J. R. R. Tolkien. On l’a même parfois qualifié d’anti-Lewis tant l’œuvre de ce dernier est explicitement chrétienne (Pullman la qualifie même de « propagande »). L’Église, dans His Dark Materials, est une dictature machiavélique qui n’hésite pas à tuer ! Et derrière cette critique, l’auteur nous conduit à nous interroger sur le sens de la vie, sur la mort, sur l’importance des choix que l’on fait, sur les notions de bien et de mal…

Ensuite, on trouve une réflexion sur le passage de l’innocence à l’expérience, de l’enfance au monde adulte, thème inspirés cette fois par l’immense poète anglais Willliam Blake. His Dark Materials est aussi un roman d’initiation où Lyra et Will vont grandir en traversant des épreuves, et mieux comprendre le rôle et l’importance des choix qu’ils font et de leurs conséquences.

L’ensemble est remarquablement écrit. Malgré le nombre de pages, on ne s’ennuie pas un instant. L’auteur est un maître dans l’art du « cliffhanger ». Et il faut encore ajouter à cela une bonne dose de poésie ! Une autre réussite majeure de cette trilogie réside dans sa fin. Je ne peux bien sûr pas la dévoiler ici, mais simplement dire qu’elle est l’une des plus marquantes et des plus émouvantes que j’aie jamais lues. Inutile d’en dire davantage, vous aurez compris que j’adore His Dark Materials. J’ai même ramené de la magnifique libraire Blackwell’s d’Oxford un exemplaire de Northern Lights signé de Philip Pullman !

À noter qu’outre des bandes-dessinées (bof...) et une (superbe !) édition illustrée par Chris Wormell, His Dark Materials a fait l’objet d’adaptations radio, théâtrale, cinématographique (le premier livre seulement, jolie, mais perdant quasiment toute la richesse de l’œuvre), puis d’une série (l’ensemble de l’histoire cette fois, plus fidèle parait-il, mais je n’ai pas eu l’occasion de la regarder ; je ne suis pas sûr d’ailleurs d’en avoir envie…). Philip Pullman est aussi revenu sur ce riche univers dans un certain nombre de petits ouvrages compagnons venant compléter divers aspects de l’histoire ou nous permettre de mieux connaître certains personnages. Depuis 2017, une nouvelle trilogie, The Book of Dust, est en cours d’écriture. Deux tomes sont parus à ce jour.

Je vous laisse avec une citation tirée du premier livre. Lyra discute avec la sorcière Serafina Pekkala. On y ressent particulièrement, je trouve, la fascination que ressent Pullman pour les terres glacées du Nord :

“Why en’t you cold, Serafina Pekkala?”
“We feel cold, but we don’t mind it, because we will not come to harm. And if we wrapped up against the cold, we wouldn’t feel other things, like the bright tingle of the stars, or the music of the Aurora, or best of all the silky feeling of moonlight on our skin. It’s worth being cold for that.”

« Pourquoi n'avez vous pas froid, Serafina Pekkala ?
— Nous sentons le froid, mais peu nous importe car il ne peut pas nous faire de mal. Et si nous nous protégions du froid, nous ne sentirions plus tout le reste, comme par exemple le picotement brillant des étoiles, la musique de l'Aurore et, surtout, le contact soyeux du clair de lune sur notre peau. Toutes ces choses valent bien qu'on supporte le froid. »
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Elle était libre, et Pantalaimon jaillit vers elle, tel un éclair; elle le plaqua contre sa poitrine haletante, il enfonça ses griffes de chat sauvage dans sa chair, et chaque élancement de douleur lui redonnait espoir.
- Jamais! Jamais! Jamais! cria-t-elle en reculant contre le mur, prête à défendre son daemon jusqu'à la mort.
Chapitre 16 - La guillotine - page 251
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"Un jour, lui avait-elle dit, tu suivras les traces de ton père. Tu seras un grand homme, toi aussi. Tu reprendras son flambeau..."
(...)
ça valait le coup de mener une existence difficile, quand on avait devant soi un but aussi formidable.
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Un menteur chevronné ne possède pas forcément une imagination débordante ; à vrai dire, beaucoup d’excellents menteurs n’ont aucune imagination, c’est ce qui confère à leurs mensonges un tel pouvoir de conviction.
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Tel est le devoir des gens âgés, dit le Bibliothécaire. Se faire du souci pour les jeunes. Et le devoir des jeunes est de railler l’inquiétude des vieux.
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Elle était jeune, blonde, avec des yeux verts pétillants, et vêtue, comme toutes les sorcières, de simples voiles de soie noire, sans fourrures, ni capuche, ni moufles. Pourtant, elle semblait se moquer du froid. Autour de son balai était enroulée une simple guirlande de petites fleurs rouges. Elle chevauchait sa branche de sapin comme s'il s'agissait d'un destrier, et l'arrêta à moins d'un mètre du regard éberlué de Lyra.
(...)
- Pourquoi n'avez-vous pas froid, Seraphina Pekkala ?
- Nous sentons le froid, mais peu nous importe. Et si nous nous protégions du froid, nous ne sentirions plus tout le reste, comme par exemple le picotement brillant des étoiles, la musique de l'Aurore et, surtout, le contact soyeux du clair de lune sur notre peau. Toutes ces choses valent bien qu'on supporte le froid.
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Lyra leva la tête, mais elle dut s'essuyer les yeux, car le froid l'avait fait pleurer. Ayant retrouvé la vue, elle laissa échapper un petit cri de stupeur en découvrant le ciel. L'aurore n'était plus qu'un scintillement pâle et tremblotant, mais les étoiles, elles, étincelaient comme des diamants, et sous cette immense voute obscure, constellée de pierres précieuses, des centaines et des centaines de minuscules formes noires, venues de l'est et du sud, filaient vers le nord.
- ce sont des oiseaux ? demanda-t-elle.
- non, des sorcières, répondit l'ours.
- Des sorcières ! Mais que font-elles ?
- Elles partent en guerre, peut-être. Je n'en ai jamais vu autant.
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La bouilloire se mit à siffler. Jeanne prépara du thé pour tout le monde, tandis que Bob mettait à cuire des tranches de pain et de fromage. Ils s'installèrent tous les trois confortablement au coin du feu. Dehors, le monde était hostile, mais avec des croque-monsieur, beaucoup d'amour et un brin de talent, on pouvait l'affronter sans crainte.
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Elle lui emprunta un crayon et une feuille de papier sur laquelle elle travaille trois colonnes ainsi définies : "Faire", "Se renseigner" et "Choses qui ne méritent pas qu'on s'inquiète ".
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_Tu ne comprendras jamais rien à l'imagination tant que tu croiras que ça consiste à inventer des choses, alors que c'est une question de perception.
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- Le foie de veau, on peut en manger, expliqua Mme Coulter, le foie de phoque aussi, mais si jamais tu te retrouves un jour sans provisions dans l'Arctique, il ne faut surtout pas manger du foie d'ours. C'est plein de poison, et tu mourrais en quelques minutes.
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Le ciel était inondé de volutes couleur pêche, abricot et beige : de tendres petits nuages semblables à de la crème glacée dans l'immensité du ciel orange.
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Je ne peux pas choisir ma nature, mais je peux choisir mes actes. Et désormais, je choisirai, car je suis libre.
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Parfois, on ne fait pas le bon choix, car la mauvaise solution paraît plus dangereuse que la bonne, et personne ne veut donner l’impression d’avoir peur. On se préoccupe davantage de ne pas passer pour des froussards que d’émettre un bon jugement.
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Pour ce que nous sommes : esprit.
Pour ce que nous faisons : matière.
Matière et esprit ne font qu’un.
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Il y a un tas de gens qui aimeraient avoir un lion pour daemon et qui se retrouvent avec un caniche. Et tant qu’ils n’auront pas appris à se satisfaire de ce qu’ils sont, ils ne connaîtront pas la paix.
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Lyra n’était pas du genre à se morfondre ; c’était une enfant d’un tempérament optimiste, dotée d’un grand sens pratique. En outre, elle manquait d’imagination. Une personne imaginative n’aurait jamais envisagé sérieusement d’entreprendre un tel voyage pour sauver son ami Roger ; ou bien, ayant eu cette idée, elle aurait immédiatement trouvé mille raisons pour démontrer que cela était impossible. Un menteur chevronné ne possède pas forcément une imagination débordante ; à vrai dire, beaucoup d’excellents menteurs n’ont aucune imagination, c’est ce qui confère à leurs mensonges un tel pouvoir de conviction.
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Ce lieu ressemblait moins à un immense rocher qu'à un champ de forces qui manipulait l'espace lui-même pour l'envelopper, l'étendre et le superposer sous forme de galeries et de terrasses, de chambres, de colonnades, de tours de guet faites d'air, de lumière et de vapeur.
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Mais vos daemons ne sont pas retournés au néant; ils font partie de toutes les choses. Tous les atomes qui les composaient se sont dispersés dans l'air, le vent, les arbres, la terre, et dans toutes les créatures vivantes. Ils ne disparaîtront jamais. Ils sont dans chaque chose. Et c'est exactement ce qui vous arrivera, je vous le jure, sur mon honneur. Vous vous disperserez, en effet, mais vous serez à l'air libre, vous ferez partie du monde vivant, comme avant.

Nous ressusciterons dans un millier de brins d'herbe, un million de feuilles, nous tomberons du ciel avec les gouttes de pluie, nous volerons avec la brise, nous scintillerons dans la rosée sous l'éclat des étoiles et de la lune, là-bas dans ce monde physique qui est notre véritable foyer, depuis toujours. Alors, je vous en conjure, suivez cette enfant vers les cieux !
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Les anges rêvent d'avoir des corps. Et ils ne comprennent pas pourquoi nous ne sommes pas plus heureux de vivre sur terre.
Pour eux, posséder notre chair et nos sens serait une sorte d'extase
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