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Jean Esch (Traducteur)
EAN : 9782070614554
1032 pages
Gallimard (28/06/2007)
4.31/5   2406 notes
Résumé :
A la croisée des mondes est une grande histoire en trois parties, qui entraîne ses lecteurs à travers trois univers à la fois proches et différents du nôtre. Voici cette grande histoire, animée d'un souffle puissant et d'un imaginaire éblouissant. Un chef-d'œuvre à lire et à relire à tout âge.
Tome 1: Pourquoi la jeune Lyra, élevée dans l'atmosphère confinée d'une prestigieuse université anglaise, est-elle l'objet de tant d'attentions? De quelle mystérieuse m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (136) Voir plus Ajouter une critique
4,31

sur 2406 notes
[Avertissement : cette critique va spoiler sans vergogne toute l'histoire de la trilogie et le passé de chaque personnage. Ainsi qu'entamer un débat éthico-religieux potentiellement rasant. Vous aurez été prévenus !]

Peut-on vraiment ranger ce livre dans la littérature jeunesse ?
Personnellement, je l'aurais mis avec les ados à cause des sujets abordés (la religion, le pouvoir, le passage à l'âge adulte, la question du courage et de la lâcheté…). J'ai lu cette trilogie quand j'avais 9 ans, et je peux vous assurer que j'ai raté pleeeiiin de choses.
L'édition Folio indique que c'est une série qui se lit à partir de 10 ans. Pour moi c'est une hérésie. Vu la complexité de certains sujets, je dirais que ça ne devrait pas être conseillé avant 13-14 ans. Ma première lecture était pénible, j'ai dû me forcer pour arriver au bout. La seconde (quand j'avais 14 ans, justement), m'avait à la fois emballée et désarçonnée. Car Philip Pullman inverse le système de valeur de notre société : Lyra, la jeune héroïne, est aidée par des gitans et des sorcières, et lutte contre l'Église, entité toute-puissante, machiavélique et manipulatrice. Tous les humains sont liés à des dæmons, qui ne sont pas des êtres maléfiques, mais des sortes d'anges gardiens – à quelques détails près, puisqu'ils font partie intégrante de l'homme et qu'ils font plus office de moi profond que de conscience morale.
Âgée de 9 ans et dotée d'une éducation catholique, j'ai eu du mal à faire la part des choses, j'avais rejeté en bloc tous ces concepts étranges. C'est en partie la raison pour laquelle je n'avais pas aimé ce livre – ça et les descriptions trop nombreuses et trop longues pour mon âge. À 14 ans, bien que déstabilisée, j'avais beaucoup aimé l'écriture et l'histoire, très travaillée. J'admirais aussi beaucoup Lyra, héroïne impétueuse. Et aujourd'hui, je trouve que c'est un point de vue original et intéressant, doublé d'un monde très bien construit. C'est maintenant que je me rends compte à quel point Pullman a travaillé sur son histoire, car plein de détails cruciaux se recoupent d'un tome à l'autre et permettent le bon déroulement de l'aventure.

Mais quelle était l'intention de l'auteur en écrivant ce livre ? Est-ce une critique socio-religieuse qui cherche à pousser les enfants à voir au-delà des préjugés, au-delà des carcans de la religion, ou juste un jeu de l'auteur qui s'amuserait à perturber le lecteur ? Car quel enfant pourrait comprendre toutes les subtilités de cette histoire ? Mes souvenirs remontent à loin, mais il me semble que j'étais passée à côté de la plupart des double-sens.
Enfin, quand double-sens il y avait, car le discours est parfois clairement antireligieux et Pullman taille dans le vif sans hésiter. Je cite Ruta Skadi, reine des sorcières : « Voilà ce que fait l'Église [mutiler des enfants], et toutes les Églises ont le même objectif : contrôler, détruire, anéantir tous les bons sentiments. C'est pourquoi, si une guerre éclate, et si l'Église se trouve dans un des deux camps, notre devoir est de nous engager dans le camp d'en face, même si, de ce fait, nous nous trouvons en compagnie d'étranges alliés. » (J'ai publié le passage en entier dans les citations.) Alors certes, vous pourrez contrer que c'est une sorcière qui parle, et qu'il est donc normal qu'elle soit contre l'Église. C'est pas faux. Mais dans le monde de Lyra, les sorcières ne peuvent pas être diaboliques puisque les dæmons SONT les compagnons des humains. D'ailleurs, je n'ai repéré aucune allusion à propos d'une chasse aux sorcières, actuelle ou passée. Mais après tout, « la religion chrétienne n'est qu'une erreur fort puissante et convaincante, rien d'autre », comme l'affirme le docteur Mary Malone, nonne en reconversion. Voilà qui est radical !
Mais bon, si c'était un livre adressé aux ados ou aux adultes, que m'importerait ? Chacun pense ce qu'il veut, et même si j'ai un point de vue différent de l'auteur, c'est une super série que je suis contente de connaître. Le seul souci : c'est un livre qui est supposé s'adresser à des enfants. Et pour moi, on ne peut pas émettre un avis aussi tranché devant eux, surtout par rapport à la religion – c'est le meilleur moyen de développer la haine ou la crainte de ceux qui pensent différemment de soi.
Mais peut-être que je dramatise. J'ai beau avoir lu ce livre trois fois (gamine, ado et adulte), ça n'a pas changé mes convictions. Ça ne les a même pas faites vaciller, en réalité.
De toute façon, Pullman s'adressait-il vraiment à un public de 10 ans ? Pas sûr, d'autant plus que certaines maisons d'édition peuvent baisser la limite d'âge de leurs livres, histoire de viser un lectorat plus large.

Parlons un peu des personnages.
L'héroïne est très complexe. Au début, c'est une gamine assez simple : elle aime se battre avec les enfants de la ville et les petits gitans, se couvrir de boue par la même occasion, fuir ses leçons pour s'échapper sur les toits et cracher des noyaux de prune sur les Érudits, explorer les catacombes de son Collège en compagnie de son ami Roger… C'est une enfant sauvage qui vit pleinement et dotée d'un caractère de feu. Quand j'étais jeune, elle m'impressionnait.
Et en fait, elle m'impressionne toujours.
Mais il serait faux de dire que rien ne lui fait peur. Elle est téméraire, audacieuse, et elle s'efforce de se dépasser car elle a des limites. Elle a assez de niaque pour vouloir aller au-delà de ses peurs et accomplir ses rêves. Quitter le Jordan College pour aller dans le Nord n'était pas facile. S'enfuir de chez Madame Coulter, sa tutrice, ne l'était pas plus. Se faire passer pour le dæmon d'Iorek à la cour des panserbjornes était presque un acte de folie suicidaire. Tout comme beaucoup de décisions qu'elle est amenée à prendre au cours de ses aventures, ce n'est pas facile, mais c'est nécessaire. Elle n'a pas vraiment le caractère d'une fillette de 12 ans. On lui donnerait plus facilement 15 ou 16 ans. Et encore, elle serait bien mature pour une ado !
Les autres personnages ne manquent toutefois pas de charisme : Lord Asriel tout particulièrement, est quelqu'un de fascinant car on ne sait jamais ce qu'il pense, ni ce qu'il veut. Ce n'est que dans La Tour des Anges qu'on connaît son objectif. En revanche, en tant que père, il est particulièrement raté : dans le tome 1, il retrouve sa fille qu'il n'a pas vue depuis des mois après avoir été emprisonné par les ours polaires et menacé de mort. Comment réagit-il, à votre avis ?
1. Il pleure de joie,
2. Il garde sa dignité, mais il est visiblement fier de tout ce qu'elle a fait,
3. Il s'en fiche,
4. Il l'envoie chier et la trahit.
Réponse 4…
Ce mec n'est PAS le meilleur des pères. Mais il impressionne Lyra parce qu'il a de la classe et qu'il est mystérieux, donc bon. On lui pardonnerait presque…
Madame Coulter, elle, est… À l'opposé d'Asriel. Elle, on ne peut pas l'aimer : elle est cruelle, elle est factice, menteuse, manipulatrice, opportuniste, égocentrique, mais elle aurait pu faire du mannequinat parce qu'elle a un charisme magnétique. C'est un vrai serpent, et elle n'hésite pas à tuer ses proches pour plus de pouvoir. Elle a même « vendu son âme au diable » en s'investissant complètement dans l'Église pour torturer des enfants et détruire la Poussière. Lyra apprend très vite à la détester – tout comme nous.
Et pourtant, c'est sa mère. Et heureusement, les instincts maternels sont plus forts que son caractère de chien et la poussent à protéger sa fille – quelques fois… Sans cela, sans cet instinct, elle n'aurait sûrement pas retourné sa veste pour la sauver. C'est donc un personnage TRÈS ambigu, et surtout, à l'opposé du stéréotype qu'on se fait du parent disparu dans les histoires pour enfants. C'est vrai, quoi ! Habituellement dans un livre jeunesse, quand le héros retrouve sa famille disparue, c'est le happy end. Mais pour commencer, Lyra n'a jamais cherché ses parents (parce qu'elle les croyait morts), l'histoire ne s'arrête pas au moment où elle découvre ses origines (loin de là), et elle va passer une bonne partie de ses aventures à les affronter. Finalement, elle s'est contenté de sauver le monde – les mondes – du totalitarisme religieux dont sa mère est un suppôt. Sacrée fillette.
Will, quant à lui, ressemble beaucoup à Lyra par certains côtés. Il est volontaire, il ne peut pas compter sur ses parents, il a appris à se débrouiller tout seul, il est obligé de prendre des décisions très difficiles pour son âge… Mais comment peut-il laisser sa mère chez une prof de piano qu'il n'a pas vue depuis plus d'un an ? Encore, s'il la voyait toutes les semaines, j'aurais compris, mais là, même s'il n'avait personne d'autre vers qui se tourner, comment se fait-il que cette femme ait accepté ? C'est un peu gros à avaler. « Elle ne vous gênera pas, je vous le promets ! » « Alors pourquoi tu t'en débarrasses ? » aurais-je été tentée de répondre. Il n'y avait pas un prof de son école à qui il pouvait faire confiance ?
Et quand il débarque dans un autre monde, sa première réaction, c'est de prendre un soda dans un distributeur et de le boire en regardant la mer…
Pardon ?
Mais merde, Will ‼ T'es dans un monde parallèle, putain ! Tu ne savais même pas que ça existait ! Un peu d'émotion, que diable ‼
On ne ressent chez ce garçon aucun sentiment de stupéfaction, d'ahurissement, de vertige, d'éblouissement, ou toute autre émotion extra forte qui AURAIT DÛ le saisir net. C'est sans aucun doute le passage qui m'a donné le plus de fil à retordre.
D'autres personnages sont très importants, comme Roger, l'ami par lequel démarre cette aventure (c'est pour aller le sauver que Lyra veut tellement aller dans le Nord), Iorek Byrnison, le roi des ours et un des meilleurs alliés de Lyra, le docteur Malone (une des rares adultes à prendre les enfants au sérieux), Lee Scoresby, l'aéronaute (j'aurais voulu qu'il reste un peu plus longtemps…), Serafina Pekkala, la sorcière… Ça fait beaucoup et j'en oublie pas mal, mais pas une seule fois, je ne me suis perdue. Les caractéristiques de chacun sont suffisamment fortes pour qu'on s'y retrouve.

Mais outre cette panoplie de personnages, le plus gros point positif de la saga, c'est le monde de Lyra. La magie n'y existe pas vraiment, mais on pourrait facilement le qualifier de merveilleux car il y vit des créatures surnaturelles – spécialement dans le Nord : sorcières, panserbjornes, montres des falaises… Il ressemble beaucoup à notre univers version 19e siècle, jusque dans les noms des pays (Anglia, Moscovie, Tartares…). Sauf que la solitude n'y existe pas. Chaque être humain est épaulé par son dæmon, envers qui il a un lien d'amour et de confiance très puissant (au point que Lyra est horrifiée quand elle rencontre Will).
Personnellement, je pense qu'ils représentent le moi profond de chaque être humain parce qu'ils réagissent aux émotions de leur partenaire, mais sans chercher à les masquer. Marisa Coulter en est un exemple assez intéressant, puisque c'est le personnage qui cache le plus son jeu. Son dæmon est une horrible petite teigne cruelle et mesquine – et finalement, c'est ce qu'elle est. Elle se donne des airs de sainte-nitouche pour amadouer et manipuler, mais il suffit de regarder son singe pour se rendre compte de sa méchanceté. D'ailleurs, ils n'ont pas l'air d'avoir un lien très affectueux. Ça ressemble plus à une relation dominant-dominé qu'à une relation amicale. Il y a aussi des exemples plus généraux : un dæmon agité est la preuve que son humain est stressé, même s'il n'en montre rien. Et lors d'une querelle, les hommes se réfèrent souvent à l'attitude de leur dæmon pour savoir qui l'emporte.

En résumé, deux gros points positifs : les personnages, et le monde. Mais il y a en plus quelques petits détails que j'ai particulièrement appréciés :
- Dans le tome 1, j'ai ressenti au travers de Lyra une certaine fascination pour le Nord (terre de glace et de magie, de lumières, de dangers et de mystères). C'est si bien retranscrit que je crois que l'auteur a transposé ses sentiments à son héroïne au lieu de lui inventer cette passion ;
- À Jordan College, il y a des majuscules aux intitulés des postes (le Bibliothécaire, le Majordome), et même aux lieux (les Jardins du Collège, la Bibliothèque), pour donner un caractère ronflant aux Érudits. D'ailleurs Lyra, malgré son jeune âge et le fait qu'elle ait passé sa vie à grandir là, a un regard assez critique et moqueur sur cet étalement de sciences et de titres ;
- Dans le 2e tome, il y a des symboles dans les marges : un arbre, une épée, une boussole, et de temps en temps, une étoile. Petite, ça me turlupinait qu'ils ne suivent pas la typographie du premier tome. Pourquoi avoir mis des dessins dans le second volume et pas dans le premier ? Au début, ils semblent suivre un ordre précis (arbre-épée-boussole-épée-arbre), puis je me suis rendue compte que le nombre de pages marquées était inégal, et enfin, que l'ordre n'était pas respecté. C'était un mystère complet, pour moi.
Grande, il m'a suffi de 5 minutes pour comprendre que chaque symbole correspond au monde dans lequel se passe l'action : l'arbre pour celui de Will, l'épée pour Citàgazze, la boussole pour celui de Lyra, et l'étoile… Les symboles changent quand les personnages passent dans un autre monde, ou qu'on suit d'autres protagonistes qui sont dans un autre monde ;
- La fin n'est pas un happy end. Les personnages principaux perdent tous au moins une chose à laquelle ils tiennent : la capacité à comprendre l'aléthiomètre, la personne qu'ils aiment, le pays des mulefas pour Mary, etc. Lyra a perdu son innocence, remplacée par une expérience amère, et son attitude vis-à-vis des adultes est différente – on s'en rend compte dans le tout dernier chapitre. C'est peut-être ce livre qui m'a donné le goût des fins mitigées, car certes, c'est une conclusion un peu triste, mais elle est vraie. Beaucoup de livres s'efforcent de s'achever sur une note joyeuse qui ne colle pas avec le reste de l'histoire. Pas À la croisée des mondes.

Mais j'ai aussi relevé quelques incohérences dans cette loongue saga :
- Lors de la bataille de Bolvangar, Lee Scoresby intercepte Lyra pour l'emmener en ballon vers Svalbard, mais pourquoi ? Ce n'était pas prévu, et c'est un risque inutile à faire prendre à une fillette. Comment les gitans ont-ils pu laisser faire ça ? Laisser partir une fille, un aéronaute et un ours dans une forteresse imprenable d'ours géants ennemis (en compagnie de quelques sorcières, certes, mais elles ne sont là que pour faire le trajet) ?
- Évidemment, il y a la réaction de Will quand il arrive à Cittàgazze ;
- Et puis, il y a le fait que, lorsque Mme Coulter est faite prisonnière par Asriel, ce dernier l'emmène à ses réunions de généraux, histoire qu'elle puisse avoir vent de leurs dernières stratégies et de leurs équipements. Car ils lui font aussi visiter leur armurerie, et lui font même une simulation avec leur meilleure arme ! Comme ça, si jamais elle arrive à s'échapper, elle pourra tout répéter à l'Église et faire échouer leur mission.
C'est tellement intelligent, de la part d'un homme tel que Lord Asriel…
- D'ailleurs, l'auteur ne dit pas ni comment ni pourquoi sa forteresse a été bâtie. Elle se situe dans une dimension où toute vie a disparue, elle est tellement énorme qu'on dit que la construction a dû prendre des années, mais QUI et QUAND ? Ça n'a pas pu être le père de Lyra, puisqu'il vient d'y arriver. Ça n'a pu être aucun de ses sbires, puisqu'il n'a mis que quelques mois (voire moins) pour rassembler des millions et des millions de gens et d'espèces différentes. D'ailleurs un personnage – je ne sais plus lequel – dit que ce rassemblement a dû prendre des décennies de préparation. Et comment est-ce possible ?? Asriel doit avoir, quoi, quarante ans ? Vous n'allez pas me dire que c'est à l'âge de 10 ans qu'il prend contact avec d'autres univers pour réunir une armée de dingue et renverser Dieu ?

Mais à part ces quelques petits détails pas très crédibles, l'auteur a accompli un formidable travail en créant cette trilogie. C'est une oeuvre qui a marqué mon enfance et mon imaginaire, a soulevé beaucoup de questions en moi et me hante encore aujourd'hui (sinon pourquoi l'aurais-je relue ?). Il y a certes quelques longueurs, quelques descriptions qui auraient gagné à être écourtées, mais c'est une histoire forte.
Une série à lire, vraiment.
Sauf pour les enfants…
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L'histoire débute dans un monde assez semblable à celui de la fin du XIXe siècle, dans une Angleterre uchronique dominée par l'Inquisition et le pouvoir religieux. Dans ce monde troublant à la fois déconcertant et étrangement familier, chaque humain est accompagné de son daemon, une sorte d'alter ego à forme animale, jouant à la fois le rôle de complice, de compagnon et de conscience. La jeune Lyra, orpheline d'une douzaine d'années au tempérament rebelle et indisciplinée, a été élevée depuis son plus jeune âge dans la prestigieuse Université d'Oxford en compagnie de son daemon Pantalaimon. Un soir, poussée par son insatiable curiosité, elle assiste en secret à une curieuse conférence organisée par son oncle et tuteur, l'ombrageux lord Asriel, à l'intention des érudits de l'Université sur d'étranges recherches livrées dans le Grand Nord, conférence soldée par une tentative d'assassinat. Cet épisode va bouleverser sa petite existence routinière.

Soudain beaucoup de gens semblent porter une attention disproportionnée à Lyra… Son ami d'enfance Roger disparaît brusquement, enlevé par une mystérieuse organisation de ravisseurs d'enfants et l'adolescente décide de partir à sa recherche. Poursuivie par les agents de l'Inquisition et par la redoutable et si charmante Mrs Coulter, Lyra se lance sur les traces de son oncle vers les étendues glacées du Grand Nord. Ce voyage la mènera bien plus loin que prévu, au-delà des frontières du monde connu et de la brume qui sépare les univers…

C'est avec beaucoup de plaisir que je me suis replongée dans l'édition intégrale de « A la croisée des mondes ». Lue pour la première fois à l'âge 14 ans, la trilogie de Pullman m'avait à la fois séduite et désarçonnée, tant elle tranchait avec le type de littérature destinée habituellement à l'adolescence. L'oeuvre peut effectivement surprendre par son aspect un peu bâtard (surtout dans le premier tome, les deux suivants étant plus homogènes et plus adultes), car elle allie des aspects assez enfantins – jeune public oblige… – à des thèmes complexes et très poussés, notamment sur la religion et la quête du savoir et du libre-arbitre, ainsi qu'à des moments plutôt durs et sombres. L'action prend également un peu de temps à s'emballer, ce qui ne me dérange personnellement pas plus que ça.

Ces quelques défauts – si on peut les nommer ainsi – mis à part, on ne peut que saluer l'imagination débordante de l'auteur, ainsi qu'une intrigue passionnante et ne manquant pas d'audace pour un roman fantastique, alliant références bibliques, aventures et poésie. Avec ça, une très belle galerie de personnages dont la profondeur, y compris pour les personnages secondaires, évite à l'auteur de tomber dans le manichéisme. En ce qui me concerne, mon coeur va spontanément à Lord Asriel et Mrs Coulter, personnages « gris » et ambigus par excellence. Sans contexte, les deux protagonistes les plus marquants de la série, adversaires jurés, aussi brillants, orgueilleux et tyranniques l'un que l'autre, superbes par la force même de leurs défauts. Je les adore.

En conclusion, une très belle et brillante série qui touchera adultes comme adolescents ! (Petit bonus pour les lecteurs adultes : vous pouvez acheter la trilogie en livre de poche, au cas où vous n'assumeriez pas de lire des romans Folio Junior dans le métro)
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Que j'envie les lecteurs qui n'ont pas encore lu la trilogie de P.Pullman, "A la croisée des mondes" ! Cette critique fait suite à ma 3ème lecture qui ne sera certainement pas la dernière ! le retour au monde réel va être compliqué...

Que vous dire à part que Pullman possède un don de conteur incroyable, qu'il vous fait voyager entre différents mondes, vous fait rencontrer des daemons, des sorcières, des ours en armures ... Bref dépaysement total ! Je ne veux même pas essayer de faire de résumé tant ça ne servirait pas l'oeuvre.
Je ne "spoilerai" pas la fin évidement, juste dire que c'est probablement l'une de plus émouvante et belle fin que j'ai pu lire...3ème lecture et je verse quand même mes petites larmes !

Ne vous laissez pas influencer par le fait que ces livres soient classés en littérature jeunesse, ils sont pour tous les âges !
Sans hésiter j'emporterai ce livre sur une île déserte tant il est foisonnant !

Après tout ça? je ne sais plus quoi vous dire pour que vous fonciez dans la plus proche librairie !

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CHALLENGE VARIETES 2015 - Une trilogie
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"A la croisée des mondes" est un chef-d'oeuvre, sans exagération !
Un univers fouillé, des thématiques philosophiques, de l'aventure et surtout, surtout ce qu'il y a de meilleur dans tout cela : l'extrême raffinement de Philip Pullman.
J'ai eu le plus grand plaisir à découvrir cette trilogie, depuis l'envoûtant premier opus, jusqu'à ce beau final que constitue le troisième tome.
Défendant les valeurs humanistes de tolérance, de défense du savoir, qui sont des thématiques sur lesquelles il a une réflexion très aboutie, il fait évoluer ces personnages dans un monde riche. Son imagination est grande et il s'agit sans nul doute de l'un des plus grands conteurs que je connaisse.
Il montre dans la trilogie un humanisme tolérant et nous livre un très bel appel à la liberté de chacun de se forger sa propre opinion, indépendamment des dogmes imposés par la société, se plaçant dans l'héritage des philosophes des Lumières.
Il ne faut d'ailleurs pas se fier à l'étiquetage de série jeunesse, car, si cette série peut effectivement plaire à des adolescents, elle peut aussi, sans doute, intéresser des êtres plus âgés.
Bref, un enchantement d'un point de vue littéraire et d'un point de vue philosophique ! Une lecture enrichissante, d'une richesse exceptionnelle.
Une superbe trilogie !
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Challenge Pavés 2015/2016
Challenge MULTI-DEFIS 2016
Item : Un livre qui vous a marqué (relecture)

Voilà un bon moment que je désirais relire cette trilogie après l'avoir découverte une quinzaine d'année plus tôt. Véritable chef d'oeuvre de la littérature jeunesse, c'est à mon avis un incontournable, un pilier, un chemin par lequel il faut passer. Comment être objectif alors qu'aujourd'hui encore, même avec certains souvenirs bien ancrés, la magie opère toujours ? J'ai retrouvé ces mêmes émotions qui prennent aux tripes, cette même immersion totale, ce même besoin de poser quelques instants l'ouvrage pour réfléchir comme lors de ma première lecture. Mais s'y est ajouté un regard différent, plus mûr, plus adulte, plus cultivé, plus acéré pour repérer les subtilités du texte. En prenant du recul, je ne peux m'empêcher d'émettre un doute quant à la classification en "littérature jeunesse" de cette saga tant le récit peut être violent et complexe.

"A la croisée des mondes" (His Dark Materials en vo) est une plongée dans la fantasy anglaise non sans un soupçon de steampunk. Plus qu'une épopée pour sauver les univers et renverser le pouvoir en place (le Royaume des Cieux), c'est la quête d'identité d'une jeune fille aux abords de l'adolescence.
Philip Pullman a donné vie à un monde riche et complexe où tout fini par se faire écho, où tout prend tôt ou tard sens. Les personnages comme les lieux et même les artéfacts sont captivants et variés. C'est l'émerveillement du début à la fin.

Outre son intrigue, la force de cette saga passe par les thèmes forts qu'elle aborde de front. La religion, plus particulièrement chrétienne, n'est absolument pas épargnée. Elle apparaît comme une institution puissante mais hermétique, conservatrice, obscurantiste, inquisitrice et obsolète. Philip Pullman met à mal le Royaume des Cieux lui-même avec . Il prône l'établissement d'une "République des Cieux", plus sage, ouverte d'esprit et tolérante.
Il en profite pour se faire le défenseur d'Eve, la pècheresse par excellence, qui a fait tant de mal à la cause des femmes et qui a servi d'excuse supplémentaire au besoin de suprématie de certains hommes. Pullman défend la thèse qu'écouter le serpent et croquer le fruit défendu a été salvateur pour l'humain. Il ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui et surtout il n'aurait pas évolué vers un mieux.
D'autres thèmes fondamentaux sont questionnés au travers des personnages principaux que sont Lyra et Will comme les notions de bien et de mal, de vie et de mort, d'amour, d'amitié, de sexualité, de vérité et de mensonge. Autant de notions qui sont au travail lors du processus de maturation de chaque homme et femme avec cette angoisse de l'inconnu, du futur et du changement que cela génère.
"A la croisée des mondes" est en fin de compte une saga où les "faire-comme" (métaphores pour les mulefas) sur la vie, la théologie, la philosophie, la science permettent de nourrir sa propre réflexion métaphysique.

Avec quelques textes hors-séries à découvrir ou redécouvrir, je n'en ai pas encore totalement terminé avec cet univers que j'aurais plaisir à relire dans quelques années. Et puis, ce n'est pas comme si Philip Pullman ne travaillait pas en ce moment sur son "Book of Dust" pour approfondir cet univers et que la BBC ne comptait pas adapter cette saga en série télé. Bien que refermer cette trilogie soit un déchirement, j'aurais très bientôt le plaisir (je l'espère !) de m'y replonger sous un format ou un autre, inédit ou non.
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Citations et extraits (102) Voir plus Ajouter une citation
Will chercha à tâtons les bords immatériels de la fenêtre pour les rabattre rapidement l'un contre l'autre, tandis qu'à travers l'ouverture qui se rétrécissait leur parvenaient des bruits de pas précipités et des craquements de branches...
Il ne restait plus qu'un petit trou de la taille de la main de Will, et lorsque celui-ci se retrouva scellé, un silence absolu s'abattit sur le monde. Will tomba à genoux dans l'herbe humide de rosée et ramassa l'aléthiomètre.
- Tiens, dit-il à Lyra.
Elle prit l'instrument qu'il lui tendait. D'une main tremblante, il glissa le couteau dans sa gaine. Après quoi, il s'allongea dans l'herbe, secoué de frissons nerveux, et ferma les yeux ; il sentit le clair de lune l'envelopper d'une douce lueur argentée et les gestes doux et attentionnés de Lyra qui refaisait son pansement.
- Oh, Will, dit-elle, Merci pour tout ce que tu as fait...
- J'espère que le chat va s'en tirer, murmura-t-il. Il ressemble à mon Moxie. Il a dû rentrer chez lui. Il a retrouvé son monde.

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Viens, lui dit-elle, on est tous là, on n'est pas blessés. Et maintenant, on voit où on va. Alors, continue d'avancer, continue. On ne peut pas faire autrement que de contourner ce... (Elle désigna l'abîme à ses pieds.) On est obligés de continuer. Je te jure que Will et moi, on ira jusqu'au bout. Alors, n'aie pas peur, n'abandonne pas, ne traine pas derrière. Fais passer le message aux autres. Je ne peux pas me retourner sans cesse, je dois regarder ou je mets les pieds. Je dois être sûre que tu nous suis, d'accord ?
Le petit fantôme hocha la tête. Alors, dans un silence angoissé, la colonne des morts reprit son chemin en longeant le gouffre. Combien de temps il leur fallut, ni Will ni Lyra n'auraient su le dire; à quel point c'était effrayant et dangereux, pas une seconde ils ne pouvaient l'oublier. L'obscurité était si intense dans le gouffre qu'elle semblait attirer le regard vers elle, et une sensation de vertige terrifiante s'emparait d'eux dès qu'ils regardaient en bas. Chaque fois qu'ils le pouvaient, ils fixaient devant eux une pierre, une prise, une saillie, une plaque de graviers instables, et ils évitaient ainsi de regarder l'abîme, mais celui-ci les tentait, il les appelait. Ils ne pouvaient s'empêcher d'y jeter un coup d'œil et, aussitôt, ils se sentaient vaciller, leur vision se mettait à tournoyer, et une horrible nausée les submergeait.

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Les sorcières aidèrent à transporter les charrettes un peu plus loin sur la route, de l'autre côté du petit pont de pierre, loin du bosquet d'où avaient jailli les Spectres. Il fallut abandonner les adultes pétrifiés à l'endroit même où ils s'étaient figés, si douloureux que fût le spectacle de ces jeunes enfants s'accrochant à une mère qui ne réagissait plus à leurs sollicitations ou tirant la manche d'un père qui restait muet, le regard vide. Les plus petits ne comprenaient pas pourquoi ils devaient quitter leurs parents. Les plus âgés, dont certains avaient déjà perdu un parent ou assisté à pareille scène, affichaient un air lugubre et ne disaient mot. Serafina prit dans ses bras le petit garçon qui était tombé dans la rivière. Il réclamait son père en hurlant, les bras tendus par-dessus l'épaule de la sorcière vers cet homme silencieux, toujours planté au milieu de l'eau, indifférent.

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Atal et Mary étaient parties pêcher ce jour-là, mais la marée était basse et les poissons avaient dû filer ailleurs. Elles abandonnèrent donc le filet dans l'eau et allèrent s'asseoir sur la rive, dans l'herbe, pour discuter, jusqu'à ce que Mary aperçoive cette branche à la surface lisse et blanche. A l'aide de la loupe, elle grava un dessein (une simple marguerite) dans le bois, pour le plus grand plaisir d'Atal. Mais, alors que le mince filet de fumée montait de l'endroit où les rayons de soleil concentrés frappaient le bois, elle se dit : « Si cette branche se fossilisait et si dans dix millions d'années un scientifique la découvrait, on trouverait encore des Ombres tout autour, car je l'ai manipulée. »

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Ce devrait être une occasion solennelle, déclara Giacomo Paradisi. Si nous avions des jours et des semaines devant nous, je pourrais commencer à te raconter l'histoire du poignard subtil de la Guilde de la Torre degli Angeli, et toute la triste histoire de ce monde corrompu et insouciant. Les Spectres sont apparus par notre faute, notre seule faute. A cause de mes prédécesseurs. Des alchimistes, des philosophes, des hommes de savoir qui effectuaient des recherches sur la nature la plus profonde des choses et, ils ont fini par s'intéresser aux liens qui unissent les plus petites particules de matière.
C'était une ville riche et mercantile, une ville de marchands et de banquiers. Nous pensions tout savoir, tout connaitre. Alors nous avons défait ces liens, et nous avons laissé entrer les Spectres.
- Mais d'ou viennent ces Spectres ? interrogea Will. Pourquoi une fenêtre est-elle restée ouverte sous les marronniers, celle ou nous somme passés la première fois ? Y a-t-il d'autres fenêtres dans le monde ?
- La provenance des Spectres demeure un mystère. Viennent-ils d'un autre monde, des profondeurs de l'espace ? Nul ne le sait. Ce qui importe, c'est qu'ils sont là désormais, et qu'ils nous ont détruits. Y a-t-il d'autres fenêtres dans ce monde ? Oui, quelques-unes car, parfois, le porteur du couteau fait preuve de négligence; il oublie ou bien il n'a pas le temps de refermer le trou comme il le devrait. Quant à la fenêtre sous les arbres, celle que vous avez empruntée...c'est moi même qui l'ai laissée ouverte, dans un moment de stupidité impardonnable. Cet homme dont vous parliez... J'avais envisagé de l'attirer dans cette ville, ou il aurait été victime des Spectres. Mais je suppose qu'il est trop intelligent pour tomber dans ce genre de piège. Pourtant, il veut le couteau à tout prix. Je vous en prie, faites qu'il ne l'ait jamais entre les mains.

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Vidéo de Philip Pullman
La quête de la jeune Lyra touche à sa fin, puisque cette troisième saison devrait logiquement être la dernière : À la croisée des mondes est une trilogie. Même si Philip Pullman, à l'origine de cette adaptation pour le petit écran, a signé d'autres opus en lien avec les aventures de la jeune fille dans des mondes parallèles… On la retrouve ici en bien mauvaise posture, tombée entre les griffes de sa mère, la cruelle Marisa Coulter, qui la drogue pour la retenir captive dans une chapelle abandonnée… Qui de son père, l'impulsif et ambigu Lord Asriel, en conflit ouvert avec la tyrannique Autorité, ou de son ami Will, armé du redoutable poignard subtil, parviendra le premier à la secourir ? Un vent de révolte et de castagne souffle sur ces inédits qui poursuivent honnêtement l'entreprise des précédentes saisons. Des épisodes peuplés d'anges noirs et d'ours en armures, de terrifiants inquisiteurs et de valeureux aventuriers, d'enfants courageux et d'adultes corrompus, semés de clins d'oeil à de grandes épopées de la pop culture (d'Indiana Jones à Star Wars). Où les fans d'Harry Potter mesureront une nouvelle fois à quel point J.K. Rowling s'est inspirée de Pullman pour imaginer le destin du jeune sorcier à lunettes…
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[Facile] A la Croisée des Mondes

Comment se nomment les 2 personnages principaux de la trilogie ?

Mira Eduard et Lord Asriel
Lyra Belacqua et Will Parry
Tic et Tac
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235 lecteurs ont répondu
Thème : À la Croisée des Mondes : Intégrale de Philip PullmanCréer un quiz sur ce livre

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