Philip Pullman

J'étais en colère contre mon ami,
j'exprimai ma fureur, et ma fureur disparut.

— On m'a demandé de faire quelque chose et je crains d'accepter, de peur qu'il soit préférable de refuser. Je veux dire... préférable, pas pour moi, mais pour... la personne qui m'a demandé cette chose. Je manque d'expérience dans ce domaine, monsieur Scoresby. D'ailleurs, beaucoup de gens sont dans mon cas, avant que cela leur arrive. Je suis seule ici, je n'ai pas d'amis à qui demander conseil. Je suis un peu confuse, pardonnez-moi. Je suis tellement gênée de vous déranger.
— Ne vous excusez pas, mademoiselle Lund. Je ne sais pas si je peux vous donner un conseil utile, mais je ferai de mon mieux. Il me semble que la personne qui vous a demandé de faire cette chose espère que vous la ferez, elle ne vous l'aurait pas demandé sinon. Et... et il me semble que la personne la plus à même de juger si cela est bon ou pas pour elle, c'est cette personne. Je pense que vous ne devriez pas vous inquiéter à ce sujet, du moment que cette réponse correspond à votre choix personnel. Il n'est pas honteux de songer à son propre intérêt. Il serait sans doute plus indigne de faire ce qui vous paraît bien pour quelqu'un d'autre, alors que ça ne l'est pas pour vous.

Vous devez donner l'impression d'être une personne dépressive, ça fait fuir les gens. Ils n'aiment pas regarder la souffrance.

Le savoir, à l'instar de l'eau, trouve toujours une brèche dans laquelle s'infiltrer.

Seul l'esprit donne la vie. Sans l'esprit, ou l'âme, l'univers serait un immense terrain vague, peuplé par le vide et le silence.

C'est le plus vieux problème de l'humanité, Lyra, et c'est ce qui différencie le bien du mal. Le mal peut être sans scrupules, pas le bien. Rien n'empêche le mal de faire ce qu'il veut, alors que le bien a une main attachée dans le dos. Pour faire ce qu'il faudrait faire, pour remporter le combat, il faudrait imiter le mal.

Et si vous aidez toutes les autres personnes de vos mondes respectifs à faire de même, en leur enseignant à apprendre et à se comprendre, à comprendre les autres et la manière dont fonctionnent les choses, en leurs montrant comment être bons et non cruels, patients, joyeux et non maussades, et surtout, comment garder un esprit ouvert, libre et curieux... Alors ils produiront suffisamment de Poussière pour remplacer celle qui s’est échappée par une fenêtre. On pourra donc en laisser une ouverte.

Au moment où il s'élevait en flèche dans les airs, à la sortie d'un plongeon en piqué, ses ailes blanches déployées se détachait dans le gris du ciel, il fut soudain frapper en plein vol par un objet noir et il bascula sur le côté, choqué et meurtri. Lyra poussa un grand cri, victime de la même douleur intense. Une seconde petite chose noire rejoignit la première; elles ne se déplaçaient pas comme les oiseaux, mais plutôt comme des insectes au vol pesant, rectiligne et bourdonnant.
Tandis que Pantalamon chutait, essayant désespérément de modifier sa trajectoire pur atteindre le bateau et les bras de Lyra, les créatures noires continueraient à l'assaillir, vrombissantes et meurtrières. Terrassée par sa propre peur et celle de Pantalamon. Lyra vit soudain quelque chose passer devant elle et s'élever dans le ciel.
C'était le Daemon du Vieil homme....

Il n'y avait pas de trace de vie dans ce paysage brun et terne; seul le halètement régulier du moteur et le clapotis de l'eau sous la proue brisait l'immensité du silence. Des nuages bas flottaient dans le ciel, sans offrir de pluie; en dessous le ciel était chargé de fumée. Seul l'élégance éblouissante du vol de Paitalamon était porteuse de vie et de joie.

Mais comment fais tu pour trouver les bonnes significations?
- Je les vois. Ou plutôt le les sens; c'est un peu comme descendre une échelle en pleine nuit : on pose son pied et on sens un autre barreau eu dessous, Je fais marcher mon esprit, je découvre un autre sens et, à ce moment là, je sens que c'est bon. Ensuite je les assemble. Il y a une astuce, comme plisser les yeux pour mieux voir.

Lyra repartit seule en direction du rivage envahi par les roseaux ; là, elle s'assit et lança de la boue dans l'eau. Elle était moins sûre d''une chose : elle n'éprouvait aucune joie ni aucune fierté à pourvoir déchiffrer l'aléthiomètre... A vrai dire, elle avait peur. Quelque soit le pouvoir invisible qui faisait tournoyer et s'arrêter l'aiguille, il connaissait des choses comme un être doué d'intelligence.

Pantalaimon cracha doucement, mais le daemon de John Faa quitta le dossier de la chaise et vola vers eux en agitant ses grandes ailes noires, non pas de manière menaçante, mais plutôt pour rappeler les bonnes manières. Lyra tourna les talons, tandis que le corbeau planait au-dessus de la tête. La porte se referma derrière elle avec un petit claquement inflexible.
- On ira quand même, dit-elle à Pantalaimon. Qu'ils essaient donc de nous en empêcher! On va voir ce qu'on va voir.

- Tous ces dessins autour du cadran, explique Farder Coram en orientant l'objet vers le regard e John Faa, sont des symboles, et chacun d'eux représente beaucoup de choses différentes. Prenez l''ancre de bateau, par exemple, le premier sens est le symbole de l'espoir, car l'espoir vous permet de tenir bon au milieu de la tempête, comme une ancre. Le deuxième sens, c'est la constance. Le troisième, c'est l'idée d'obstacle invisible, de prévention. Le quatrième sens, c'est la mer. Et ainsi de suite... Il y a peut être une dizaine une vingtaine , ou même une infinité de sens.
[...]Pour que cela marche, celui qui pose la question doit avoir tous les niveaux présents à l'esprit. [note de Pégase Shiatsu : état du poseur de question, possibilité infini d'iinterprétation, autant d'indices pour savoir de quoi l'auteur s'est inspirer pour créer son alétiomètre... et pour une fois, nous n'avons pas besoins de faire des hypothèses, puisque plus tard, l'auteur, ien documenté, répond à la question.... un système d'interrogation pour connaitre le présent qui existe déjà mais que peut de gens savent correctement interpréter... pour les mêmes raisons qu'il est difficile de lire l'alétiomètre... Fantastique...]

- Il y a trois aiguilles que l'on peut contrôler, explique Farder Coram. On s'en sert pour poser une question. En désignant trois symboles, on peut poser toutes les questions que l'on souhaite, étant donné que chacun possède de nombreuses significations. Une fois que la question est bien précisée, la grande aiguille tourne et désigne d'autres symboles qui donnent la réponse.

Elle avait dit cela avec fougue et détermination, appuyer contre le haut du dossier en bois sculpté de la chaise qui la faisait apparaître encore plus petite. Les deux vieillards ne purent s'empêcher de sourire mais, alors que le sourire de Farder Coram était un rictus hésitant, complexe, qui tremblait sur son visage comme les rayons de soleil qui chassent les ombres, par une journée venteuse du mois de mars, le sourire de John Faa était chaleureux, simple et doux.

- Elle a été découverte par un Moscovite -arrête moi si vous le savez déjà-, disait un homme d'un certain âge, sous le regard admiratif de la jeune femme.... un dénommé Russakov, d'où le nom de particule de Russakov qu'on leur donne généralement. Des particules élémentaires qui n(ont aucune action les unes sur les autres et extrêmement difficiles à détecter, mais le plus extraordinaire, c'est qu'elles semblent attirées par les êtres humains. [note de Pégase Shiatsu quelques rares phrases sont placées cela et là inspirées de la physique quantique réelle, que l'auteur extrapole pour nous préparer au deuxième livre de la Saga... Pour ceux qui veulent comprendre, lire une brève histoire du temps de Hauking]

Pas étonnant dans ces conditions qu'elle n'ai acquis qu'un savoir partiel. Elle avait entendu parler de l'atome et des particules élémentaires, des charges baromagnétiques, des quatre forces fondamentales et d'autres fragments de théologie expérimentale, mais elle ignorait tout du système solaire. [note de Pégase Shiatsu : comme Sherlock Holmes!] De fait, quand Mme Coulter découvrit ses lacunes et lui expliqua de quelle façon la Terre et 5 autres planètes tournent autour du soleil Lyra rit e bon coeur à cette plaisanterie.

L'année dernière, j'ai passé trois mois au Groenland pour observer l'Aurore.
Et voilà, plus rien ni personne n'existait désormais aux yeux de Lyra. Les yeux fixés sur Mme Coulter, avec une fascination respectueuse, elle l'écoutait raconter ses histoires où il était question de construction d'igloos, de chasse aux phoques et de négociation avec les sorcières e Laponie. Les deux Erudites n'ayant rien d'aussi excitant à raconter, elles gardèrent le silence jusqu'à ce que les hommes les rejoignent.

- Vous êtes érudites ? demanda Lyra.
Elle considérait les Erudites avec un mépris typique de Jordan College : ce genre de personnes existait, certes, mais on ne pouvait pas les prendre plus au sérieux, les pauvres, que des animaux dressés pour exécuter des numéros. Toute fois Mme Coulter ne ressemblait pas aux Erudites qu'avait pu rencontrer Lyra, et certainement pas aux deux autres invitées de la soirée, ces vieilles femmes à l'air sévère. En vérité, Lyra avait posé cette question en s'attendant à une réponse négative, car Mme Coulter possédait une telle élégance que la fillette était comme envoûtée. Elle ne pouvait la quitter des yeux.

Oubliés les enfourneurs, encore une fois, Lyra et Roger progressaient sur la pointe des pieds, une bougie dans leu mains tremblantes, scrutant chaque recoin sombre, et une seule question de plus en plus pressante, obsédait Lyra, quel goût avec donc le vin?
Il y avait une façon très simple d'y répondre. Malgré les protestations vigoureuses de Roger, Lyra pris la plus vieille bouteille, la plus tordue et la plus verte des bouteilles qu'elle pu trouver, et n'ayant pas de quoi extraire le bouchon, elle brisa le goulot. Réfugiés dans le recoin le plus sombre de la cave, ils burent à pleine gorger l'entêtante liqueur pourpre, en se demandant à quel moment ils seraient ivres. A vrai dire, Lyra n'aimait pas beaucoup le goût du vin, mais elle devait reconnaitre que c'était un breuvage noble et complexe. Le plus drôle c'était de regarder leurs deux daemons, qui semblaient de plus en plus confus : ils trébuchaient, riaient bêtement, et s'amusaient à changer de forme pour ressembler à des grenouilles, chacun essayant de se faire plus laid que l'autre.
Finalement, et presque simultanément, les deux enfants découvrirent ce que signifiaient être ivres.
- Et ils aiment ça? demanda Roger entre deux hoquets, après avoir vomi copieusement.