Citations de Piergiorgio Pulixi (182)
- Ils ont coffré le mec ?
- Dans un pays normal, peut-être...Mais non. Ils l'ont laissé partir pour des conneries de vice de procédure et de prescription.
Elle vit une embarcation de quatre rameurs fendre le miroir d'eau immobile qui reflétait le coucher de soleil. Elle paraissait traverser une coulée de lave.
En Sardaigne, le silence est presque une religion. L'île est composée de distances infinies et de silences ancestraux qui ont quelque chose de sacré. Tout en est imprégné : les maquis qui se découpent jusqu'à l'horizon, les champs de blé à perte de vue, les plaines recouvertes de ciste, de lentisques, de myrte et d'arbousiers qui saturent l'air de parfums enivrants; les montagnes qui se dressent timidement vers le ciel, comme par peur de le profaner. Les hauts plateaux et les pâturages où paissent les troupeaux et souffle le mistral. Partout règne un silence pénétrant.
Ce n'est pas une question de justice ou d'injustice. Seulement de pouvoir.
Qui détient le pouvoir détient aussi la justice.
Pour revenir à l'affaire, c'est précisément ça qui me préoccupe, dit-il. Dans cette époque de haine numérique, avec cette hostilité diffuse et la rage sociale qui anime les gens, la situation risque d'exploser, si on ne l'arrête pas à temps
_Pour revenir à l'affaire, c'est précisément ça qui me préoccupe, dit-il. Dans cette époque de haine numérique, avec cette hostilité diffuse et la rage sociale qui anime les gens, la situation risque d'exploser, si on ne l'arrête pas à temps.
La haine est comme un orchestre. Elle a besoin de quelqu’un qui la dirige, qui fait monter la tension et la cadence, pour laisser ensuite exploser toute cette impétuosité dans une chevauchée majestueuse. Mais tu sais quel est l’aspect de la haine qui me fascine le plus ? J’aime sa manière d’effacer les distances sociales…
(Page 420)
Le facteur critique, c’est que ce raisonnement part d’un constat malheureusement exact : l’Italie est un pays où il est courant de poursuivre les victimes, surtout si ce sont des femmes, tandis que les coupables courent en liberté.
(p. 104)
"Ce n'est pas une question de justice ou d'injustice. Seulement de pouvoir. Qui détient le pouvoir détient aussi la justice."
Qui détient le pouvoir détient aussi la justice.
Il songea que les réseaux sociaux étaient devenus le nouveau valium spirituel, un anesthésiant pour survivre à l'aliénation urbaine. La connexion numérique comme antidote à la déconnexion identitaire.
La soif de vérité s'alanguit avec le temps, mais pas pour ces âmes condamnées à une nuit éternelle qu'il te revient tant bien mal d'éclairer. C'est ton travail. Ou peut-être plus encore: c'est ce que tu es. Ce pour quoi il te semble être né. Ta mission. Ta condamnation. Et si tu cherches à les oublier, les esprits des victimes t'empêchent de dormir. Tu les devines au pied du lit. Ils murmurent tes fautes. Ils t'accusent d'avoir capitulé. A la longue, ils te conduisent à la folie, et tu ferais n'importe quoi pour les chasser. N'importe quoi.
Toutes les affaires d'homicide ne sont pas identiques. Certaines te collent à la peau pour toujours. Tu les portes en toi comme des cicatrices. Au bout de quelques années, elles cessent de te faire du mal et tu n'y prêtes plus attention. Elles deviennent une partie de toi. Le tissu cicatriciel s’atténue au point que tu finis par ignorer sa présence. Mais il suffit d'un détail, d'une odeur, d'un regard ou d'un mot pour réinfecter la plaie, pour rouvrir la boîte de Pandore que tous les enquêteurs ou presque gardent en eux, laissant libre cours à des souvenirs corrosifs et à une culpabilité aussi sournoise que des parasites intestinaux. Et peu importe le nombre de kilomètres, physiques ou psychologiques, que tu pourras mettre entre toi et l'affaire, cette dernière te retrouvera toujours, tel un esprit qui ne trouve pas la paix venu te tourmenter pour obtenir justice.
"Le mal qui n'est pas cautérisé génère un mal nouveau, dans une spirale infinie", avait dit Barrali. Eva comprit que sa partenaire avait totalement raison: elles devaient résoudre l'affaire avant que d'autres innocents n'en subissent les conséquences.
Les nuages orageux voilaient la campagne. Mais il n'était pas encore tombé une seule goutte de ce ciel de plomb. Près d'un an s'était écoulé depuis la dernière pluie. La nature, tel un ancien dont on bouleverse la routine, devenait folle. L'eau était un élément essentiel au cycle des saisons. Sans elle, tout partait à la dérive.
Avec les dernières pluies, le torrent avait enflé jusqu'à la crue. Eva se laissa aller à penser que certaines personnes étaient des digues. Mais pas dans une acception négative. Des digues qui, d'un regard, d'un mot ou même par leur simple présence, te permettaient de te glisser dans ton propre torrent existentiel, sans débordement, sans qu'un élan sentimental soudain te submerge d'un trop-plein de vie, de cœur, de larmes. Des digues. Pour que le courant ne perde pas de sa force. Des digues. Pour garder le regard fixé vers l'horizon de ses désirs.
Le lien qui se tisse entre l'enquêteur et la victime d'un homicide est sacré. Il transcende la simple bureaucratie, les comptes rendus d'enquête, les rapports d’autopsie, les pièces à fournir au magistrat. Il devient quelque chose de beaucoup plus intime. Dans l'éventualité où l'affaire n'est pas résolue et où le bourreau reste en liberté, ce lien sacré, indissoluble, peut se muer en une obsession éreintante, impossible à fuir. Le temps qui passe renforce le sentiment de culpabilité, accentue le doute selon lequel le tueur pourrait frapper de nouveau... La vie continue, évidemment, mais la peur d'avoir fait fausse route, de ne pas avoir été à la hauteur, d'avoir permis que d'autres vies soient brisées reste vissée au cœur et à l'âme, et, plus les années passent, plus ce poids devient insupportable. Une affaire non résolue est la condamnation la plus sévère que peut subir un policier. Parfois, c'est un point de non-retour.
Le tangage du bateau lui évoquait les contractions d'une parturiente. Le clapot des vagues, les gémissements causés par les douleurs. Le souffle du vent, la respiration haletante de la femme sur le point de perdre les eaux. Le battement sourd des moteurs du ferry qui montaient dans les tours, l'augmentation vertigineuse du pouls. Elle sourit, amère. En un sens, c'était ça: cette nuit enveloppante était l'utérus qui la retiendrait encore quelques heures, jusqu'à ce qu'elle accouche d'une nouvelle vie, d'une nouvelle elle.
- Arrête de m'appeler comme ça, dit-elle en détachant l'étui attaché à sa ceinture. (Elle glissa le pistolet dans un tiroir et sans se retourner, ajouta:) J'ai besoin de prendre une douche et de dormir quelques heures.
A furia di scavare avevamo ris vegliato sas animas malas, gli spiriti malvagi, e il buio ci aveva investiti tutti, uno dopo l'altro. Come una maledizione.